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De toutes les capitales Constantinople est peut-être la seule, ou l'ancienne politique ait encore conservé ses traditions et tout son empire. De nombreuses intrigues s'y poursuivent, des agens secrèts ne cessent d'y être employés, des insinuations mysterieuses y sont faites tous les jours à la Porte, et nous savons que la Russie en est le plus souvent l'objét. Mais nos intentions envers le gouvernement Turc sont si pures, nos droits si clairement définis par le traité d'Akerman, notre position si evidente dans les affaires Grecques, que d'obscures manoeuvres ne peuvent ni changer les résultats de nos conventions récentes ni longtems entraver ceux que nous avons encore besoin d'obtenir. Etranger à ce mouvement, vous vous contenterez donc, Monsieur, d'en être spectateur attentif.

Les informations ne vous manqueront pas ; quelle qu'en soit la nature, elles ne doivent pas influer sur vos relations officielles avec vos collègues. Mais la vérité est toujours utile et vous aurez soin de nous la faire connâitre. Les moyens que vous offre vo ́re poste de signaler souvent la vraie politique des autres cabinets à notre égard, relèvent l'importance de vos fonctions et de vos dépêches. Un autre champ s'ouvre à vos observations: vouz allez arriver à Constantinople dans un moment où le souverain y opere des réformes qui attaquent à la fois toutes les institutions de ses états les mœurs de ses peuples, et les interêts individuels de plusieurs millions de ses sujets. Elles ont couté le trône et la vie a son prédecesseur. Le Sultan actuel les poursuit avec plus de force, et ses moyens sont la terreur ou la mort. Mais la réaction, si jamais elle a lieu, portera ce même caractère. Elle entrainera l'exter. mination de la dynastie regnante, elle produira une effroyable anarchie, et si l'on considère que les réformes ont êté commencées avec des finances délabrées au milieu des symptomes d'une décadence progressive, et que le Grand Seigneur étouffe dans les flots de sang les projets de révolte qui semblent néanmoins renaître tous les jours, il est difficile de croire à la longue durée de son regne et de son gouvernement. Dans aucune hypothèse, la Russie ne peut considerer d'un œil indifférent cette vaste entreprise, et un de vos premiers devoirs sera d'en observer les divers VOL. III.NO. XXIII.

Y

efféts avec la plus grande attention. Si le Sultan réussit, ce succès peut retremper, pour ainsi dire, le gouvernement Turc, et lui donner une confiance dans ses forces, dont la Russie éprouveroit aussitôt les suites. C'est une raison de plus d'accoutumer dès à présent les Turcs à nous temoigner un juste respect, de nous assurer, par l'éxécution scrupuleuse de nos traités, la considération qui doit toujours être notre apanage à Constantinople, et d'accélérer la pacification de la Grèce. Si cette même entreprise manque, elle peut amener la chute de l'empire Ottoman. Nous verrions alors s'accomplir un des plus grands événemens de l'histoire, un événement auquel se lient pour nous des intérêts majeurs. Il est de toute nécessité qu'une telle revolution ne nous prenne pas au dépourvu, et vous aurez bien merité, Monsieur, de votre souverain et de votre patrie, si vous nous faites connôitre les signes precurseurs de cette catastrophe, assez à temps, pour que l'empereur puisse preparer ses mesures et exercer une influence analogue à la dignité et aux besoins de la Russie sur les combinaisons politiques qui remplaceroient l'empire du Croissant. Nous aurons soin d'adresser à V. Ex. des instructions ultérieures dès que nous connoîtrons les resultats de nos explications avec le cabinet de Londres.

Recevez, &c. &c. &c.
(Signé)

NESSELRODE.

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THE trait of Russian frankness in one of our late numbers, where a French writer represents Admiral de Rigny as listening to the most gross and brutal threats of the Russian admiral against the English squadron, at a period not only of alliance but of intimate concert-this singular exhibition has indeed awakened some slight indications of shame in that country which was once so jealous of its national honour. M. Michaud has published in the Quotidienne the following letter, addressed to M. Laurentie. In a letter written in 1831, and dated from the lazaretto of Malta, I repeated some energetic expressions used in the presence of Admiral de Rigny, by the commandant of the Russian station at Nauplia. The question then was not concerning the prejudices of the French and English against Russia, but the haughty defiances which English policy was throwing out against the French and the Russians. The collection, entitled The Portfolio, in its 17th number, quotes a passage of the Correspondance d'Orient, in which the very words of the Russian admiral are recorded; but as this detached quo

tation tends to alter the true sense of my account, and seems to associate me with the paper war which has been for some time carried on against the Russian cabinet-a war with which I wish to have nothing to do-I have thought it right to give a correct statement of facts, and therefore I request you to insert, in the columns of the Quotidienne, my letter, just as it was written and published.

"Though a great deal has been said about the affairs of the East, and events have proceeded very rapidly, I do not see that we have got much further than we were in 1831. What was true then is still true at this day, and the way in which enlightened persons view things has not changed during the last five years. I hope then that my ideas have not become too obsolete, and that I shall again find myself very nearly on a level with all the questions of the day but I am determined not to mix myself up with the passionate quarrels which have lately arisen, and, happen what may, to remain neuter between the Thames and the Neva.

"Passy, April 26."

"MICHAUD."

We did not quote the passage for the purpose of exposing the doublefacedness of the French

We

admiral, or of the French cabinet, to whom such language must have been communicated. did not think it worth while to speak of honour or honesty as regards the pitiful policy of France, the subservient tool at her own expence, no less than at the expence of others of that cabinet which may have equally misled the intelligence, but, thank God, has never yet corrupted the integrity, of this country. Our opinions of the policy of France under the restoration have been so repeatedly expressed, and illustrated by so many extraordinary facts and documents, that this new and characteristic instance required no comment. We quoted that incident for the purpose of showing to our numerous naval officers, who, in the frankness of their own character, have not dreamed of suspecting others, how erroneous their estimate had been of the character of the "frank old Dutchman," Admiral Heyden. Not indeed that Admiral Heyden did not personally deserve, and fully deserve, all the respect that was paid him, but he was a servant of Russia. He was chosen, no doubt, for the purpose of conciliating the good will of the English officers on the station; and, while full latitude was therefore allowed

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