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partis tant qu'il y aura deux lois, une pour les protestants et l'autre pour les catholiques, on ne pourra jamais se flatter d'obtenir l'attachement du peuple. Le duc de Dévonshire termina son discours en demandant la formation d'un co-mité d'enquête. La proposition, appuyée par le comte de Darnley, lord Holland et le marquis de Lansdown, fut combattue par le comte Bathurst, lord Maryborough et le comte de Limerick.

Le comte de Liverpool repoussa les reproches adressés au gouvernement; il avait toujours recommandé de distribuer également les places entre les catholiques et les protestants; on était donc fondé à croire que justice avait été rendue à chacun. Il ne fallait pas perdre de vue que les protestants formaient, en Irlande, la classe la plus riche, la mieux élevée et la plus distinguée. Les quarante-neuf-cinquantièmes de la propriété territoriale de l'île étaient entre les mains des protestants. Comme l'éducation et l'instruction étaient très-négligées parmi les catholiques, il ne fallait pas être surpris de ce qu'il y en avait si peu qui, par leur position sociale, fussent propres à exercer des emplois. La guerre, en Irlande, n'est pas entre deux partis religieux ; c'est celle du pauvre contre le riche, des prolétaires contre les propriétaires. La proposition de duc de Dévonshire fut rejetée par cent cinq voix contre cinquante-neuf.

Dans ce moment, la Chambre des communes s'occupait d'un bill concernant la commutation des dîmes en Irlande. Suivant un tableau présenté précédemment, le clergé protestant possède deux onzièmes du territoire de l'île évalué à 18,000,000 d'acres; il a 2,500,000 livres sur 14,000,000, outre 700,000 livres en dîmes; seize cent quatre-vingtquatre bénéfices sont à la nomination de la couronne. Un bill présenté le 6 mai pour convertir les dîmes en abonnements, à l'arbitrage de commissaires nommés par le gouvernement, fut soutenu par le ministère, et adopté le 4 juillet, après avoir subi une longue discussion et divers amendements; la Chambre des pairs l'approuva également. L'État de l'Irlande engagea le ministère à demander la prolongation de l'acte d'insurrection; cette proposition fut convertie en loi.

Le 2 juillet, le chancelier de l'échiquier annonça que, malgré la diminution de plusieurs impôts, les recettes jusqu'à ce jour avaient excédé les estimations qu'il avait présentées à la Chambre. Il déclara que le gouvernement ne s'arrêterait

pas dans la route qu'il avait prise, et qu'il s'occuperait, avec un soin extrême, d'examiner tout ce qui serait encore possible de réduction.

Cette exposition si franche réunit tous les suffrages, et l'opposition félicita le chancelier de l'échiquier sur l'état des finances, sur les espérances qu'il donnait de réduire les impôts, et sur les principes libéraux que les ministres avaient adoptés envers le commerce.

La session du parlement fut close, le 19 juillet, par des commissaires. Le discours du roi exprimait la vive satisfaction que sa majesté éprouvait des travaux des deux

Chambres.

Les esprits, en Angleterre, étaient encore fortement agités au sujet de la guerre d'Espagne. Malgré la proclamation du 19 juin qui défendait à tous les sujets de la GrandeBretagne de prendre aucune part aux hostilités qui avaient lieu dans la Péninsule, sir Robert Wilson et d'autres officiers allèrent combattre dans les rangs des Espagnols; il se fit publiquement des souscriptions en faveur de cette nation; celle du conseil général de la cité fut de 1,000 livres. Mais le nouvel emprunt des Cortès ne trouva pas beaucoup de souscripteurs. Au contraire, les gouvernements des anciennes colonies espagnoles, même les moins bien affermies, purent aisément réaliser les emprunts qu'ils proposèrent.

A l'époque de la réélection annuelle du lord-maire de Londres, le 29 septembre, le choix tomba sur l'alderman Waithman, un des membres les plus prononcés de l'opposition. La sanction royale, sans laquelle il ne pouvait entrer en fonctions, lui fut refusée par trois fois. Ce ne fut qu'à la dernière qu'il l'obtint; néanmoins', il reçut l'accueil le plus amical du ministre, entre les mains duquel il alla prêter serment, et le roi même témoigna sa bienveillance accoutumée à la grande députation du corps municipal qui vint le complimenter.

Après la chute du gouvernement des Cortès, les réfugiés espagnols, qui cherchèrent un asile en Angleterre, y furent accueillis avec le plus vif intérêt ; des souscriptions furent ouvertes en leur faveur, le gouvernement leur accorda des

secours.

Le Conseil du roi d'Espagne, ayant provoqué la réunion d'un congrès des grandes puissances européennes pour s'occuper de l'état des colonies espagnoles, le gouvernement

britannique non-seulement refusa d'y prendre part, mais il résolut d'envoyer dans tous les États nouveaux de l'Amérique des commissaires chargés de lui rendre compte de la situation de ces pays, et des consuls pour y protéger le commerce de la Grande-Bretagne ; il manifesta même assez hautement l'intention de reconnaître l'existence de ces nouvelles républiques aussitôt qu'il aurait acquis la preuve qu'elles étaient assez fortes pour la maintenir, Ces commissaires partirent au mois de novembre; enfin il ne laissa pas ignorer sa détermition absolue de s'opposer à toute intervention armée des puissances européennes, dans la querelle de l'Espagne avec ses colonies.

En Amérique. Les nègres se révoltèrent à Démérary sur la fin d'août. La loi martiale fut mise en vigueur. Les révoltés. arrêtés furent livrés au supplice. Des simptômes de soulèvement se manifestèrent aussi à la Jamaïque l'assemblée coloniale en attribua la cause aux déclamations de quelques membres de la Chambre des communes. Elle délibéra, le 18 novembre, d'adresser des remontrances au roi pour le supplier de provoquer la révocation des résolutions du parlement, et des ordres du Conseil relatifs à l'amélioration de la condition des esclaves; elle annonça l'intention de résister à toute mesure qui tendrait à changer le régime colonial.

En Afrique. Il s'était élevé, entre le consul-général de la Grande-Bretagne et le dey d'Alger, une querelle qui manqua d'avoir les conséquences les plus graves.

En Asie. Le gouvernement britannique céda à celui des. Pays-Bas, Bencoulên et tous ses autres établissements dans l'île de Sumatra.

Le 18 octobre, le capitaine Parry, qui était parti, en 1821, pour aller à la recherche du passage au nord-ouest, revint en Angleterre; il avait passé deux hivers au-delà de la mer d'Hudson; les glaces l'avaient constamment empêché de traverser un détroit qui sépare l'Amérique septentrionale d îles situées plus au nord. 'Il s'était élevé jusqu'à 69° 40′ de latitude.

1824. Une attaque de goutte empêcha, encore cette fois, le roi d'ouvrir en personne la session du parlement le 3 février. Le discours de sa majesté annonçait la prospérité du commerce et de l'industrie, et l'accroissement des revenus publics; mais il manifestait des inquiétudes sur l'état de l'Irlande, Le roi témoignait l'espérance que la paix générale ne serait

pas troublée, et que les négociations suivies à Constantinople ne tarderaient pas d'avoir une issue favorable. Il exposait que la stricte neutralité, gardée pendant la guerre de la France contre l'Espagne, avait parfaitement répondu aux vœux du peuple anglais; pour ce qui concerne les colonies espagnoles de l'Amérique, qui s'étaient déclarées indépendantes de la métropole, le roi s'était conduit d'une manière franche et conséquente; il avait nommé des consuls dans les principaux ports de mer et les grandes villes de ces pays, afin de protéger le commerce de ses sujets; quant aux autres mesures ultérieures, le roi s'était réservé d'en agir à cet égard en toute liberté, selon ce que la situation de ces contrées et l'intérêt de la Grande-Bretagne pourraient exiger. Les circonstances avaient obligé de renforcer les stations maritimes et les garnisons dans les Antilles, ce qui occasionerait une augmentation de dépenses pour la guerre et la marine. Enfin le roi invitait le parlement à fixer son attention sur les améliorations à apporter à la condition des nègres esclaves et au sistème colonial en général.

A la Chambre des pairs, le vicomte Lorton, en appuyant l'adresse d'usage proposée par le comte Somers, fit le plus triste tableau de l'état de l'Irlande; au nombre des causes qui prolongeaient les calainités de ce pays, encore soumis au régime de la conquête, il mit surtout l'absence des grands propriétaires et le défaut de travail parmi les femmes de la campagne.

Le marquis de Lansdown, sans proposer aucun amendement à l'adresse, aurait voulu que les ministres se fussent exprimés d'une manière plus positive sur l'issue malheureuse de la guerre en Espagne, et sur leurs dispositions à l'égard des nouveaux États de l'Amérique.

Le comte de Liverpool, en répondant aux reproches adressés aux ministres, dit qu'il n'avait jamais hésité à déclarer ouvertement que la France n'aurait jamais dû envahir l'Espagne, non d'après le principe qu'un pays n'a pas le droit d'intervenir dans les affaires intérieures d'un autre, parce que cela est sujet à beaucoup d'exceptions, mais parce qu'il pensait que, dans la circonstance en question, la France n'avait pas l'ombre de droit d'intervenir dans les arrangements intérieurs de l'Espagne. Il était persuadé que ce pays aurait dû être abandonné à lui-même, et que, quelque divisé qu'il pût être, par des factions domestiques, il devait leur être permis de traiter les unes avec les autres;

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d'ailleurs il ne pouvait que donner des éloges à la conduite du duc d'Angoulême, qui avait donné un gage brillant de ce que l'on doit attendre de lui, quand il monterait sur ce trône dont il était l'héritier présomptif. « S. A. R., ajouta le ministre, a souvent essayé, tant en France qu'en Espagne, » d'arrêter l'esprit d'exagération, et dans plusieurs ques» tions elle y est parvenue. Quant à moi, je ne pourrais » pas plus me résoudre à employer des baïonnettes anglaises » pour courber la tête des Espagnols sous le joug d'une cons»titution qu'ils détestent, que je ne pourrais les employer » pour les réduire à l'esclavage le plus abject.

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Le ministre rappela ensuite la longue discussion qui avait eu lieu à l'époque de la première révolution espagnole, pour savoir si le gouvernement britannique devait faire cause commune avec la cour d'Espagne, ou consacrer ses forces au soutien de l'Amérique espagnole. Quelques pairs se prononcèrent pour le premier parti; mais les ministres furent d'un avis différent, et pensèrent que la saine politique exigeait qu'on laissât agir l'Espagne d'après ses propres moyens, en se bornant à lui donner des conseils sur la conduite la plus avantageuse qu'elle avait à tenir. La même question fut agitée, en 1814, au retour du roi ; la médiation de l'Angleterre, non pour faire rentrer les colonies sous la domination espagnole, car ce point ne pouvait être pris en considération, mais pour amener un arrangement à l'amiable, fut rejetée. Enfin l'Espagne s'est vue dépouillée de presque toutes ses possessions en Amérique c'était dans ces circonstances que la GrandeBretagne avait fait un grand pas en nommant des consuls dans les nouveaux États de l'Amérique; le ministre espérait que cette ligne serait suivie ultérieurement. Maintenant, soit que le gouvernement espagnol reconnût ou ne reconnût pas l'indépendance de ses anciennes colonies, la Grande-Bretagne n'était pas engagée à agir d'une manière différente de celle qui peut se concilier avec ses propres intérêts, ou avec ceux de l'Europe en général. L'adresse fut votée à l'unanimité.

A la Chambre des communes, l'adresse fut proposée par M. Daly qui s'attacha surtout à défendre la conduite du gouvernement britannique pendant la dernière guerre d'Espagne. M. Brougham la blâma au contraire comme injurieuse à la dignité de la Grande-Bretagne; il supposait que les saints allies (saints ou non, c'est ce qu'il ne décidait pas, mais il les appelait des conspirateurs contre les libertés du genre humain), n'attaqueraient la Grande-Bretagne que graduelle

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