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riveraient d'usages admis comme règles par le droit international. Il est, en sens contraire, des prohibitions qui doivent être réputées maintenues, à défaut de stipulation spéciale les ayant levées. Enfin il y a des facultés temporaires et limitées qui se présument, d'après l'usage général; en pareil cas, les circonstances spéciales et certaines stipulations donnent une base d'interprétation. Sur tout cela il doit y avoir quelques règles dominantes, qu'il faut préciser malgré les complications du sujet.

2. Le pouvoir nécessaire, pour tout ce qui engage ou suspend la guerre, tient à la souveraineté : conséquemment, c'est par l'autorité du souverain, selon le droit des gens combiné avec le droit public du pays qui sera obligé, que doit se conclure tout armistice pour être valable. Quand il ne s'agit que d'une suspension d'armes réputée simple mesure militaire, le commandant qui l'accorde est légalement présumé, comme celui qui l'obtient, trouver ce pouvoir parmi ceux que lui a délégués le souverain ou le gouvernement de son pays; et même pour l'armistice d'ailleurs limité, le pouvoir de le conclure peut être présumé délégué au chef ayant reçu des pouvoirs indépendants, quand surtout il est dans une contrée lointaine et provoqué par une nécessité suffisante. A part ces cas, il faut une délégation expresse, ou il faudrait une ratification après examen. Sur ce point, Vattel, après avoir renvoyé à ses explications générales sur les traités et rappelé le principe quant à l'autorité souveraine, disait:.... « La trêve générale ne peut être conclue et arrêtée que par le souverain lui-même, ou par celui à qui il en a donné expressément le pouvoir. Car il n'est point nécessaire, pour le succès des opérations, qu'un général soit revêtu d'une autorité si étendue. Elle passerait les termes de ses fonctions, qui sont de diriger les opérations de la guerre là où il commande, et non de régler les intérêts généraux de

l'État. La conclusion d'une trêve générale est une chose si importante, que le souverain est toujours censé se l'être réservée. Un pouvoir si étendu ne convient qu'au gouverneur ou vice-roi d'un pays éloigné, pour les États qu'il gouverne; encore, si la trêve est à longues années, est-il naturel de présumer qu'elle a besoin de la ratification du souverain. » La même doctrine se retrouve dans ce passage de Martens : «Bien que tout chef d'un corps de troupes puisse valablement convenir d'une simple cessation d'armes pour peu d'heures ou de jours, les trêves particulières conclues pour un temps plus considérable supposent le plein pouvoir ou le consentement du général en chef, et les trêves générales, quelquefois le consentement particulier des gouvernements; c'est pourquoi on en voit quelques-unes assujetties à des ratifications.... Armistice entre la Porte et l'Autriche, du 19 septembre 1790... » Invoquant l'autorité de Grotius et de Barbayrac, M. Wheaton, pour l'armistice qui est plus qu'une suspension limitée d'hostilités, dit de son côté : « Le pouvoir de conclure un armistice universel ou suspension d'hostilités, n'est pas nécessairement impliqué dans l'autorité ordinaire officielle du général ou de l'amiral commandant en chef les forces militaires ou navales de l'État. La conclusion d'une pareille trêve générale exige ou l'autorisation spéciale antérieure du pouvoir suprême de l'État, ou une ratification subséquente de ce pouvoir. » Quant à M. Bluntschli, il pose simplement cette règle: «L'armistice proprement dit et général, conclu pour un temps assez long et destiné à préparer la paix, doit dans la règle être ratifié par le plus haut pouvoir de l'État. Ce dernier peut cependant déléguer ses pouvoirs à un représentant diplomatique ou à un chef d'ar

mée. »

Vattel, §§ 237 et 238; De Martens, § 293; Wheaton, oper. cit., § 20 ; Bluntschli, règle 688.

Comme il s'agit ici non-seulement d'une convention militaire avec des effets étendus, mais surtout d'un traité international devant engager respectivement les deux États, convention qui comporte des discussions pour la conclusion et différentes combinaisons ou stipulations respectives, le dépositaire ou organe de la souveraineté, quand surtout il n'est pas présent au quartier général, agit prudemment en déléguant ses pouvoirs à un représentant diplomatique, qui d'ailleurs pourra se concerter avec le commandant en chef pour tout ce qui intéresse les opérations militaires. De la sorte, dès que se présentera une raison ou occasion d'armistice à demander ou accepter, on pourra saisir utilement l'opportunité, ce qui doit être dans les vœux de tout belligérant raisonnable. Ici l'on n'est plus dans une situation telle, qu'il soit permis d'employer sans déloyauté des stratagèmes, comme les ruses de guerre ou les habiletés perfides en diplomatie: car la bonne foi est une règle impérieuse, pour les conventions et leur exécution. S'il y a deux représentants de l'État, d'un côté, il ne faut pas que ce qui a été convenu avec l'un puisse être répudié par l'autre, sous prétexte que cela rentre davantage dans les attributions spéciales de celui-ci. Et quand on s'est mis d'accord sur les points à fixer, en sous-entendant une condition accessoire qui est usuelle, il n'est pas loyal d'élever plus tard une prétention contraire pour empêcher la conclusion finale et dire ensuite que c'est l'autre contractant qui a refusé (Voy. infrà, n° 8).

3. Pour les négociations et même dans la convention écrite, afin de bien distinguer d'une simple convention militaire l'armistice pouvant conduire à une paix désirable, il nous paraît important de considérer le but auquel tend la proposition ou la convention conclue, id ad quod tendit. C'est rationnel et normal, l'État étant essentiellement inté

ressé dans la question de guerre ou de paix, quand surtout il y a des représentants diplomatiques dont la mission est précisément de discuter des propositions allant au delà d'une simple suspension temporaire. Dans le système du règlement américain, tout armistice, proposé ou conclu, se limiterait aux opérations militaires et serait indépendant des négociations diplomatiques; c'est supposé par un ensemble de dispositions, que nous indiquons en substance: «Un armistice. est une suspension des hostilités pendant un temps convenu entre les belligérants (art. 135). Les motifs qui déterminent l'un ou l'autre des belligérants à conclure un armistice, que ce soit en vue d'arriver, pendant sa durée, à un traité de paix, ou de se préparer au contraire à pousser plus vigoureusement la guerre, ne sauraient affecter en rien le caractère de l'armistice en lui-même (art. 138). Tout officier commandant a le droit de conclure une armistice, qui lie le district sur lequel s'étend son commandement; mais cet armistice doit être ratifié par l'autorité supérieure (art. 140). Un armistice n'est pas une paix partielle ou temporaire ; c'est seulement une suspension des opérations militaires, dans la mesure convenue entre les parties (art. 142). Les belligérants concluent en général un armistice pendant que leurs plénipotentiaires se réunisseut pour discuter les conditions de la paix; mais ces plénipotentiaires peuvent se réunir sans le préliminaire d'un armistice; dans ce dernier cas, la guerre se poursuit sans ralentissement (art. 147). » Réduit ainsi à une simple convention militaire, qui même pourrait n'avoir pour but que de « se préparer à pousser plus vigoureusement la guerre », l'armistice, en effet, ne concerne que les opérations militaires et n'a même aucunement besoin de l'intervention des représentants diplomatiques. Nous admettons aussi que, nonobstant la réunion de ceux-ci arrière des commandants respectifs, il peut n'y avoir pas d'armistice et

les hostilités continuent. Mais, lorsqu'il y a proposition et réunion pour des négociations tendant manifestement à la paix, ce but, indiqué et reconnu, nous semble sinon commander l'armistice préalable qui se conclut en général pendant les conférences des diplomates, comme le dit lui-même le règlement américain, au moins exiger que l'ensemble des propositions soit examiné avec concours de tous ceux qui doivent conclure l'un des engagements, pour qu'il y ait accord valable sur le tout.

La différence est grande entre un armistice qui ne serait en fait et dans les instructions qu'une suspension temporaire des hostilités, pour faciliter à chacun des belligérants de nouvelles et plus vigoureuses attaques, et un véritable armistice qui, étant général et devant se prolonger jusqu'à la paix projetée, est une condition nécessaire des préliminaires à conclure et à faire exécuter pour arriver finalement au but. Dans ce cas, la manifestation reconnue du but des propositions doit influer sur les négociations et, par suite, sur le caractère de la convention d'armistice, qui ne peut plus se réduire à une simple convention militaire lorsqu'il y a un intérêt si considérable pour la nation entière: ce but favorable nous semble même devoir être indiqué dans l'écrit, outre les autres stipulations facultatives; et l'indication servira à lever les difficultés d'interprétation ou d'exécution qui viendraient à surgir, tellement qu'elle motiverait une prorogation de la durée fixée qui serait reconnue insuffisante. Aussi verra-t-on que les négociations pour un armistice général entre la France et l'Allemagne, en octobre et novembre 1870, avaient pour organes respectifs un envoyé extraordinaire français et le chancelier fédéral allemand, qui seulement en référait au commandant des armées pour ce qui intéressait les opérations militaires; que pour l'armistice conclu en janvier 1871, les négociations principales et la

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