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gements doivent, dans le doute, être ratifiés par les autorités supérieures des deux États (Bluntschli, r. 616). Les compensations dont il est fait mention ci-dessus peuvent consister en vivres ou effets d'habillement, plus encore qu'en argent. Le terme d'« autorités supérieures » ne désigne, du reste, pas seulement le gouvernement; il peut s'appliquer aussi aux commandants en chef des armées respectives (note). Il ne s'agit pas ici de la rançon que nous répudions: la prestation admise est un complément pour compensation, et encore conseille-t-on de ne pas la faire en argent, pour éviter même l'apparence d'une rançon pécuniaire. Sur ce point il a été dit dans la loi française de 1793, art. 10: « Les prisonniers de guerre qui n'auront pas été compris dans un cartel d'échange, parce qu'ils se trouveront excéder le nombre de ceux au pouvoir de l'ennemi, pourront être renvoyés sur leur parole d'honneur de ne faire aucun service qu'ils n'aient été échangés. Ils seront en conséquence compris les premiers dans le prochain cartel, et il en sera formé deux états nominatifs..... >>

8. La simple évasion d'un prisonnier, fût-il détenu sous prévention d'un délit ou pour l'expiation d'une peine prononcée, n'est incriminée dans aucune des législations respectant le droit naturel. Ayant évité de résister à la capture légitime, il a satisfait aux lois; c'est à ceux qui ont mission de le garder, d'exercer la surveillance nécessaire. La liberté personnelle est un bien si précieux, l'ardeur de la délivrance est un sentiment si naturel, qu'on ne saurait punir celui qui s'échappe lorsqu'il en trouve l'occasion, sans aucune des circonstances où les lois peuvent trouver une infraction grave: ce serait plutôt le gardien qui serait punissable, pour négligence et surtout en cas de connivence. Aussi les lois françaises, depuis l'ordonnance criminelle de 1670 qui pourtant avait beaucoup de rigueurs, ont-elles fait constamment juger que, à

moins de violences personnelles ou par bris de prison, la fuite d'un prévenu ou condamné ne constitue aucun délit: car, disait le criminaliste Jousse, « il est naturel à une personne qu'on veut arrêter ou qui l'est déjà, de chercher à se sauver des mains de la justice, pour éviter la peine qu'elle mérite, et à plus forte raison si elle est innocente; » et cette pensée a été reproduite dans l'exposé de motifs du Code pénal de 1810, disant avec la circonspection nécessaire: « Le désir de la liberté est si naturel à l'homme, que l'on ne saurait prononcer que celui-ci devient coupable qui, trouvant la porte de sa prison ouverte, en franchit le seuil 17. » Ces vérités sont encore plus sensibles, pour les simples prisonniers de guerre qui, loin d'avoir commis quelque délit, n'ont fait que défendre leur pays en obéissant aux ordres du gouvernement et ne sont que des défenseurs malheureux aussi, tandis que l'art. 238 du Code punit le gardien ayant laissé évader un prisonnier de guerre, la raison d'Etat qui a fait porter les prévisions de la loi pénale sur ce point, laisse-t-elle entièrement au droit des gens le soin de fixer les règles quant aux prisonniers de guerre personnellement.

Vattel avait dit, quant au droit de postliminie: « Les prisonniers mêmes ne peuvent pendant la trêve se soustraire au pouvoir de l'ennemi, pour être rétablis dans leur premier état. Car l'ennemi est en droit de les retenir pendant la guerre (§ 256). » Pinheiro Ferreira a répondu que ce serait une grave erreur de refuser aux prisonniers de guerre le droit de se soustraire au pouvoir de l'ennemi. Car, disait-il, « ils ne s'y trouvent que par force, et le « droit de la force » n'est pas un droit. Dès qu'elle cesse, ou parce que la ruse des prisonniers a su lui donner le change, ou par toute autre raison, les prisonniers, en tâchant d'en profiter, n'ont fait

17 Jousse, Traité des matières criminelles, t. 4, p. 81. Exposé des motifs du Code pénal de 1810, sur les art. 237 et suiv.

qu'user de leur droit. Si l'ennemi les reprend, il peut redoubler de vigilance, mais il ne doit pas se permettre de les traiter en criminels, sauf cependant le cas où ils auraient librement engagé leur parole de ne pas essayer de s'enfuir (note sur le § 256). » Citons encore les autorités modernes.

«On peut faire feu sur un prisonnier de guerre qui s'évade ou le tuer de toute autre manière dans sa fuite; mais ni la mort ni aucune peine ne lui sera infligée pour le seul fait de sa tentative d'évasion, acte que les lois de la guerre ne considèrent pas comme un crime. Seulement il pourra être pris des mesures plus rigoureuses pour l'empêcher de renouveler sa tentative (Instr. amér., art. 77). Si des prisonniers de guerre, qui n'ont donné aucune garantie ni aucune promesse sur leur honneur, parviennent à s'évader par la force ou autrement, et qu'après avoir rejoint leur armée ils soient repris dans une bataille, ils ne seront point punis pour leur évasion et seront traités comme simples prisonniers de guerre, mais ils seront soumis à une surveillance plus rigoureuse (art. 78). Le prisonnier qui prend la fuite peut être tué pendant la poursuite, mais s'il est repris il ne peut être puni pour sa tentative d'évasion (Bluntschli, r. 609). C'est un malheur d'être fait prisonnier de guerre; ce n'est pas un crime de chercher à recouvrer sa liberté et à échapper à une humiliation. Les prisonniers qui prennent la fuite peuvent être poursuivis les armes à la main. Si leurs efforts n'aboutissent pas et qu'ils soient repris, on est autorisé à les surveiller plus sévèrement et même à les incarcérer; mais on ne saurait punir criminellement des gens qui n'ont commis aucun acte coupable et qui ont simplement cherché à recouvrer leur liberté perdue, sans contrevenir aux lois de la morale et de l'honneur militaire (notes 1 et 2). »

Il en est autrement de la conspiration entre prisonniers, pour une évasion collective, comme de la sédition ou révolte

contre les autorités locales. Ces deux actions ont une gravité qui les a fait soumettre aux lois de la guerre et même, au besoin, à la loi pénale militaire, selon l'opinion qui nous paraît avoir scule prévu ces cas graves. « Si toutefois une conspiration, ayant pour but une évasion collective ou générale, est découverte, les conspirateurs peuvent être rigoureusement punis; ils peuvent même être mis à mort. La peine capitale peut aussi être infligée aux prisonniers de guerre convaincus de tentative de rébellion contre les autorités du gouvernement dont ils sont les prisonniers, et de complot dans ce but avec leurs compagnons de captivité ou d'autres personnes (Instr. amér., art. 77, 2° alinéa). On peut punir militairement les conjurations organisées entre les prisonniers pour recouvrer leur liberté, ou les complots formés entre eux contre les autorités existantes. On pourra même, dans les cas graves, prononcer la peine de mort contre les coupables (Bluntschli, r. 610). Les prisonniers de guerre sont des ennemis qui ont dû se soumettre à une force supérieure. Tout soulèvement général des prisonniers offre un danger extrême et on pourra, pour l'éviter, recourir aux moyens qu'autorisent les lois militaires et pénales. Lorsqu'on cerne les prisonniers révoltés et qu'on les menace de faire feu, la guerre recommence; c'est une mesure militaire ou, si l'on veut, de police; ce n'est pas une mesure judiciaire. Mais le danger des conjurations et des révoltes justifie l'intervention des tribunaux criminels (note). »

9. La liberté sur parole, progrès nouveau, a des conditions strictes, plus encore que l'échange de prisonniers. L'engagement nécessaire ne peut avoir lieu ni « pendant la bataille », selon les expressions de M. Bluntschli (r. 622), ni «< sur le champ de bataille, après un combat, pour tout un corps de troupes », suivant l'art. 128 des instructions américaines, qui ajoutent : « Il n'est pas permis de relâcher à la

fois un grand nombre de prisonniers, par une déclaration générale portant qu'ils ont donné leur parole... » Toutefois, selon ce que dit l'art. 129 sans reproduction par le publiciste allemand, « dans les capitulations des places fortes ou des camps retranchés, l'officier qui commande la place ou le camp peut, en cas de nécessité urgente, convenir que les troupes sous ses ordres ne porteront plus les armes avant la conclusion de la paix, si un nombre égal de prisonniers ennemis n'a été remis en liberté à titre d'échange. » C'est une stipulation préparatoire et conditionnelle, n'ayant de valeur qu'autant qu'il y aura approbation pour échange et qui diffère des pactes dont nous parlerons au chapitre des « capitulations ». L'engagement qui résulte de la parole donnée, lorsqu'il y a acceptation, est un acte individuel, mais rentrant dans le domaine du droit public en ce que c'est l'État qui accepte la déclaration et met en liberté le prisonnier. (Voy. Instr. amér., art. 121, et Bluntschli, r. 619 et note).

« Le mot parole désigne l'engagement pris de bonne foi et sur l'honneur par un prisonnier de faire ou de ne pas faire certains actes déterminés, quand l'ennemi, à qui il donne sa parole, lui aura rendu une liberté complète ou partielle. (Instr. amér., art. 120). Cet engagement est principalement contracté par des prisonniers de guerre auxquels l'ennemi permet, sous certaines conditions qu'ils promettent sur l'honneur d'observer, de retourner dans leur propre pays ou de jouir d'une plus grande liberté dans le pays sur le territoire du capteur (art. 122). » Ainsi que le disent l'art. 133 et M. Bluntschli (r. 620), un prisonnier ne peut être forcé de s'engager sur parole, pas plus que le gouvernement n'est tenu d'accepter l'engagement offert : seulement chaque État belligérant peut, par une loi générale, déclarer si ou sous quelles conditions il accordera la liberté sur parole; et c'est ce que faisait la loi française du 25 mai 1793, du moins pour

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