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PRÉFACE DU TOME SECOND

Pendant l'impression de mon premier volume et la préparation de celui-ci, des publications diverses, se succédant en France et à l'étranger, sont venues, par leur relation au sujet de ce livre, augmenter ma tâche et aussi l'importance de mon œuvre.

Dans les publications que je crois les plus sincères et exactes, j'ai trouvé des documents officiels et des appréciations raisonnées, justifiant mes opinions et indications premières, sur les stratagèmes ayant conduit à une guerre extraordinaire, sur certains incidents de cette lutte et sur des excès ou infractions que jugeront condamnables toutes personnes éclairées. Je devais les utiliser et je l'ai fait, avec citations lorsque la priorité appartenait à quelqu'un ou au domaine public.

Quelques autres publications ont émis, outre certaines allégations controuvées ou appréciations discutables, des systèmes nouveaux sur la guerre, sur les droits respectifs entre belligérants et sur l'immunité pour excès ou infractions, ce qui soulevait au moins des questions à résoudre théoriquement. Ainsi que je le devais, j'ai scruté les allégations et appréciations respectives, relevé les systèmes ou problèmes hasardés et démontré des erreurs sur lesquelles j'avais une conviction profonde, parfois même une certitude acquise.

Ce que j'ai dû surtout combattre, en les signalant, ce sont des pratiques nouvelles, qui transformeraient la guerre civilisée en attaques sans frein avec toutes ruses et atrocités possibles. Ce qu'il y a de plus extraordinaire.

dans quelques publications récentes, c'est que, émanant d'un publiciste allemand dont les précédentes étaient presque en tous points pour le droit contre la force, et du rédacteur en chef d'une revue de droit international qui avait aussi voulu faire progresser la civilisation, elles semblent manifester une tendance rétrograde, en essayant la justification de nombreux excès, qui seraient des précédents funestes dans les guerres à venir. Jetant un voile protecteur sur des stratagèmes qui étaient de véritables fraudes et sur des pillages ou exactions qui méritent la qualification de rapines, on en vient à trouver licites des atrocités sans excuse, le bombardement des villes ouvertes, la destruction par incendie, l'enlèvement de notables habitants comme otages!.....

Que sont donc devenus les enseignements civilisateurs, le droit naturel, la morale et la justice, la civilisation progressive et les principes qui étaient reconnus acquis, avant les atteintes qu'on voudrait actuellement justifier!! Le droit naturel, fondement du droit des gens, est aujourd'hui méconnu, parce qu'un peuple belliqueux et conquérant l'a violé en créant des pratiques épouvantables. Le droit des gens conventionnel perd sa valeur, parce qu'une diplomatie sans scrupule a montré son mépris pour la foi des traités. Les précédents des guerres civilisées font place à de nouvelles pratiques, qui changeraient le droit des gens volontaire ou coutumier, parce que la force unie à la ruse a trouvé moyen de réussir autrement!..... Voilà où nous conduiraient certaines opinions nouvelles. C'est la théorie du succès; cela rappelle le va victis!

Ces essais contradictoires jettent le trouble dans l'opinion, qui se demande s'il y a véritablement un droit des gens et des principes certains, si la Prusse a ou non raison de dire que tout est permis entre nations ayant

PREFACE DU SECOND VOLUME.

VII

cessé d'être en paix, parce que « c'est la guerre! » Ils produisent une vive émotion parmi les hommes de science, les amis du droit et de la justice, les publicistes et juristes, qui s'étonnent et s'affligent de voir ainsi déserter une cause jusqu'alors soutenue en commun.

Déjà, en rendant compte des derniers articles d'une « Revue de droit international » qui lui est sympathique, M. Ch. Vergé, dont l'étranger lui-même connaît la science et la modération, a reproché au rédacteur en chef d'avoir, sous l'impression d'événements et de publications allemandes qui ont écrasé la France, préféré le culte du succès à la cause du droit méconnu. En ce moment, critiquant les malheureux essais d'un publiciste, pourtant aussi son ami, et d'une revue où cependant il collabore, M. Pradier Fodéré, bien connu dans la science du droit des gens, prépare pour le « Courrier diplomatique une série d'articles où il démontre combien sont funestes des revirements d'opinion, de la part de ceux qui jusqu'alors avaient enseigné le véritable droit des gens moderne. Dans des leçons et conférences où le droit persiste, comme dans presque tous les écrits qui se publient sur les événements récents, il y a protestation énergique contre des pratiques extraordinaires, dont la répétition nous ramènerait à la barbarie.

Unissons nos efforts, pour combattre victorieusement des pratiques et tendances rétrogrades. Ne laissons pas périr le droit et la justice, les principes acquis et la cause de la civilisation progressive. C'est ce profond sentiment qui m'avait guidé, dans la première partie de mon livre. Il m'inspire davantage encore, en présence des dernières publications, et me fortifie de plus en plus pour l'achèvement d'une œuvre où j'espère triompher d'obstacles survenus.

Les publications postérieures à l'impression de mon premier volume n'ont aucunement altéré mes appréciations primitives, auxquelles même elles se rapportent peu. Leur objet concerne surtout les parties de mon sujet qui devaient être traitées dans le second volume: c'est ce qui me permet, d'une part, d'invoquer les plus exactes, et, d'autre part, de combattre des erreurs avec contradictions que je trouve dans les autres. Si par là mon travail a été augmenté et la publication de mes deux volumes retardée, mon œuvre n'en sera que plus complète, avec opportunité actuelle et une plus grande utilité pour l'avenir.

Qu'on veuille bien me lire entièrement. Je me soumets au jugement de l'opinion, impartiale et éclairée.

ACHILLE MORIN.

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