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28 janvier 1871, tout au moins par l'exécution sans réserve contre eux des préliminaires de paix et du traité définitif, où il a été dit conformément à la règle de droit : « Les prisonniers de guerre qui n'auront pas déjà été mis en liberté par voie d'échange seront rendus immédiatement après la ratification des présents préliminaires (26 février 1871, art. 6). Le gouvernement allemand continuera à faire rentrer les prisonniers de guerre, en s'entendant avec le gouvernement français. Le gouvernement français renverra dans leurs foyers ceux de ces prisonniers qui seront libérables... (10 mai 1871, art. 10). »

III

7. La délivrance des prisonniers de guerre, par l'une des voies qu'autorisent les principes qui prévalent depuis plus d'un siècle, incombe autant qu'il peut y parvenir à l'Etat pour lequel ils ont combattu et encouru une captivité temporaire. Non-seulement il doit hâter la conclusion de la paix, dont le traité fera rendre les prisonniers respectifs; mais son devoir d'honneur est de provoquer les libérations actuelles qui sont possibles, par tous moyens en son pouvoir. Autrefois, on admettait le rachat par une rançon, que payait le prisonnier lorsqu'il le pouvait : Vattel le reconnaissait, tout en proclamant que c'était un dette de l'État; puis il concédait que tout rachat pourrait être interdit par une loi. « Cependant, disait-il, il faut convenir que toute nation peut, à l'exemple des Romains et pour exciter ses soldats à la plus vigoureuse résistance, faire une loi qui défende de jamais racheter les prisonniers de guerre. Dès que la société entière en est ainsi convenue, personne ne peut se plaindre. Mais la loi est bien dure, et elle ne pourrait guère convenir qu'à des héros ambitieux, résolus de tout sacrifier pour devenir les

maîtres du monde (§ 154). » Aucune loi pareille n'existant de nos jours, la question est de savoir si le rachat moyennant rançon serait admissible, comme l'est l'échange, qui se fait entre les deux États belligérants. C'est admis par certaines opinions et nié par d'autres, mais sans contredits motivés en ce que l'échange est de beaucoup préférable. Dans notre conviction, la liberté n'étant pas chose vénale et le prisonnier ne devant rien, il serait peu digne d'un gouvernement, disposé à libérer quelques-uns de ses prisonniers, de n'y consentir que moyennant une somme d'argent, lorsqu'un échange lui donnerait à lui-même le moyen d'accomplir son devoir de délivrer un pareil nombre de ses nationaux prisonniers, ou lorsqu'une mise en liberté sous conditions avec engagement d'honneur de ses captifs serait une action magnanime sans dangers. Aussi la rançon était-elle proscrite par la disposition première d'une loi française (25 mai 1793), qui pourtant proclamait dans son préambule « que l'intérêt respectif des nations belligérantes veut qu'elles se rendent sans retard ceux de leurs défenseurs que le sort des armes a mis au pouvoir des unes ou des autres, et qu'elles concilient dans ces sortes de calamités tout ce que la justice, l'humanité et la loyauté exigent d'elles. »

Les prisonniers respectifs peuvent être échangés selon une convention appelée cartel, qui a de tout temps été réputée licite et même encouragée. Les principales conditions, selon les temps et les pays, ont été indiquées par Vattel, Martens, Kluber et autres publicistes. C'était l'objet de la loi du 25 mai 1793, dominée par les idées républicaines et néanmoins contenant des dispositions qui sont encore suivies. Les règles usuelles sont citées en ces termes dans le règlement américain et par M. Bluntschli: «L'échange des prisonniers est entièrement facultatif pour les deux belligérants. S'il n'a pas été conclu de cartel général, l'échange ne

peut être réclamé par aucun d'eux, et aucun d'eux n'est obligé d'y consentir. Un cartel peut être annulé aussitôt qu'il a été violé par l'un ou l'autre des belligérants (Instr. amér., art. 109). Pour que l'échange des prisonniers puisse avoir lieu, il faut que la capture soit définitive et complète, qu'on se soit exactement rendu compte de leur nombre et qu'on ait dressé la liste des officiers qui figurent parmi eux (art. 110). Les Etats belligérants peuvent, s'ils le jugent convenable, procéder à l'échange des prisonniers de guerre; mais, à moins de traité spécial, ils n'y sont point tenus. Les conventions conclues antérieurement sur cet objet cessent d'être obligatoires, si l'autre contractant ne les a pas respectées (Bluntschli, r. 612). Les belligérants ont souvent tous deux intérêt à échanger leurs prisonniers respectifs, surtout lorsque la guerre dure longtemps. Ils se déchargent ainsi des frais d'entretien et de surveillance et ne subissent aucune perte; car les avantages qui résultent de la possession d'un certain nombre de prisonniers n'existe que si l'on a soi-même plus de prisonniers que son adversaire. Si leur nombre est à peu près égal; les avantages se compensent et les inconvénients subsistent seuls.... (note). » Ces raisons et règles d'usage concourent à démontrer que l'échange de prisonniers respectifs, hors le cas d'intérêt contraire ou d'obstacle par les opérations militaires, est le meilleur mode de délivrance et de libération respectives.

« Les échanges de prisonniers s'opèrent homme pour homme, grade pour grade, blessé pour blessé, à des conditions également obligatoires pour les deux parties. Exemple: l'obligation pour tous les prisonniers échangés de ne pas servir pendant un certain temps (Instr. amér., art. 105). A moins de conventions contraires, on doit admettre qu'à égalité de grade, l'échange a lieu homme contre homme, blessé contre blessé, et que les prisonniers échangés ne participe

ront plus comme soldats à la guerre engagée (Bluntschli, r. 613). Le principe de la parité est le plus naturel, parce qu'il n'est pas pratique de vouloir tenir compte de nuances plus fines et souvent très-discutables. On doit donc considérer comme égaux les officiers de la ligne et ceux de la réserve, et ne pas faire de différence entre les soldats des différentes armes. Le traité peut fixer un délai pendant lequel les prisonniers libérés ne pourront prendre part à la lutte; l'usage est que les prisonniers ne doivent pas prendre les armes pendant la guerre engagée à l'époque de leur libération et, dans le doute, on doit présumer que c'est ce qu'ont voulu les parties (note). Il pourra être échangé, toutefois, un nombre convenu de personnes d'un grade inférieur contre une personne d'un grade ou d'un rang supérieur. Ce nombre est déterminé par un cartel qui doit être sanctionné par le gouvernement ou le commandant en chef de l'armée d'opérations (Instr. amér., art. 106). On pourra convenir d'échanger les prisonniers de rang supérieur, à défaut de prisonniers d'un grade égal, contre un certain nombre de prisonniers de grade inférieur (Bluntschli, r. 614). Cette estimation est souvent arbitraire; mais elle est inévitable, si l'on veut conserver le principe de la parité des échanges. Les questions de détail sont, en général, réglées par des cartels dont conviennent les chefs des armées belligérantes (note). » Ces règles du droit des gens, assez généralement suivies, dominent les dispositions que contenait en ces termes la loi française de 1793 «Il n'y aura pas de tarif d'échange, tel qu'un officier ou sous-officier de quelque grade que ce soit, puisse être échangé contre un plus grand nombre d'individus de grade inférieur (art. 2). La base commune des échanges, qu'aucunes modifications ne peuvent altérer sans le consentement exprès de la Convention nationale, sera d'échanger homme pour homme, et grade pour grade (art. 5). Aucun échange

ne sera fait que d'après un état nominatif contenant les noms et grades des prisonniers échangés (art. 6). »

«L'honneur oblige le prisonnier de guerre à déclarer son véritable grade à celui qui l'a capturé. Il ne lui est pas permis de s'attribuer un grade inférieur en vue de procurer un échange plus avantageux à son gouvernement, ni un grade supérieur pour se procurer à lui-même un traitement meilleur. Pour avoir enfreint cette obligation, des prisonniers relâchés ont été justement punis par leurs propres chefs, et cette infraction pourra motiver le refus de mettre en liberté les prisonniers qui l'ont commise (Instr. amér., art. 107). C'est un devoir d'honneur pour les prisonnniers de guerre d'indiquer leurs rang et grade véritables, et de ne pas se donner.... Les contrevenants pourront être punis.... (Bluntschli, r. 615). L'ennemi a le droit de punir disciplinairement ou judiciairement toutes les fraudes de ce genre. L'autorité militaire dont les coupables relevaient avant d'avoir été faits prisonniers peut aussi, après leur mise en liberté, les rendre responsables de leurs actes et leur infliger une peine; mais elle n'aura, en général, l'occasion de le faire, que si le coupable avait indiqué un grade supérieur.... (note). » Nous ne voyons rien de contraire à ces règles dans la loi française précitée, pas plus que dans les lois et règlements militaires sur la discipline et la répression.

« Les prisonniers qui n'auront pu être échangés contre d'autres pourront être relâchés moyennant le paiement d'une somme d'argent convenue, ou, dans des cas urgents, moyennant la remise d'une quantité de provisions, de vêtements ou d'autres objets nécessaires à l'armée. Les arrangements de ce genre exigent la sanction de l'autorité supérieure (Instr. amér., art. 108). On peut compenser la différence du nombre des prisonniers par le paiement d'une somme d'argent ou par d'autres contre-prestations. Mais ces arran

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