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prévalu lors du congrès de 1856, dont la déclaration parle de l'accès du littoral de l'ennemi (Voy. infrà, no 4).

Applicable aux rivages ouverts comme aux ports maritimes, le droit de blocus existe également à l'égard des embouchures de rivières; il n'est pas non plus interdit de l'exercer sur un détroit, dans le cas où un belligérant aurait intérêt à s'en emparer et pourrait y établir en permanence des forces navales, suffisantes pour l'occuper. Toutefois, si des neutres avaient sur le lieu occupé par l'un des belligérants un droit de copropriété ou de passage, il devrait être respecté, parce que la guerre n'autorise pas à s'emparer du bien d'un neutre'. On admet même que le blocus est permis sur toute une étendue de côtes ennemies, parce que celui qui a le droit de bloquer un port ou une ville doit avoir le même droit sur toutes et partout. Seulement, la condition de l'efficacité étant que le blocus soit réel, il faudrait que tout le rivage fût bloqué, de telle sorte que tous les points fussent occupés en même temps et que partout il y eût danger de passer sans être pris ". Dans deux ouvrages tout récents, il est encore admis qu'un littoral entier peut être soumis au blocus, dans les conditions ainsi exprimées : « On pourra dans ce cas établir des croisières chargées de la surveillance régulière du littoral, à condition que ces croisières dépendent d'une station fixe". » Mais, en définitive, il faut toujours la condition de réalité ou d'efficacité, sur mer comme sur terre, pour que l'hostilité contre l'ennemi emporte un droit d'interdiction contre les neutres eux-mêmes.

L'État dont quelques ports sont menacés par l'ennemi, ayant envahi partiellement son territoire continental, peut

9 Massé, loc. cit., nos 294-296.

10 Cauchy, Le droit maritime international, t. 2, p. 423 et suiv.; Massé, n° 297.

11 Gessner, p. 167; Bluntschli, note sur sa règle 830.

il lui-même les déclarer en état de blocus pour le cas où l'invasion les atteindrait, afin de se réserver le moyen d'empêcher que l'ennemi n'obtienne par mer des ressources ou n'enlève les navires nationaux ? L'hypothèse est si extraordinaire, qu'elle pourrait paraître chimérique. Cependant elle s'est réalisée dans la guerre d'invasion des Allemands en France, ce qui demande que la question posée soit résolue. La solution se trouvera, comme précédent, dans les motifs et circonstances que nous préciserons (no 6).

Sur le continent, l'envahisseur peut-il bloquer ou investir tout territoire quelconque, sans égard aux droits ou immunités des résidents neutres et de la population paisible? Un tel blocus semblerait devoir n'être réputé licite qu'à l'égard des places fortes ou des points fortifiés, susceptibles de siége. Relativement aux villes ouvertes, leurs habitants paisibles et les propriétés privées devant être à l'abri d'hostilités, on ne doit pas admettre le blocus ou investissement qui serait une attaque légitimant la résistance. Nous verrons pourtant des attaques allant jusqu'au bombardement, qui ont eu lieu sous prétexte qu'une ville ouverte qui se défend encourt toutes rigueurs (ch. xvi).

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4. Il n'en est pas du blocus maritime comme de l'état de siége, qui peut résulter d'une déclaration précédant tout investissement (ainsi que nous l'expliquons au chapitre suivant). L'une des conditions essentielles de ce blocus, pour qu'il soit obligatoire et produise ses effets selon le droit des gens actuel, est la réalité du fait proclamé ou décrété. Mais de quelle manière le blocus sur mer doit-il être réel ou effectif? Des systèmes divers, avec conflits persistants, ont

été émis et se retrouvent encore partiellement dans de récents ouvrages. Cela demande explication.

Le plus ancien système est celui de puissances maritimes qui prétendaient que, pour interdire aux neutres le commerce avec un pays ou une côte, il suffisait d'en proclamer le blocus; ce système ne fut modifié qu'imparfaitement, ou qu'en apparence, par celui qui exigeait seulement que la déclaration fût appuyée de forces considérables, sans qu'il y eût nécessité de forces telles qu'on ne pût sans danger réel essayer d'entrer dans l'un ou l'autre port de la côte bloquée. C'est ainsi que l'entendirent les Hollandais, un édit du 26 juin 1630 ayant déclaré en état de blocus toutes les côtes et rivières de la Flandre. L'Angleterre l'entendait de même, lorsqu'elle déclara en état de blocus tout le littoral français: si elle semblait concéder le principe de la réalité du blocus, elle le dénaturait dans l'application. Son ambassadeur aux États-Unis disait bien: «La Grande-Bretagne n'a jamais contesté que, suivant les usages du droit des gens, tout blocus, pour pouvoir être justifié, doit être appuyé de forces suffisantes, et mettre en danger tout navire qui tenterait d'échapper à ses effets. Ce fut d'après ce principe reconnu que le blocus de 1806 ne fut notifié par M. Fox, secrétaire d'État, qu'après qu'il se fut convaincu, par un rapport du bureau de l'amirauté, que l'amirauté avait et emploierait tous les moyens de garder la côte depuis Brest jusqu'à l'Elbe, et de mettre réellement ce blocus à exécution. Le blocus du mois de mai 1806 était donc juste et légitime, dès son origine, puisqu'il était appuyé, tant dans l'intention qu'en effet, par des forces navales suffisantes. >>

Sans doute il y a, dans un tel blocus, plus que ce qui est tant décrié par les qualifications de « blocus sur le papier, blocus fictif, blocus de cabinet »; et nous pouvons laisser passer cette réflexion de M. de Gentz : « Il n'y a rien de plus

déplacé que d'appeler une opération pareille blocus sur lé papier. Si les blocus déclarés et exécutés par le gouvernement anglais n'avaient été que cela, il est probable que les injures que lui ont adressées ses ennemis et quelques neutres, qui avaient adopté leur langage, auraient été bien moins violentes. » Mais, en réalité, il manquait au blocus anglais des forces véritablement suffisantes, ce qui justifiait les reproches ainsi formulés dans le décret de représailles du 21 novembre 1806: «Que l'Angleterre n'admet point le droit des gens...; qu'elle déclare bloquées des places devant lesquelles elle n'a pas même un seul bâtiment de guerré, quoiqu'une place ne soit bloquée que quand elle est tellement investie, qu'on ne puisse tenter de s'en approcher sans un danger imminent; qu'elle déclare même en état de blocus des lieux que toutes ses forces réunies seraient incapables de bloquer, des côtes entières et tout un empire. » Ce fut cet excès manifeste qui motiva, comme représailles, une déclaration de blocus aussi excessive, celle des îles Britanniques généralement, avec d'autres dispositions peu ou mal motivées (Voy. ch. xiv, no 2).

La condition de suffisance des forces navales étant admise en principe, quoique violée en fait, il faut une précision plus explicite. Dans un traité entre la France et le Danemark, du 10 octobre 1742, il avait été dit que « nul port ne devait être réputé bloqué si l'entrée n'en était fermée au moins par deux vaisseaux du côté de la mer, ou par une batterie de canons du côté de la terre, de manière que les navires ne pussent y entrer sans un danger manifeste ». Lors de la neutralité armée de 1780, motivée par les prétentions de l'Angleterre, il fut proclamé dans la déclaration de la Russie, du 28 février 1780, que, «pour déterminer ce qui caractérise un port bloqué, on n'accordera cette dénomination qu'à celui où il y a, par la disposition de la puissance qui l'attaque avec

des vaisseaux arrêtés et suffisamment proches, danger évident d'entrer. » L'Angleterre ayant profité de la Révolution française pour saisir les bâtiments même neutres, sous prétexte de blocus des ports français, en 1793, et des ports de la Hollande, en 1798, la menace d'une nouvelle neutralité armée lui fit consentir, en 1801, à énoncer dans un traité avec la Russie, obtenant l'adhésion de la Suède et du Danemark, « qu'on ne regardera comme port bloqué que celui où il y a, par la disposition de la puissance qui l'attaque avec des vaisseaux suffisamment proches, un danger évident d'entrer.» Ayant encore méconnu cette condition lors du blocus des ports français et comprenant le danger des représailles, l'Angleterre enfin s'est accordée avec la France, lors de la guerre de Crimée, puis avec toutes les puissances signataires du traité conclu en congrès à Paris, en 1856, pour la proclamation expresse du principe ainsi formulé : « Les blocus, pour être obligatoires, doivent être effectifs, c'est-à-dire maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral de l'ennemi 12. » Si l'on discute encore sur la

12 Dans le traité de paix et d'amitié, conclu le 30 mars 1856, entre la France, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie, la Sardaigne et la Turquie (promulgué en France par décret du 28 avril 1856, Bull. des lois, n° 3467), il était dit, entre autres choses : « Animés du désir de mettre un terme aux calamités de la guerre, et voulant prévenir le retour des complications qui l'ont fait naître..... ont résolu de s'entendre..... sur les bases à donner au rétablissement et à la consolidation de la paix, en assurant, par des garanties efficaces et réciproques, l'indépendance et l'intégrité de l'empire ottoman... Art. 11. La mer Noire est neutralisée ouverte à la marine marchande de toutes les nations, ses eaux et ses ports sont, formellement et à perpétuité, interdits au pavillon de guerre soit des puissances riveraines, soit de toute autre puissance...

Le 16 avril, par une déclaration qu'a promulguée en France un décret du 28 (Bull. des lois, no 3468), les plénipotentiaires qui ont signé le traité..., considérant que le droit maritime, en temps de guerre, a été pendant longtemps l'objet de contestations regrettables; que l'incertitude du droit et des devoirs en pareille matière donne lieu, entre les neutres et les belligerants, à des divergences d'opinion qui peuvent faire naitre des difficultés sérieuses et

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