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suivant : « Dans des circonstances moins urgentes que celles qui nous pressent, il aurait suffi à votre commission de vous présenter le résultat du rapport qui nous a été fait hier. Mais quand les besoins sont réels, ce serait une insouciance criminelle que de ne pas proclamer l'insuffisance des rentrées, et de ne pas s'occuper sur-le-champ des moyens de subvenir au déficit.

› Les abus et les déprédations passés ne restent plus en notre puissance que pour les soumettre à une juste poursuite. Croiriezvous qu'au mois de vendémiaire dernier, avant l'appel fait aux conscrits et aux réquisitionnaires, les tableaux de la solde des troupes étaient comptés sur le pied de quatre cent trente-sept mille hommes présens aux armées, sans y comprendre les troupes qui sont en Égypte et en Hollande? Croiriez-vous que, pour compléter soixante-huit mille hommes de cavalerie, il ait fallu s'occuper de l'achat de quarante mille chevaux? La commission se croirait indigne de votre confiance et coupable de lèze-nation, si elle ne vous proposait de demander au directoire, par un message, des renseignemens détaillés, pour signaler l'auteur de tant de

maux.

» Des messages nous ont annoncé l'existence d'un grand déficit. Si le directoire veut que le service se fasse, nous le voulons aussi. Du moment où les troupes républicaines réduites à un pe tit nombre ont vu tromper leur valeur; du moment où la nouvelle de l'exécrable forfait commis à Rastadt par l'ordre de la maison d'Autriche a été répandu dans la République, qu'un cri général s'est fait entendre: Vengeance! des hommes! de l'argent! de toutes parts, de nombreux bataillons se lèvent, s'organisent; mais leur courage serait impuissant, si des resources pécuniaires ne venaient le rendre utile.

› Lèvera-t-on une taxe de guerre? l'affirmative ne peut être douteuse. Cette taxe sera-t-elle assise sur les fortunes présumées? cette mesure serait arbitraire, injuste, elle ouvrirait la porte d'une foule de réclamations, de plaintes; elle éprouverait des retards : ses produits seraient incertains et de peu de valeur.

› La taxe de guerre et de vengeance nationale, que la com

mission va vous soumettre, repose sur les bases suivantes : › 1o Il sera perçu un décime par franc, par addition à la contribution foncière. Cette ressource produira 21,000,000.

› 2o Il sera perçu un décime par franc, en addition à la contribution personnelle et mobilière, à commencer par la classe indigente; mais cette addition sera progressive et proportionnnée aux diverses classes de contribuables. Produit, 15,000,000.

3o Doubler le dernier rôle fait pour les contributions des portes et fenêtres. On en exceptera les indigens qui n'ont que deux ouvertures. Produit 6,000,000.

» 4o Augmentation d'un décime par franc sur l'enregistrement. 2,000,000 et demi pour le reste de l'année.

› 5o Augmentation de la taxe de la poste aux lettres. Une lettre taxé six sous, en paiera neuf. -2,000,000.

› 6o Augmentation dans le timbre. -2,000,000.

› Ces branches de contributions additionnelles ne donnent lieu à aucune mesure arbitraire, elles produiront environ 50,000,000, pour l'an vii.

› Mais comme cette somme n'atteint pas celle qui est demandée par le directoire, elle sera complétée par une retenue sur les traitemens des fonctionnaires et ensuite par des économies, et le retranchement de toutes les dépenses inutiles.

» La commission s'occupe de ce dernier objet avec la plus grande activité. La patrie menacée réclame le déploiement de toutes ses ressources; mais c'est surtout en rétablissant l'ordre et l'économie dans toutes les branches de l'administration, que l'esprit public se relèvera de l'espèce d'apathie dans laquelle il est plongé; alors, rendu à son énergie première, il trouvera légers tous les sacrifices que le salut de la patrie exige. »

Le rapporteur propose ensuite les projets suivans :

« 10 Il sera adressé au directoire un message pour lui demander des renseignemens circonstanciés sur la gestion de l'ex-ministre Schérer, sur l'exagération des états de dépenses de son ministère, pendant les six premiers mois de l'an vii; sur les causes du

dénûment qui existait dans le matériel et dans le personnel des armées, lors de la reprise des hostilités.

Une foule de membres. ‹ Aux voix ! aux voix, le message! › Unaninement adopté.

2o La commission chargée du travail sur la responsabilité des ministres fera son rapport dans une décade. »

Une foule de membres. Aux voix! adopté ! »

50 Tous les fonctionnaires publics et employés civils, dont le traitement est au-dessus de 3,000 fr., éprouveront une retenue de cinq pour cent sur les trois premiers 1,000 fr., et de dix pour cent sur les autres.

› Cette disposition sera applicable aux représentans du peuple, aux membres du directoire, aux ministres, aux membres du corps diplomatique, aux régisseurs, etc.

A l'égard des traitemens inférieurs à la somme de 3,000 fr. il ne sera dérogé en rien aux lois existantes. Adopté. -Les autres projets forent successivement adoptés, et aux cinq-cents et aux anciens.

Le 6 prairial (14 mai), Dubois-Dubay, faisant un rapport aux anciens sur les résolutions prises aux cinq-cents à l'égard de l'impôt, avait dit : « Si vous voulez que ces impôts soient payés, il vous faut jurer une guerre d'extermination et d'anéantissement à cette coalition de dilapidateurs qui dévorent la substance du peuple français, et qui sont plus funestes pour la République que la coalition des despotes. Il vous faut les anéantir ou voir anéantir la République : l'instant est venu de les signaler, de les poursuivre, de satisfaire au cri de l'indignation publique; il est temps d'entrer dans l'examen de ces scandaleux marchés où l'on a tra

fiqué avec impudeur des sueurs du peuple ; il est temps que les fournisseurs infidèles soient livrés, avec leurs chefs, à la vengeance des lois; il est temps que l'on voie cesser ces marchés scandaleux où l'on vend à la République 350 fr. des chevaux qui coûtent au plus 250 fa; qu'elle cesse de payer 18 fr. des bottes qui valent à peine 8 fr.;. et qu'elle cesse de payer 42 fr. le sac de farine que les particuliers paient 37 fr.

Il est temps que la responsabilité des ministres et des fonctionnaires ne soit plus un vain mot; que l'économie règne; que la moralité recouvre son empire, car sans moralité point de crédit, point de République ; il est temps que l'on écoute le cri de l'opinion publique, qui, tôt ou tard, découvre les secrets des gouvernans; qu'ils soient revêtus du manteau directorial ou de la pourpre des sénateurs, que l'on punisse les coupables partout où ils se trouvent.

> En vain voudraient-ils se soustraire à la punition qui leur est due par des écrits soudoyés; ils seront dévoilés; il faut que Schérer et ses complices, accusés par l'opinion publique, soient traduits devant les tribunaux.

» Guerre ! guerre aux fripons qui ont volé les deniers publics! que ce soit notre cri comme celui de vengeance contre le gouvernement autrichien. ›

Le lendemain, Rewbel, par motion d'ordre, demanda le rapport de l'arrêté qui avait ordonné l'impression du rapport de DuboisDubay, dans lequel ce membre, en s'élevant contre les dilapidateurs, avait dit qu'il fallait les poursuivre, fussent-ils revêtus de la pourpre sénatoriale ou du manteau de directeur. « Ces expressions, dit Rewbel, offrent un vague offensant pour tous les représentans du peuple ou les directeurs entrant et sortant. » Ici l'orateur déclare que quoique Schérer se fût déjà distingué dans les armées, il s'était vivement opposé à ce qu'il fût nommé général en chef de l'armée d'Italie, parce qu'étant trop vieux il n'avait plus l'activité nécessaire pour une campagne. Il défie tous ceux qui répandent qu'il s'est gorgé de richesses, de prouver que jamais on soit parvenu à obtenir, par lui ou par les siens, aucun marché, aucune entreprise, aucune grâce; il n'a jamais désiré que la médiocrité : il voue à l'exécration les dilapidateurs, et croit que le jour où l'on serait condamné à en poursuivre, serait une véritable calamité publique: il rappelle enfin qu'avant de décimer la Convention nationale, on commença par en calomnier les membres, et il ne pense pas que le conseil des anciens yeuille courir des pareils dangers.

Vernier et Régnier déclarent qu'ils n'ont point connaissance des faits dont il s'agit, et n'ont point pris part, à la commission dont ils étaient membres, aux choses contre lesquelles on réclame.

Dubois-Dubay. En accusant Schérer, j'ai été l'organe de toute la France; tous les membres du conseil ont partagé mon indignation; je persiste dans tout ce que j'ai dit. »

Rewbel réplique qu'il a cru voir dans le rapport de son collègue une accusation particulière. ‹ Schérer, dit-il, n'est point mon parent; s'il s'est permis des dilapidations, il ne m'en a pas fait part, à moi qui les ai en horreur. Il ne faut pas que le soupçon plane sur les membres de la représentation nationale, et j'aime à croire que mon collègue Dubois-Dubay retranchera de son opinion tout ce qui pourrait produire un effet dont profiterait la malveillance. Je demande le rapport de l'arrêté qui ordonne l'impression de son discours. >

L'ordre du jour! s'écrie-t-on de toutes parts.

Dubois-Dubay déclare qu'il n'a parlé que des devoirs de l'homme public, et qu'il n'a entendu se livrer à aucune personnalité. Le conseil passe à l'ordre du jour.

M

Lorsque de telles dispositions existaient dans les conseils, les amis du directoire eurent l'imprudence de critiquer la parcimonie du corps législatif, et de publier qu'il y avait dans son sein un parti pour relever la Constitution de 1793. Ces accusations furent dénoncées dans le conseil des cinq-cents, et aussitôt les membres les plus actifs cherchèrent un moyen de mettre en cause l'autorité du pouvoir exécutif. Ce fut la question de la presse qui fut choisie pour champ d'hostilités; on commença aussitôt la guerre sur ce sujet; mais on l'abandonna après deux séances parce qu'il dégénerait en discussion. ·

Pendant ce temps, les événemens militaires compromettaient de plus en plus la sécurité de la République. En Suisse, Masséna avait été obligé d'évacuer le Grisons, et de se retirer sous Zurich où il était appuyé par un camp retranché. En Italie, Suwarow, ayant réuni ses soixante mille Russes aux masses autrichien

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