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événements dont il est le plus difficile de bien comprendre les causes aussi y a-t-il des opinions diverses, malgré les graves soupçons. Lorsque nous avions à parler et des ruses de guerre et des stratagèmes diplomatiques, nos appréciations réfléchies nous avaient fait dire que le commandant en chef, sans intention de trahison caractérisée, s'était laissé tromper par des habiletés perfides et par des préoccupations personnelles, le portant à temporiser avec indécision (Voy. ch. vii, no 18). Notre conviction a été fortifiée par les publications successives, en sens divers, qui ont révélé une foule de circonstances graves, jusqu'ici connues à peine de quelques témoins ou initiés 20. La lumière se fait et les présomptions approchent de la certitude. On se demande quels étaient l'objet et le but des démarches de ce personnage mystérieux, agent prussien à n'en plus douter, qui s'appelait Régnier, qui se disait faussement envoyé de l'impératrice régente et est parvenu à obtenir d'un brave général une démarche bientôt désavouée. On interroge les circonstances de cette autre mission, confiée par le commandant en chef au général son aide de camp, remplie à deux reprises auprès du quartier général prussien à Versailles, et dont le résultat final a été une capitulation avec les plus dures conditions. L'inquiétude s'accroît de plus en plus, quand on remarque ces tergiversations incessantes, dans les insinuations du diplomate prussien, dans les mesures à prendre pour la défense de la forteresse et pour la sauvegarde de son armée. Enfin,

20 Voy. ce que nous avons dit des ruses ayant trompé le commandant en chef de l'armée de Metz (chap. vii, n° 18). Voy. aussi les publications successives dont nous donnons l'indication: Le siège de Metz, par A. Mézières (Revue des Deux-Mondes, décembre 1870, p. 390-404); Rapport sommaire sur les opérations de l'armée du Rhin, par le maréchal Bazaine; L'armée de Metz, par le général Deligny; Capitulation de Metz, par le général Coffinières de Nordeck; Metz, campagnes et négociations, par un officier supérieur de l'armée du Rhin.

on doute que la défense ait été constamment et suffisamment sérieuse; on peut même affirmer que les efforts demandés par la majorité des officiers ou soldats, soit pour des sorties agressives, soit au moins pour une percée qui aurait sauvé l'armée en grande partie, étaient possibles et auraient réussi plus ou moins. Au lieu de cela, toutes les combinaisons et rétractations d'ordres ont abouti à la perte, avec solidarité, d'une forteresse inexpugnable et d'une armée de 160,000 hommes, qui comptait plusieurs maréchaux de France, un grand nombre de généraux et 6,000 officiers, presque tous des plus braves.....

Que de douleurs, pour tant de prisonniers !

Quelles conséquences désastreuses, pour la France entière !

Et quel déplorable échec, pour Metz l'invincible !!

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1. Domaine et souveraineté. Possessions. Acquisition.

2. Conditions d'acquisition. Occupation effective. Culture.
3. Droits actuels. Consolidation générale. Idées de remaniement.
4. Conquête par les armes. Usurpation. Principes actuels.

5. Droit persistant, nonobstant infractions.

6. Système de punition et de garantie, pour usurpation.

7. Cession forcée. Vou des populations. Principes et précédents.

8. Conquêtes prussiennes. Duchés. Hanovre, etc.

9. Alsace et Lorraine. Possessions françaises. Prétentions allemandes. 10. Système nouveau. Responsabilité encourue. Punition et garantie.

I

1. Le sujet de ce chapitre est un de ceux sur lesquels il y a le plus d'incertitudes dans l'histoire, de variations dans le droit des gens et de controverses parmi les publicistes. Il ne s'agit plus seulement de simples droits provisoires ou temporaires, de perception des fruits ou revenus d'un fonds ou d'un territoire occupé, droits ou pouvoirs qui dérivent à la fois de l'occupation et des nécessités pour la subsistance de l'occupant ou des troupes. Il y a même ici plus que dans les effets, déjà trop étendus, de l'occupation territoriale d'une certaine durée, à laquelle parfois on a donné le nom de conquête, mais improprement, comme on appelait conquérant l'envahisseur occupant en ce qu'il sʼattribuait alors la souveraineté du pays, quoique ce ne dût être que transitoirement (Voy. notre chap. xx). Toutes les questions du sujet actuel portent sur l'acquisition, réputée définitive et irrévocable, du domaine lui-même ou de la sou

veraineté territoriale, par l'effet d'une occupation prolongée avec rétention intentionnelle, qu'il y ait ou non cession forcée ou condition imposée par le vainqueur pour la paix. Dans la plupart des systèmes émis quant au droit dont l'acquisition première par autrui s'opposerait à l'appropriation ultérieure, comme il s'agit toujours de terrains ou territoires, on raisonne par analogie en argumentant des principes sur le domaine privatif pour ceux à poser quant à la souveraineté territoriale: c'est ce qui nous oblige à parler cumulativement des modes légitimes d'acquisition des terres par les individus et des territoires par les nations, d'abord à l'égard des biens précédemment vacants, puis et surtout en ce qui concerne les territoires déjà tombés dans le domaine d'une nation.

Si l'on remontait à l'origine des possessions, on se trouverait en présence du système de la communauté primitive des choses, qui aurait été soit réelle ou positive, soit négative ou bien privative selon certaines distinctions; système suivant lequel l'appropriation individuelle d'une portion de terre aurait alors été une usurpation, et la propriété serait comme un vol; système éminemment dangereux, que voudraient rétroactivement pratiquer des insensés ou des fauteurs de bouleversements. Ce serait méconnaître la marche de la civilisation et ses progrès, les événements accomplis pendant des milliers de siècles, enfin des effets multiples irrévo cablement acquis. Pour justifier les droits actuels, avec leurs garanties nécessaires contre toute usurpation, il suffit aujourd'hui de dire simplement le Créateur a donné la terre aux hommes, non pour qu'ils se bornassent à en prendre les productions naturelles, mais afin qu'en la cultivant ils en tirassent les produits utiles à leur existence et à celle de leurs descendants; ceux qui auront ainsi utilisé une portion de terre, ont accompli pour eux le but de

la création et ont dû avoir pour récompense le droit de retenir; le globe étant immense, d'autres fonds sunt demeurés vacants et ont pu être aussi cultivés par ceux qui les découvraient; des sociétés s'étant formées, il y a eu des lois émises qui tenaient compte des possessions utilisées respectivement; là se trouve un double élément qui est de droit naturel autant que de droit civil, tellement que la prescription instituée pour protéger les longues possessions a été appelée << patrone du genre humain. » Voilà les titres des possesseurs, qui ont pu les transmettre selon les lois de l'hérédité, ou selon celles qui régissent les dispositions ou conventions translatives'. Et comme c'étaient des droits légitimement acquis, le droit public interne et le droit criminel, dans tout pays civilisé, les ont justement garantis contre toute usurpation en la réprouvant et en la punissant, soit civilement, soit pénalement dans certains cas.

Pour l'acquisition de la souveraineté territoriale, il y a une certaine analogie d'origine et de raisons. Les hommes, destinés aux travaux du corps et de l'intelligence, ont dû se réunir et par suite s'associer, sur différents points du globe; les sociétés ainsi formées sont devenues des communautés d'habitants, des nations ou États, se donnant des lois civiles et politiques; chacune d'elles a dû fixer et circonscrire son territoire, pour le maintien duquel est intervenu le droit des gens, réglant les rapports entre nations ou États; de plus, comme il y avait des points du globe jusqu'alors déserts ou inconnus, certains explorateurs et de hardis navigateurs ont fait des découvertes, devant profiter à la nation qui leur en avait donné les moyens. De là des territoires possédés, de

1 Voy. Genėse, ch. 1, 28; Cicéron, Des biens et des maux, liv. 1, ch. 20; Wolff, Droit naturel, part. 11, § 104; Heineccius, Du droit naturel, liv. 1a, § 233; Puffendorf, Droit de la nature et des gens, liv. Iv, ch. IV, § 2; Domat. Lois civiles; Locke, Du gouvernement civil, ch. iv, De la propriété des choses.

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