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1. Droit de neutralité. Principe nouveau. Progrès successifs.
2. Neutralisation d'État. Suisse. Belgique. Luxembourg.
3. Neutralité de droit. Déclarations officielles. Sanction pénale.
4. Droits et devoirs. Relations. Volontaires. Secours interdits.
5. Territoire neutre. Inviolabilité. Passage interdit. Refuge.
6. Incidents récents. Suisse. Belgique. Luxembourg.

7. Commerce. Navires. Angarie. Préemption. Blocus maritime. Transport. Pavillon.

8. Contrebande de guerre. Définition. Traités. Distinctions.

9. Facultés et garanties. Visite. Jugement par Conseil des prises. 10. Service sanitaire. Hôpitaux et blessés. Convention de Genève.

11. Convention additionnelle. Sociétés de secours aux blessés.

12. Exécution de la double convention. Sanction nécessaire. Protection des blessés et des morts.

I

1. La paix étant un bien de droit naturel et la guerre un accident calamiteux, les nations pacifiques sont conviées par l'intérêt général et le leur, dans l'impossibilité d'empêcher toute guerre de survenir, à employer les moyens licites pour entraver des dispositions trop belliqueuses, tout au moins pour localiser la guerre qui surgirait entre deux Etats. L'un de ces moyens, le plus efficace comme le moins contestable, est la neutralité du territoire intermédiaire et de la nation qui veut pour elle le maintien de la paix. C'est son droit, en vertu de sa souveraineté avec indépendance, si elle n'est pas liée par un traité envers l'un des belligérants. Bien plus, la civilisation ayant développé le droit international, les États

qui sont entrés dans le concert européen peuvent s'accorder pour proclamer et garantir, dans un traité obligatoire, la neutralité d'un pays, comme barrière entre deux États voisins, dont les frontières respectives ne donneraient pas de suffisantes garanties contre l'invasion de l'un chez l'autre. Cette neutralité, de droit naturel et aussi conventionnelle, était inconnue des peuples guerriers de l'antiquité, qui même méconnaissaient les droits des neutres ainsi qu'on va le voir. Elle est parfaitement dans les principes du droit international actuel, qui nous fournit de nombreux exemples d'une telle neutralisation, dont les principaux vont être indiqués (no 2). On peut ainsi neutraliser même une confédération ou tout un royaume, à plus forte raison un petit État dépendant d'un plus grand; et la neutralisation est aussi permise pour une mer intermédiaire, comme prohibition d'hostilités en ce lieu, tellement qu'une convention a interdit la mer Noire au pavillon de guerre même des puissances riveraines (Voy. suprà, p. 120). Cela se fait notamment, après une guerre servant d'enseignement, dans des traités en congrès entre toutes puissances intéressées, avec concours ou accession de l'Etat qui y trouve quelque avantage. On a même vu, dans la guerre de l'Allemagne contre le Danemark en 1863, limiter son théâtre au Schleswig et au Jutland, puis, dans la guerre de 1859 où les Autrichiens occupaient Ancône et les Français Rome, déclarer neutre tout le territoire pontifical.

Quand une guerre éclate entre deux Etats, le droit naturel et la souveraineté des autres, qui n'y sont engagés par aucun lien, leur permettent de maintenir la paix quant à eux et sur leur territoire, comme neutres. Cette qualité a ses conditions et engendre des devoirs respectifs; mais c'est un des points les plus obscurs du droit international, qui fourmille encore aujourd'hui de difficultés et de controverses, surtout

en ce qui concerne la guerre sur mer et les expéditions maritimes. Les nations même les plus civilisées de l'antiquité n'admettaient pas que, pendant la guerre éntre deux d'entre elles, la paix pût subsister pour les peuples voisins : c'est pourquoi les légistes et les historiens de Rome donnaient à ceux-ci, quand ils n'étaient pas hostiles, les qualifications de soci, amici, pacati. Gentilis, qu'on a appelé le « père de la science du droit des gens », reconnaissait à peine les droits de la neutralité, pour laquelle alors il n'y avait pas même d'expression équivalant à celle aujourd'hui employée1. Grotius, fondateur de cette science pour d'autres règles, donnait aux peuples étrangers à la guerre la dénomination de medii, mais en accordant encore aux belligérants des droits supérieurs, sauf la condition de nécessité. Bynkersoëck commença le progrès nouveau, en prenant pour point de départ cette sorte de définition: «J'appelle neutres (non hostes) ceux qui ne prennent parti ni pour l'une ni pour l'autre des puissances belligérantes, et qui ne sont liés à aucune par aucun traité3». Quant à Vattel, effleurant seulement ce sujet aussi difficile qu'important et susceptible d'enseignements progressistes, il se bornait à poser quelques principes généraux, dont plusieurs sont aujourd'hui contredits et même abandonnés. Par exemple, il faisait encore prédominer le prétendu droit de la nécessité pour les belligérants: or, les nations neutres, souveraines et indépendantes, ont des droits qu'il faut respecter toujours. Quant à leurs devoirs, il les réduisait tous à celui d'une exacte impartialité vis-à-vis de chaque belligérant or ce n'est pas le seul, et il y en a dont la méconnaissance ferait perdre même le bénéfice de la neu

Voy. Albéric Gentilis, De jure belli.

2 Grotius, liv. 11, chap. II, § x, et liv. 1, chap. xvii. 3 Bynkersoeck, Quæstiones juris publici, lib. i, cap. IX. 4 Vattel, liv. m, chap. vII, §§ 103 et suiv.

tralité; car une nation qui accorderait les mêmes secours à chacun des belligérants participerait ainsi aux hostilités, elle ne serait pas neutre quoiqu'on pût la dire impartiale.

La véritable neutralité est celle d'une nation qui s'abstient, le pouvant en vertu de sa souveraineté sans lien contraire, de prendre part directement ou indirectement à la guerre engagée entre d'autres, et qui, voulant maintenir la paix chez elle, fait ce qu'elle peut pour protéger l'inviolabilité de son territoire, contre chacun d'eux. Ce principe fondamental est celui qu'ont enseigné le plupart des publicistes modernes, ne différant entre eux que sur quelques-unes des questions multiples de ce sujet compliqué. Nous citerons notamment l'œuvre de Martens, trop contredite ici par Pinheiro Ferreira, avec les excellentes annotations de M. Ch. Vergé'; les œuvres sur le droit international moderne de Heffter, de Klüber, de Wheaton, de Calvo, de Pasquale Fiore et de Bluntschli'; et les ouvrages spéciaux de Azuni, de Hübner, de Phillimore, de Cauchy, de Th. Ortolan, de Hautefeuille et de notre collègue Massé".

Ainsi constituée et maintenue, la neutralité ne paraît pas susceptible de division seulement on peut admettre des distinctions, selon les causes et conventions qui l'ont fait adopter, selon les engagements partiels qui existeraient en

5 De Martens, Précis du droit des gens moderne de l'Europe, et Ch. Vergé, éd. de 1858, t. 2, chap. vii, p. 292 et suiv.

6 Heffter, Le Droit international public de l'Europe; Klüber, Le Droit des gens moderne de l'Europe, § 279 et suiv.; Wheaton, Histoire des progrès du droit des gens, et Eléments du droit international, t. 2, chap. m, p. 172 et suiv.; Calvo, Le Droit international théorique et pratique de l'Europe et de l'Amérique; Pasquale Fiore, Nouveau Droit international public, 2o partie, chap. I et suiv.; Bluntschli, Le Droit international codifié, liv. IX.

7 Azuni, Droit maritime; Hübner, De la Saisie des bâtiments neutres, t. fer, part. 1, chap. ; Phillimore, III, § 150; Cauchy, Le Droit maritime international, t. 11, p. 80 et suiv.; Hautefeuille, Droits et devoirs des nations neutres; Massé, Le Droit commercial dans ses rapports avec le droit des gens, t. 1er, p. 145 et suiv.

vers l'une des nations actuellement dissidentes et aussi selon les moyens qui seraient employés pour faire respecter les droits de la neutralité. Il pourrait même y avoir ligue, avec armements, entre les puissances neutres qui voudraient paralyser les prétentions d'un belligérant contraires à leurs droits on en trouve un exemple notable dans la neutralité armée qui se déclara, sur la provocation de la Russie, en 1780 et en 1800, contre le système de l'Angleterre quant au blocus maritime (voy. notre chap. xv, no 4). A plus forte raison peut-il y avoir neutralité armée, de la part de l'Etat qui vent empêcher l'un des belligérants de violer sa souveraineté territoriale, en essayant de s'y frayer un passage ou en poursuivant jusque-là l'ennemi réfugié : les armements et envois de troupes à la frontière dans ce seul but, loin d'être une participation aux hostilités engagées, sont même une nécessité de la situation neutre pour que la neutralité soit respectée des deux parts.

2. Parmi les Etats dont la neutralité territoriale se trouve garantie par des traités, à raison de leur situation topographique relativement à des puissances voisines de premier ordre, sont notamment la Confédération suisse, le royaume de Belgique et le grand-duché de Luxembourg.

Placés entre l'Allemagne, la France et l'Italie, les cantons confédérés de la Suisse ont depuis longtemps une politique de neutralité qui les soustrait aux périls des guerres survenant entre ces puissances, avec garanties dans des traités pour que l'une ou l'autre de celles-ci ne puisse user de l'avantage qu'elle aurait à traverser un territoire suisse. Leur indépendance politique ayant été formellement reconnue par l'empire germanique lors de la paix de Westphalie en 1648, ils sont prudemment restés neutres pendant la guerre de Trente ans, et leur neutralité a été presque toujours respectée. Entraînés dans les guerres contre la République

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