Page images
PDF
EPUB

contenait des dispositions rigoureuses que le gouverneurgénéral crut devoir adoucir; en conséquence, le 20 janvier, il autorise les juges à commuer, dans certains cas, la peine des travaux forcés à tems en celle de la réclusion, même sans exposition préalable. C'était le vrai moyen de donner à la magistrature une considération qui lui ôtait le rôle purement passif qui lui est attribué dans le jugement des affaires criminelles.

Les faux monnayeurs ont été punis dans tous les pays, de la peine capitale. Au commencement de cette année, ils s'étaient singulièrement multipliés dans la Belgique. Un arrêté du 30 janvier porta la peine de mort contre tout individu qui aurait contrefait la monnaie décimale ou toute autre monnaie d'or et d'argent ayant cours légal en Belgique, ou qui aurait participé à l'émission ou à l'introduction des monnaies contrefaites et altérées.

Le sort des provinces belgiques est définitivement fixé. Le 23 février, le prince- gouverneur mande au comte de Jhiennes, commissaire-général de la justice, que toutes les parties de la Belgique qui ont appartenu à l'Autriche, ont été placées sous la souveraineté de ce prince, à l'exception de quelques portions des territoires de Limbourg et de Luxembourg. La nouvelle agrégation des Pays-Bas se trouve ce qu'elle était sous l'archiduc Albert et l'archiduchesse Isabelle, à l'exception d'une partie de la Flandre et du Hainaut, dont la France était depuis long-tems en possession; mais les Pays-Bas acquéraient en échange le pays de Liége. Cette nouvelle fut généralement bien accueillie dans les Pays-Bas."

CHRONOLOGIE HISTORIQUE

DU

ROYAUME DES PAYS-BAS.

1815. GUILLAUME I, qui offre le modèle de toutes les vertus privées, crut qu'il était de l'intérêt public de renforcer l'autorité paternelle et de mettre un frein au libertinage; en conséquence, par un arrêté du 25 février, il autorisa les tribunaux de première instance, sur la demande des parents, à faire renfermer dans des maisons de correction, sans autre forme de procédure, les personnes qui, en raison de leur mauvaise conduite, ne peuvent être conservées dans la société. Cette disposition éminemment morale ne laisse toutefois pas de prise à l'arbitraire; la magistrature intervient entre les parents et les enfants, et n'accueille la demande des premiers que lorsqu'elle est fondée sur des preuves irrécusables.

[ocr errors]

Le royaume des Pays-Bas était à peine fondé, qu'il se vit menacé d'une catastrophe qui pouvait le faire rentrer dans le néant, Le 17 mars, on apprit l'évasion de Bonaparte de l'île d'Elbe, son débarquement sur les côtes de France, sa marche rapide, et en quelque sorte triomphale dans diverses provinces. Cette nouvelle causa, dans la Belgique, une impression très-vive. Bonaparte y comptait peut-être autant de partisans que d'ennemis; il avait pour lui tous les acquéreurs de domaines nationaux, tous les indigènes qui avaient obtenu des emplois sous son gouvernement, tous les militaires qui avaient servi dans ses armées. Les destins de la maison d'Orange ne tenaient donc qu'à un fil; le moindre

échec pouvait la renverser. Alors, les troupes anglaises se concentrèrent sur Anvers et Malines, et les Prussiens se réunirent en force dans le pays de Luxembourg. Le même jour, le roi vint annoncer à l'assemblée des États-Généraux, à La Haye, son avènement au trône des Pays-Bas.

Les circonstances exigeaient de sévères mesures de police; la patrie était en danger; le 21 mars, l'ordre fut donné au procureur, chargé de la direction suprême de la police, de surveiller toutes les personnes, et surtout les étrangers, qu'on pourrait soupçonner d'être partisans de la France. Cette mesure, toute rigoureuse qu'elle était, n'était cependant pas arbitraire, car un grand nombre de Belges n'avaient pas dissimulé leur satisfaction et leurs espérances à la nouvelle du retour de Bonaparte. Ce retour devait être le signal d'une nouvelle agression contre l'ex-empereur. Le 23 mars, le lieutenant-général prussien, baron de Ziéten, établit son quartier-général à Liége. Les habitants de ce pays étaient particulièrement dévoués au régime français; leur franchise ne leur permettait pas de dissimuler leur inclination. Il n'est donc pas étonnant que les soldats prussiens se soient livrés à quelques avanies à leur égard. Mais bientôt les vexations furent portées à un tel dégré, que les généraux prussiens craignirent une insurrection générale de la part des habitants.

Le 8 avril, le prince héréditaire d'Orange fut nommé commandant en chef des troupes belges ; son quartier-général fut établi à Nivelles.

La crise qui se préparait à l'extérieur exigeait de grandes mesures répressives dans l'intérieur du royaume. Le 10 avril, le roi rendit un arrêté portant que tous ceux qui, par leurs discours ou par leurs écrits, chercheraient à troubler la tranquillité publique, qui, par leurs actions ou par des ouvrages imprimés, se feraient connaître comme instruments d'une domination étrangère, qui chercheraient à diviser les citoyens, seraient, selon les circonstances, condamnés à des peines afflictives et infamantes, et même à la peine de mort, si elles avaient occasioné une révolte. Les arrêts devaient être prononcés par cinq juges au moins, sans recours en cassation, et être exécutés dans les vingt-quatre heures. L'arrêté érigeait à Bruxelles une Cour de justice spéciale extraordinaire qui, par sa composition et ses formes sommaires, rappelait un peu le tribunal révolutionnaire du comité de salut public. Cette institution, qui ne se trouvait

pas en harmonie avec les mœurs du pays, ne tarda point à tomber en désuétude, surtout quand on voulut la maintenir après la cessation des événements qui en avaient nécessité la création. Cette Cour n'a prononcé qu'un petit nombre d'arrêts portant condamnation à des peines purement correctionnelles.

Le 23 avril, le duc de Wellington visite les forteresses des Pays-Bas, inspecte plusieurs régiments anglais. Les forces des troupes alliées qui doivent agir contre la France, depuis le Haut-Rhin jusqu'à la mer du Nord, sont distribuées de la manière suivante: le prince de Schwartzenberg commande dans le pays situé entre Bâle et Manheim; l'archiduc Charles, depuis Manheim jusqu'aux bords de la Moselle; le maréchal Blücher, entre la Moselle et la Meuse; et le duc de Wellington, depuis la Meuse jusqu'à la mer. Le 25 avril, le roi se rend à Nivelles, où est établi le quartier-général de l'armée belge; le duc de Wellington s'y rend aussi. Le grand quartier-général doit être transféré à Ath; on élève des retranchements devant les villes de Tournai, Mons, Charleroi et Ypres; on prend toutes les mesures pour se mettre en garde contre l'invasion que fait craindre le retour de Bonaparte.

Malgré les dangers qui le menacent à l'extérieur, le roi ne perd pas de vue les intérêts essentiels des États dont la souveraineté lui a été confiée. Le 22 avril, il nomme une commission spéciale chargée de s'occuper sans délai de la ré- . vision de la loi fondamentale, pour l'adapter, aux besoins, aux mœurs et aux habitudes des provinces belgiques.

Les événements se pressent, les dangers deviennent imminents, des troupes nombreuses se concentrent dans la Belgique, qui voit bientôt réunie sur son territoire une armée de quatre-vingt mille hommes, sous les ordres du duc de Wellington, composée d'Anglais, d'Hanovriens, Belges, Hollandais, Prussiens.

Le 14 mai, M. Verstolk de Poelen prend, au nom du roi, possession de la ville de Liége, ainsi que des cantons situés sur la rive gauche de la Meuse, qui doivent faire partie du royaume des Pays-Bas.

Le 19 du même mois, les États-Généraux sanctionnent la demande du roi, tendant à ce que la milice nationale puisse être mise en activité de service pendant la guerre ; cette mesure ne pouvait pas être prise sans l'autorisation du pouvoir législatif.

VII.

18

L'acte du congrès de Vienne, du 9 juin, fixe, art. 64 et 65, les limites du royaume des Pays-Bas. L'art. 67 cède au souverain de ce pays le grand duché de Luxembourg, toutefois, sous la condition que la ville de Luxembourg sera considérée, sous le rapport militaire, comme forteresse de la confédération germanique. Par l'art. 69, le roi est investi de la souveraineté de la partie du duché de Bouillon, non cédée à la France, par le traité de Paris, du 30 mai 1814. Par l'art 72, le roi des Pays-Bas entre dans tous les droits et prend sur lui toutes les charges et tous les engagements stipulés par le traité de Paris, relativement aux provinces et districts séparés de la France.

Dans le mois de juin, il se passa des événements d'une haute importance et de nature à remettre en question l'existence du nouveau royaume des Pays-Bas. Le 14 de ce mois, Napoléon, à la tête d'une nombreuse armée, avait fait une irruption dans les provinces belgiques; il battit, le jour suivant, les Prussiens dans la plaine de Fleurus; mais enfin, le 18, il succomba dans les champs de Waterloo, et sa puissance colossale y trouva définitivement son tombeau. Nous glisserons légèrement sur ces événements, qui appartiennent à l'histoire chronologique de la France, bien qu'ils se soient passés sur le territoire des Pays-Bas. Nous observerons seulement que, dans la sanglante et terrible bataille de Waterloo, les troupes belges, sur la défection desquelles Napoléon avait compté, restèrent fidèles à leur souverain et à leur patrie, et firent des prodiges de valeur; elles délivrèrent le prince héréditaire qui les commandait, et que son courage avait enveloppé dans les rangs ennemis, après avoir reçu une blessure grave à l'épaule. Les prisonniers, et surtont les blessés français, furent accueillis dans toutes les villes de la Belgique, avec un intérêt qui tenait de l'enthousiasme; les soins les plus empressés et les plus charitables leur furent prodigués; on vit alors que les Belges n'avaient pas cessé de regarder les Français comme leurs frères, et qu'ils n'en voulaient qu'à l'homme qui, depuis tant d'années, fesait peser son joug de fer sur l'Europe. Cependant, on doit dire que si la bataille de Waterloo eût amené un autre résultat, les provinces belgiques n'auraient pas opposé 'une forte résistance à leur nouvelle réunion à la France. Leur gouvernement était encore au berceau; on ne connaissait pas bien encore les principes qui devaient diriger sa marche; et les intérêts nés de la révolution étaient assez

« PreviousContinue »