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bines, révolvers, pistolets, sabres et autres armes à feu ou portatives de toute espèce, les munitions de guerre, les engins militaires de toute sorte et généralement tout ce qui peut, sans préparation nouvelle, servir à l'armement immédiat sur terre ou sur mer. » Mais la disposition commence par cette réserve significative: «< sans préjudice aux clauses différentes des traités, et aux déclarations spéciales faites au début des hostilités. » Généralement, on comprend dans la contrebande de guerre les armes, canons, fusils, sabres, balles, boulets, poudre, etc., ce qui s'appelle matériel de guerre à raison de l'usage habituel; le salpêtre et le soufre, qui, par destination, servent à la fabrication instantanée de la poudre; les embarcations de guerre, distinguées des navires de commerce après examen; et même les dépêches relatives à la guerre, qui seraient transportées pour favoriser un belligérant.

Ne sont donc saisissables ni les marchandises évidemment étrangères à la guerre, ni même les armes et munitions manifestement destinées à la défense du navire neutre. Les vivres et autres moyens de subsistance, fussent-ils destinés à l'armée ennemie, ne peuvent être saisis comme contrebande; seulement un assiégeant a le droit d'empêcher leur entrée dans le lieu bloqué : c'est ce que dit M. Bluntschli, tranchant ainsi une question controversée (r. 807); ce serait la condamnation d'actes que nous avons indiqués avec la décision du Conseil d'État qui les a réputés nuls pour excès de pouvoirs (voy. notre chap. xv, n° 7). Relativement aux choses qu'on appelle « contrebande relative », en ce qu'elles peuvent servir aux particuliers comme aux troupes, nous adoptons encore ces propositions de M. Bluntschli: «Le transport des objets servant aussi aux besoins des particuliers, habillements, sommes d'argent, chevaux, bois de construction pour les navires, toiles à voiles, plaques de fer, machines à vapeur,

charbon de terre, navire de commerce, etc., est dans la règle autorisé. On ne pourra exceptionnellement envisager ces objets comme contrebande de guerre, que si les traités les mentionnent expressément, ou si, dans l'espèce, on peut démontrer qu'ils étaient destinés à faire la guerre et transportés avec l'intention de prêter aide et assistance à l'un des belligérants. Les vêtements, par exemple, devront servir à uniformer les troupes, l'argent n'être qu'un subside, les chevaux servir à remonter la cavalerie, les bois et le fer à construire des navires et à les blinder, les embarcations marchandes à transporter les troupes ennemies. On devra toujours présumer que ces objets ne sont pas destinés à la guerre, et se prononcer dans le doute contre l'admission de la contrebande (r. 805). Il ne suffit pas, pour légitimer la saisie, que ces objets puissent être employés utilement à faire la guerre, et qu'il soit probable que, s'ils parviennent à destination, ils seront en effet utilisés dans ce but. Il faut se borner, dans ce cas, à empêcher l'envoi d'arriver à destination, lorsqu'on a des motifs graves de croire qu'il servira à faire la guerre (r. 806). » Encore moins peut-on saisir les choses destinées au soulagement des blessés, même ennemis, les instruments de chirurgie, les bandages, la charpie, etc. (Voy. infrà, § IV).

9. Des facultés et garanties sont nécessaires, pour les droits respectifs. Il y a d'abord une faculté, concédée aux navires de guerre des puissances belligérantes, qui s'appelle droit de visite c'est autre chose que la visite réciproque qui, pour empêcher la traite des nègres, était convenue entre la France et l'Angleterre, et dont les abus l'ont fait interdire. Son but est de permettre à chaque belligérant d'empêcher le transport de contrebande à son préjudice : l'exercice n'est guère permis que dans le voisinage du théâtre de la guerre, y compris la partie de la pleine mer à traverser pour

la destination. La visite effective, après examen de la nationalité, consiste à examiner aussi les papiers de bord, l'origine et la nature de la cargaison; puis, en cas de soupçons graves, à rechercher s'il n'y a pas de la contrebande de guerre. Tous actes de violence ou de rigueur sont interdits, sous la responsabilité de l'État que représente le navire armé. Quand l'État neutre fait accompagner par une force navale des navires de commerce neutres, l'assurance donnée à un belligérant qu'ils n'ont aucune contrebande doit les exempter de toute vérification, autre que celle des pouvoirs : s'il résultait de l'examen des papiers de bord une grave présomption de contrebande transportée, il y aurait un conflit obligeant à une notification pour vérification contradictoire par le tribunal des prises le plus voisin. Tout navire de guerre d'un belligérant, à l'exclusion de simples corsaires depuis l'abolition de la course, peut capturer les navires de commerce qu'il trouve porteurs de contrebande de guerre, comme ceux qui auraient tenté de forcer le blocus, mais non ceux-ci en dehors du littoral bloqué. Quand le capteur conduit sa prise dans un port ennemi occupé par les forces de son État, elle est exposée à recapture par dépossession. Si des accidents de mer l'obligent à se réfugier avec elle dans un État neutre, l'asile accordé par celui-ci ne lui donne sur la prise aucun droit, même de simple juridiction et sauf protection de sa part; car la juridiction spéciale quant aux prises se base uniquement sur les droits de la guerre et ne peut être exercée que par un belligérant. Le capteur pourrait-il détruire en mer le navire par lui saisi, sur le motif qu'il y avait impossibilité de le conduire dans un port? Cette raison de nécessité ne devrait pas exclure tout examen : car la propriété du neutre ne doit être sacrifiée qu'au cas de preuve d'une infraction l'ayant rendue saisissable.

A la différence du butin de guerre, qui n'a lieu qu'entre

belligérants, et aussi de la capture sur terre d'objets s'introduisant dans un lieu investi, laquelle est permise contre tout détenteur en état d'infraction, les prises maritimes ne peuvent être retenues et confisquées qu'après vérification et jugement de validité : c'est une garantie due au commerce, déjà trop sacrifié aux intérêts des belligérants dans la guerre maritime. Cette vérification et ce jugement comportent un débat contradictoire, avec production de pièces justificatives, connaissement ou livres de commerce. Pour cela, chaque État doit avoir une juridiction spéciale, appelée Conseil des prises. L'institution et l'organisation de ce tribunal, ainsi que ses formes de procéder, appartiennent à la législation nationale, qui toutefois doit donner aux justiciables toutes les garanties essentielles pour une bonne justice. La compétence appartient au tribunal spécial de la nation du capteur, soit que le navire ait été capturé pour avoir voulu violer le blocus, soit qu'il l'ait été en pleine mer comme transportant de la contrebande de guerre, alors même qu'il serait mis en sûreté dans quelque port autre que le lieu où sera jugée la question de validité. Cette compétence dérivant de la guerre est généralement reconnue, malgré quelques contredits et des vœux récents. On a mis en doute l'impartialité des juges de l'État capteur, en demandant que tout au moins, puisqu'il s'agit de débat entre deux nations ou leurs ressortissants respectifs, le tribunal fût composé de juges pris dans les deux pays; et même le roi de Prusse, en 1753, voulut faire reviser par une commission les jugements anglais qui seraient rendus contre des navires prussiens neutres; mais ces vœux et cette tentative, contre laquelle protesta vivement l'Angleterre, ont échoué devant une sorte d'impossibilité, reconnue en principe. Il y a d'ailleurs de fortes garanties dans l'impartialité de juges qui l'ont promise par serment solennel, dans l'obligation

d'observer des formes protectrices sans lesquelles l'Etat luimême serait responsable, et dans la soumission aux règles de décision qui sont imposées par le droit international 13.

Les conditions ou règles, pour un jugement impartial et éclairé, sont très-nombreuses et indiquées dans plusieurs ouvrages spéciaux; notre cadre ne nous permet que de noter ici la principale base: «Les conseils des prises doivent statuer d'après les principes du droit international et d'après les ordonnances de l'État dont ils dépendent, pour autant que ces ordonnances sont en harmonie avec le droit international. A vrai dire, en cas de dissentiments, le conseil peut être contraint par les règles du droit constitutionnel à se conformer aux lois de l'Etat qui l'a institué. Cependant les ordonnances spéciales d'un pays doivent être interprétées et appliquées, autant que possible, de telle sorte qu'il ne soit rien fait en violation des règles universelles du droit international. Les belligérants seraient toujours responsables visà-vis des États neutres, s'ils foulaient aux pieds, au préjudice des neutres, les règles de ce droit (Bluntschli, r. 647). »

23 En France, la juridiction et le jugement des prises maritimes ont fait l'objet d'un grand nombre d'actes législatifs ou réglementaires, dont nous ne pouvons ici indiquer que les principaux, par leurs dates et titres seulement; Ordonnance sur la marine, d'août 1681, liv. m, tit. 1x, Des Prises (comment. par Valin). Règlement du 27 avril 1706, concernant le partage des prises. Règlement du 26 juin 1778, concernant la navigation des bâtiments neutres en temps de guerre. Loi du 3 brumaire an iv, donnant aux juges de paix et tribunaux de commerce les attributions qu'avaient autrefois les amirautés. Loi du 27 avril 1796, autorisant l'appel aux tribunaux de département. Loi du 17 octobre 1797, autorisant le pourvoi en cassation contre les décisions du pouvoir exécutif provisoire. Arrêté des Consuls du 27 mars 1800, portant création d'un conseil des prises à Paris. Ordonnance du 23 août 1815, qui donnait au Comité du contentieux du Conseil d'État les attributions du Conseil des prises. Décrets des 9 mai 1859, 28 novembre 1861 et 29 septembre 1870, ayant institué un Conseil des prises à Paris, avec recours au Conseil d'État. Voy. aussi Merlin, Répertoire, v° Prise maritime; de Pistoye et Duverdy, Traité des prises maritimes; Dalloz, Répertoire général, vo Prises maritimes.

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