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tique »>, ordonné par le Gouvernement français contre la Prusse, en 1836; blocus du Mexique par la France, en 1838; blocus des côtes de la République argentine par la France, dans les circonstances sur lesquelles statuait la décision du Conseil d'Etat précitée; blocus au Venezuela, par la France et d'autres puissances, etc.

Le blocus de guerre, maritime ou continental, est une hostilité très-caractérisée, par un des belligérants contre l'autre, avec des effets considérables vis-à-vis de tous résidents, combattants ou non sa condition principale étant l'occupation, et ses effets étant les mêmes dans les deux cas, nous avons d'abord à rechercher l'origine ou les fondements du droit et aussi son assiette possible (infrà, n° 2 et 3). Mais, de grandes différences existant entre le blocus maritime et l'investissement d'une place sur le continent, nous devrons consacrer à chacun d'eux un paragraphé spécial, en donnant même à cette seconde espèce de blocus une dénomination distinctive, qui est déjà dans les termes de plusieurs actes législatifs (§ 2 et § 3).

2. On ne trouve dans la savante œuvre de Grotius, ordinairement féconde, qu'une seule phrase qui se rapporte au blocus; c'est celle où il dit : «Que si le transport des choses a empêché la poursuite de mon droit, et si celui qui a effectué ce transport a pu le savoir; si, par exemple, je tenais une place forte assiégée, ou des ports fermés, et si déjà la reddition ou la paix étaient attendues, il sera tenu envers moi à raison du dommage causé par sa faute.» Cela implique, avec l'existence d'un droit, la condition d'un blocus ou investissement qui soit complet et connu, sans que d'ailleurs il faille, comme le supposait Bynkershoek dans son commentaire, que la paix ou la reddition fussent rendus par là inévitables.

3 Grotius, de jure belli ac pacis, liv. 1, ch. 1er, no 3.

Vattel aussi n'a dit que quelques mots sur le blocus ou siége par investissement. Après avoir parlé du «commerce des peuples neutres avec les Etats de l'ennemi en général », il ajoute: «<Tout commerce est absolument défendu avec une ville assiégée. Quand je tiens une place assiégée, ou seulement bloquée, je suis en droit d'empêcher que personne n'y entre, et de traiter en ennemi quiconque entreprend d'y entrer sans ma permission, ou d'y porter quoi que ce soit : car il s'oppose à mon entreprise, il peut contribuer à la faire échouer, et par là me faire tomber dans tous les maux d'une guerre malheureuse*. » Selon ce raisonnement, qu'a développé un auteur moderne, le droit de l'assiégeant vis-à-vis de tous, des neutres eux-mêmes, serait fondé sur son intérêt contre l'ennemi, sur l'intérêt qu'a ce belligérant à le priver de toutes communications avec le dehors. Si tel était le véritable et seul fondement du droit, l'intérêt des belligérants servirait de mesure aux droits des neutres, qui seraient subordonnés à toutes les volontés ou facultés de chacun des ennemis respectifs; ceux-ci pourraient même interdire aux neutres tout commerce avec leur adversaire, en toute circonstance et dès que l'interdiction leur paraîtrait utile pour eux. Les principes sur les droits des neutres s'y opposent et il faut trouver une autre base au droit d'interdiction.

C'est l'occupation, produisant possession et donnant la souveraineté, tout au moins temporaire, qui fonde le droit vis-à-vis des neutres comme à l'encontre de l'ennemi. Dans le cas d'investissement d'une ville, pour la réduire par la famine, il y a occupation effective des avenues et du territoire environnant; cette possession actuelle donne à l'occupant le droit de se faire obéir là où il possède ainsi comme conséquence la souveraineté ; les neutres ne pourraient con

Vattel, liv. III, ch, vi, § 117; Lucchesi-Palli, Principes du droit public maritime.

tester ce droit sans aller jusqu'à nier aussi celui de faire la guerre et d'en accomplir les actes utiles: donc l'assiégeant a un droit incontestable pour interdire aux neutres et à tous autres le passage sur le territoire qu'il occupe, et même pour leur défendre le commerce avec les lieux où ils ne pourraient parvenir sans ce passage. Si la mer n'est pas susceptible d'occupation et de possession permanentes et durables, cependant il peut y en avoir assez au moyen d'une escadre, d'une flotte, de batteries, du moins pour tout l'espace occupé par elles et jusqu'à la portée de leurs canons. Aucun navire même neutre ne pourrait prétendre au droit de partager l'occupation, sans s'exposer à être repoussé par la force et soumis à la juridiction de l'occupant. Donc, quand il y a blocus par une force suffisante, celui-ci peut interdire aux neutres comme à tous autres le passage sur la partie de la mer qui se trouve ainsi sous sa souveraineté, d'autant plus que les bâtiments de blocus se tiennent ordinairement dans la mer littorale qui fait partie du territoire ennemi, dont la souveraineté se trouve ainsi déplacée. Telles sont, en substance, les raisons qui prévalent.

Recherchant aussi le fondement du droit de blocus sur mer, M. Bluntschli combat l'opinion qui le ferait dériver de l'espèce de souveraineté qu'un des belligérants acquiert et exerce, lorsqu'il occupe les eaux dépendant du territoire de son adversaire suivant lui, cette théorie ne suffit point à expliquer l'interdiction à tous les neutres de continuer leurs relations commerciales avec la côte bloquée, puisque le commerce est libre dans la règle, et que l'Etat qui bloque la côte ennemie a peut-être conclu des traités spéciaux avec les Etats neutres pour favoriser leur commerce. « La base du droit de

5 Voy. Henric. Coccius, de jure belli in amicos, § 788; Azuni, Droit maritime; Massé, Droit commercial dans ses rapports avec le droit des gens, nos 281 et suiv.

blocus, dit-il, n'est donc pas la souveraineté; ce droit repose uniquement sur les nécessités de la guerre. On ne peut pousser les opérations énergiquement et avec succès sans recourir au blocus. Il est évident qu'un blocus cause toujours de graves préjudices aux neutres, mais on admet que les neutres doivent s'y soumettre parce que les blocus sont inévitables, et que les neutres ne peuvent écarter d'eux le contre-coup de la guerre. Grotius, Bynkersoëk et récemment Gessner envisagent avec raison le droit de blocus comme une nécessité de la guerre, et ne lui assignent pas d'autre origine. Seulement, le blocus étant un droit nécessaire, il faut le restreindre aux cas où il y a réellement nécessité absolue'. » Nous adoptons cette dernière opinion, en tant qu'elle subordonne à une véritable nécessité de guerre le droit d'établir le blocus, qui produira des interdictions contre les neutres eux-mêmes. Mais cela ne nous paraît pas détruire entièrement l'opinion précédemment exposée, qui s'attache à l'idée d'occupation ou de souveraineté. Oui, un belligérant ne doit recourir à l'extrémité du blocus, sur mer notamment, qu'autant qu'il y a pour lui nécessité absolue de sacrifier ainsi jusqu'aux droits des neutres. Mais son blocus, déclaré pour cause de nécessité, ne lui donnera pas par lui seul un droit absolu pour que l'interdiction vis-à-vis des neutres arrive à l'état d'un droit inviolable, il faudra qu'elle puisse se fonder sur la souveraineté acquise; or, dans la guerre, c'est l'occupation obtenue qui fait acquérir un tel droit.

Du principe ainsi posé découleront des conséquences importantes, au point de vue des droits respectifs et pour la solution de graves questions qui surgissent inévitablement du

6 Bluntschli, Le droit international codifié, notes sur la règle 827, ainsi formulée « Les États belligérants ont le droit d'intercepter toutes relations commerciales entre les ports, places fortes ou côtes ennemis et les États étrangers, ces derniers fussent-ils même neutres. >>

conflit d'intérêts. La principale, féconde elle-même en conséquences secondaires, est que, pour être efficace, le blocus maritime ainsi que l'investissement sur terre doit être réel, c'est-à-dire opéré par une force suffisante pour empêcher le passage. Cette condition est essentielle, étant inhérente à l'acquisition même du droit. Mais comment peut-elle être accomplie? Ce sera encore à examiner.

3. Le droit de blocus existe-t-il contre tous ports et toutes places, ou seulement contre les points fortifiés? Suivant un auteur, l'objet du blocus étant de faire la guerre et non de troubler le commerce des neutres, il ne doit pas être permis de bloquer un port de commerce non fortifié, où n'habite pas l'ennemi; car cela produirait des blocus qui, n'ayant d'autre but que d'attenter au commerce des neutres, soumettraient au droit de la guerre des propriétés privées qui doivent en être affranchies". Il a été répondu par MM. Genz et Massé que le belligérant a le droit de choisir son point d'attaque et qu'il n'appartient pas aux neutres de contredire ses opérations militaires; que la possibilité d'abus ne suffit pas pour qu'il y ait opposition à l'exercice du droit par des neutres, dont le droit aussi est quelquefois abusivement exercé; que le belligérant est dans son droit plein, lorsqu'il attaque seulement la propriété et le territoire de l'ennemi ; que s'il ne pouvait jamais bloquer un port non fortifié, les puissances dont les forces navales sont insuffisantes pour les préserver d'attaques de ce genre, n'auraient qu'à raser leurs côtes et détruire leurs fortifications pour éviter tout blocus maritime; qu'enfin le danger des abus est notablement diminué par la nécessité d'un blocus effectif, dans les conditions qui vont être indiquées. Cette opinion paraît avoir

7 Lucchesi-Palli, p. 180 et suiv.

8 De Gentz, Mémoires, p. 432; Massé, loc. cit., no 293.

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