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biens de ses enfants, dans l'Amérique du Sud, en Serbie, dans les cantons d'Argovie, de Lucerne, du Valais et en Toscane. Au contraire: en Autriche, le père peut seulement prélever sur les revenus des biens des enfants les frais de leur éducation, et doit placer le reste; en Angleterre, le père administre les biens de ses enfants et rien de plus; mais lorsqu'il pourvoit à leur entretien et qu'ils vivent avec lui, il à droit aux gains qu'ils font; en Russie, les parents administrent seulement les biens de leurs enfants comme tuteurs; dans le canton de Berne, ils peuvent employer les revenus de ces biens aux frais d'éducation et même aux dépenses de la famille, s'ils sont dans la pauvreté sans leur faute; en Turquie, si le père a des dettes, il a le droit d'engager les biens de ses enfants mineurs. Sont partout exceptés de l'usufruit légal les biens dont parle l'article 387 du Code Napoléon, et de plus, en Sardaigne, en Toscane, à Parme et à Modène, les biens que le fils recueille avec son père dans la même succession ab intestat.

La puissance paternelle prend fin, en général, pour les mêmes causes que dans le Code Napoléon, sauf les exceptions suivantes: la Sardaigne qui a maintenu l'esprit de la législation romaine sur la puissance paternelle, ne connaît d'autre cause de fin de cette puissance que l'émancipation; le père, en émancipant son enfant, peut se réserver l'usufruit légal de ses biens, jusqu'à ce que l'enfant ait atteint l'âge de trente ans; en Bavière, le mariage ne met pas un terme à la puissance paternelle; en Russie, il ne fait que la restreindre; dans l'Amérique du Sud, elle cesse par le bannissement perpétuel, par le mariage, par l'émancipation, par l'inceste, ou lorsque l'enfant est élévé à une dignité; en Danemark, lorsque Venfant a dix-huit ans ; en Toscane, lorsqu'il a trente ans, sans distinction de sexes; en Wurtemberg, pour les filles, par le mariage, et pour les fils lorsqu'ils sont déjà majeurs, par un établissement séparé. En Serbie, lorsqu'une fille affranche de la puissance paternelle par le mariage perd son mari pendant sa minorité, elleretombe sous la puissance paternelle.

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DE LA MINORITÉ, DE LA TUTELLE ET DE L'ÉMANCIPATION.

L'âge où l'homme n'a plus besoin, pour gérer ses affaires, de la protection d'autrui n'est pas le même pour tous les individus. Les facultés de l'esprit, la position sociale et les forces physiques établissent des différences tellement frappantes qu'il a falu des motifs bien puissants pour qu'une règle commune fût imposée à cet égard. Dans toutes les législations, nous voyons qu'elle ne s'est introduite qu'insensiblement et à mesure que la souveraineté de la famille fut absorbée par celle de l'état, dont le caractère est de tout soumettre à des prescriptions uniformes. A Rome, on discutait encore sous les empereurs si la capacité de l'individu déterminait la majorité ou s'il fallait pour l'obtenir qu'un certain age fût atteint; quelques jurisconsultes voulaient même que les deux conditions fussent réunies; mais la considération seule de l'âge fut admise. Le principe qui a prévalu à Rome est aujourd'hui établi en Europe. En France, les pays de droit écrit fixaient l'âge de la majorité à vingt-cinq ans, et les pays de coutumes à vingt et

un an ou vingt ans; la loi du 20 septembre 1792 le fixa à vingt et un ans pour toute la France, et cette disposition fut conservée par l'art. 388 du Code Napoléon. Elle est reproduite dans la plupart des pays : en Bavière (loi du 26 octobre 1813), en Sardaigne, en Belgique, à Bade, en Angleterre, dans les Deux-Siciles, aux Etats-Unis, en Grèce, à Haïti aux Iles Ioniennes, en Louisiane, à Modène, à Parme, en Pologne, au Brésil, en Russie, en Saxe, en Serbie, en Suède, en Toscane et dans le canton de Genève. Au contraire l'âge de la majorité est fixé à quinze ans en Turquie; à dix-huit ans en Danemark; à dix-neuf ans dans le canton de Neuchâtel; à vingt ans dans les cantons de Fribourg, de Soleure et du Tessin ; à vingt-trois ans en Hollande, où le mariage rend aussi majeur, dans les cantons de Vaud et du Valais; à vingt-quatre ans en Autriche, en Prusse, dans le droit commun allemand, dans les cantons de Berne, Argovie, Glaris et Zurich; à vingt-cinq ans en Wurtemberg, en Portugal, en Norwége, dans l'Amerique du Sud et en Bolívie. Lorsque les enfants sont encore mineurs et qu'ils viennent à perdre leur père ou leur mère, il y a lieu à la tutelle. Cependant en Autriche, en Bavière, en Sardaigne, dans le canton de Vaud, la tutelle ne s'ouvre pas par la mort de la mère. Au contraire dans le canton de Zurich, la tutelle paternelle commence à la naissance même de l'enfant, de sorte que le mineur est en tutelle par le seul fait de sa minorité; on comprend l'importance de cette disposition; ainsi, lorsque le père est en faillite, le mineur, mème lorsque la mère est encore vivante, a un privilége pour la restitution de ses biens.

L'ordre dans lequel les tutelles sont déférées varie. Le système du Code Napoléon qui donne le premier rang à la tutelle du survivant des père et mère et le second rang à la tutelle testamentaire, est adopté dans les Deux-Siciles, à Bade, en Belgique, en Louisiane, en Suède, en Hollande, en Bolivie, en Danemark, dans les cantons de Berne, Fribourg, Neuchâtel et Soleure. Dans d'autres pays, le tuteur testamentaire désigné par le père, ou dans certains cas, par la mère, si elle est tutrice testamentaire, passe avant tous les autres, puis le tuteur légitime et le tuteur datif viennent ensuite. Il en est ainsi dans l'Amérique du Sud, en Portugal, en Angleterre, aux États-Unis, à Hambourg, aux Iles Ioniennes, en Russie, en Serbie, en Toscane, dans les cantons de Saint-Gall et du Valais, à Parme et à Modène où les tuteurs légitimes, sauf les ascendants, doivent être confirmés par le tribunal; en Autriche où, à défaut de tuteur testamertaire, le tribunal doit choisir le père du père, puis la mère surveillée par un couteur, et après elle les plus proches parents; enfin en Sardaigne, où le père où l'aïeul paternel, s'il exerce la puissance paternelle, peut désigner un tuteur: si la mère est nommée tutrice ainsi par testament, elle ne peut à son tour désigrer de tuteur qu'avec l'approbation du conseil de famille; celui qui institue un mireur héritier, peut aussi lui nommer un tuteur pour les biens qu'il lui laisse. Erfin la tutelle dative est seule admise dans certains pays, parmi lesquels nous rangeons ceux où tous les tuteurs doivent être confirmés par les tribunaux. Ces pays sont la Bavière, où la mère ne peut nommer de tuteur testamentaire ;a Prusse, où le juge doit choisir de préférence d'abord le tuteur testamentaire puis la mère et ensuite les autres parents; le canton de Vaud, où le juge de prix consulte seule

ment le testament, s'il y a un tuteur testamentaire désigné; Hambourg; Malte; les cantons d'Appenzell, du Tessin et de Zurich. Cette règle est aussi celle du droit commun allemand.

En général, la mère perd son droit à la tutelle, si elle se remarie; cependant le droit commun allemand, la Prusse, l'Angleterre, les Etats-Unis font exception à cette règle. En Hollande, si la mère a été privée de la tutelle par suite d'une incapacité de son second mari, elle est réintégrée de droit dans la tutelle, lors de dissolution de ce deuxième mariage. Dans plusieurs législations, elle est aussi privée de la tutelle, lorsqu'après la mort du mari, elle met au monde un enfant illégitime.

Les tuteurs peuvent être nommés pour un certain temps ou sans condition en Bolivie, en Prusse, etc. Le Code de la Louisiane interdit d'en nommer plus d'un; au contraire, beaucoup de législations en autorisent plusieurs, et dans ce cas, ils sont preque toujours solidaires (Bavière, Autriche, Suède, Malte, Parme et Modène).

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Les conseils de famille, véritables tribunaux de famille, établis par le Code Napoléon, ne sont adoptés qu'en Sardaigne, où, d'après l'art. 272 du Code, la majorité relative des voix, question controversée chez nous, suffit pour les délibérations, dans les Deux-Siciles, à Bade, en Belgique, en Louisiane, en Pologne, cn Portugal, en Toscane, dans les cantons de Genève et du Valais. Ils sont partout ailleurs remplacés: - tantôt par les tribunaux ordinaires comme en Bolivie; tantôt par des administrations générales se chargeant de tous les soins de la Cutelle, comme en Danemark et en Norwége, où les grands tuteurs (overmynden) ne laissent aux tuteurs que la perception des revenus et le soin de la personne du mineur; tantôt par des tribunaux pupillaires ou des administrations des orphelins, comme dans le droit commun allemand, en Autriche, en Prusse, où ces autorités sont responsables à peu près comme le tuteur, en Russie, où les régences de bailliage en tiennent lieu pour les paysans de l'état, les consula's russes pour les Russes à l'étranger, et les prykaznyi starosta pour les paysans des domaines apanagers, en Saxe, en Wurtemberg, dans les cantons de Glaris, de Saint-Gall, du Valais, de Neuchâtel et de Soleure; - tantôt par le conseil communal, comme dans les cantons d'Appenzell, Argovie, Berne, Tessin et Zurich. Enfin ce soin est remis, en Angleterre, au lord chancelier, et dans le canton de Vaud, au conseil d'état. On ne saurait nier que l'institution du conseil de famille ne soit soumise à quelques inconvénients et qu'elle ne soit susceptible de perfectionnement; mais elle n'en reste pas moins une des plus belles conquêtes de la civilisation moderne. Elle fait revivre l'élément de la famille; elle décharge l'état d'une responsabilité immense, et la magistrature d'une foule de soins d'administration qui n'ont aucun rapport avec le but pour lequel elle est fondée, et qui la détournent de son grave et saint sacerdoce.

La plupart des législations gardent le silence, comme le Code Napoléon, sur les tutelles des enfants naturels. Voici le peu de dispositions que nous avons trouvées à ce sujet : en Sardaigne, le juge convoque quatre amis du père ou de la mère, qui nomment un tuteur et forment eux-mêmes un véritable conseil de

famille; en Pologne, la tutelle appartient à celui des parents qui a reconnu l'enfant; à la mère, si tous deux l'ont reconnu ; à un tuteur nommé par un conseil de six personnes bienfaisantes, si personne ne l'a reconnu; en Bolivie et dans quelques autres pays, la mère est nommée tutrice; en Louisiane, le père et la mère peuvent désigner un tuteur testamentaire.

Le subrogé tuteur n'existe qu'en Sardaigne, dans les deux-Siciles, en Pologne, en Louisiane et dans le canton du Valais. Dans les autres pays, les tribunaux pupillaires en tiennent lieu, ou bien un curateur ad hoc ou un conseil extraordinaire est nommé pour chaque affaire.

Les causes qui dispensent ou excluent de la tutelle ont partout leur source dans la législation romaine et n'offrent que des différences de détail, sur lesquelles nous n'insisterons pas. Partout la tutelle est considérée comme une charge publique et obligatoire; cependant, en Angleterre, celui à qui revient la tutelle peut la refuser. Le Code autrichien et les Codes suisses qui l'ont pris souvent pour modèle, limitent le temps pendant lequel le tuteur sera tenu d'exercer ses fonctions. En Autriche, il peut s'en démettre après un an ; dans les cantons de Vaud, Appenzell, Glaris et Fribourg, après trois ans; dans les cantons de Soleure, Zurich, SaintGall et Argovie, après quatre ans. Dans le canton du Valais, le tuteur testamentaire ou datif peut quitter la tutelle après deux ans et le tuteur légitime seulement à soixante-cinq ans; dans le canton de Berne, le tuteur datif seul peut demander d'être libéré au bout de deux ans.

Avant de prendre l'administration des biens du pupille, le tuteur doit, d'après quelques législations, comme dans notre ancien droit, prêter serment de bien gérer la tutelle (Droit commun allemand, Bavière, Autriche, Hambourg, Prusse, Wurtemberg, Sardaigne, Amérique du Sud, Bolivie, Louisiane, cantons de Vaud et de Fribourg).

Dans d'autres pays, il doit donner un cautionnement; ainsi en Autriche, lorsqu'il ne rend pas exactement ses comptes; dans l'Amérique du Sud, à moins qu'il ne soit nommé par testament; à Parme et à Modène, à moins qu'il ne s'agisse d'un tuteur testamentaire, de la mère, d'un ascendant paternel ou d'un administrateur d'hospice; en Louisiane, à défaut d'hypothèque; à Malte, en Bavière et enfin en Bolivie.

Les pouvoirs du tuteur, pour l'administration des biens du pupille sont les mêmes à peu près dans toutes les législations; elles exigent toutes un inventaire préalable et interdisent au tuteur certains actes tels qu'aliénations, hypothèques, etc., sans autorisation soit des conseils de famille, soit des autorités tutélaires lorsqu'il n'existe pas de conseil de famille. En Sardaigne, on peut interdire au tuteur de recevoir des capitaux, mais il n'a besoin d'autorisation pour accepter une donation que si elle impose une obligation au mineur. En Autriche, les remplois faits par le tuteur ne sont définitifs que lorsqu'ils sont approuvés par le Tribunal des tutelles; le tuteur y doit, comme dans le canton d'Argovie, donner son consentement au mariage du mineur. On sait que cette disposition existait autrefois en France. En Angleterre, les pouvoirs du tuteur varient selon que la tutelle est

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ry

testamentaire, judiciaire ou en socage (1). En général, le tuteur peut ou doit demander l'avis de la cour de chancellerie avant certains actes.

Partout on admet que le tuteur doit rendre ses comptes à la fin de la tutelle; mais souvent même il est tenu de les rendre dans le courant de son administration, à des époques fixes. Ainsi, il est obligé de les rendre tous les ans, soit aux tribunaux, soit aux autorités tutélaires, d'après le droit commun allemand, en Autriche, en Bolivie, aux îles Ioniennes, à Malte, en Norwége, à Parme, à Modène, à Hambourg, en Russie, en Serbie, dans les cantons d'Appenzell, Vaud, Fribourg et Tessin ; tous les deux ans, dans les cantons d'Argovie, Berne, Soleure, Zurich et Valais, sauf dans ce dernier, à moins que le tuteur ne soit un ascendant; tous les trois ans, en Toscane et dans le canton de Neuchâtel; tous les quatre ans, dans le canton de Lucerne. Beaucoup de législations (droit commun allemand, Bavière, Autriche, Amérique du Sud, Bolivie, Angleterre, Hambourg, îles Ioniennes, Russie, Serbie, cantons de Vaud, Argovie, Appenzell, Glaris, Valais, Neuchâtel, Soleure) décident que le tuteur doit ou peut recevoir, pour son administration, une rémunération fixe ou de tant pour cent sur les biens administrés.

La tutelle finit ordinairement à la majorité du pupille; cependant, dans le canton d'Argovie, le juge peut la prolonger même au delà si le pupille lui semble incapable de conduire ses affaires, et en Danemark le majeur doit, de dix-huit à vingt-deux ans,être pourvu d'un curateur. Quelques pays, enfin, imitant le droit romain, font cesser la tutelle à l'âge de la puberté, et donnent un curateur au mineur jusqu'à un certain âge, qui est le plus souvent celui de la majorité. Ainsi, dans l'Amérique du Sud, en Espagne et en Portugal, la tutelle cesse à quatorze ans pour les hommes et douze ans pour les femmes, et un curateur leur est donné, dans certains cas, jusqu'à vingt-cinq ans ; en Louisiane et à Hambourg, il en est de même, seulement la curatelle dure, dans le premier de ces pays, jusqu'à vingtet-un ans et dans le second jusqu'à vingt ans ; en Norwége, la tutelle dure jusqu'à dix-huit ans pour les hommes et jusqu'à vingt-cinq ans pour les femmes, et un curateur est donné ensuite aux hommes de dix-huit à vingt-cinq ans et aux femmes de vingt-cinq ans jusqu'à la fin de leur vie. En Russie, le mineur en tutelle peut, à quatorze ans, se choisir un curateur et à dix-sept ans administrer ses biens, à peu près comme le ferait, en France, un enfant émancipé, mais toujours en conservant son curateur jusqu'à vingt-et-un ans.

L'émancipation adoptée par le Code Napoléon, qu'on a appelée un état moyen entre la minorité et la majorité, n'est pas copiée sur l'émancipation romaine accordée par le père à son fils, souvent majeur; elle n'a lieu que pour les mineurs, et les rend capables de certains actes. Le système du Code Napoléon est suivi presque complétement dans les Iles Ioniennes, la Bolivic, la Louisiane, la Pologne, à Parme et à Modène. Dans le droit commun allemand, l'émancipation est prononcée par rescrit du prince. En Sardaigne, l'habilitation est accordée par conseil de famille au mineur en tutelle, âgé de dix-huit ans, pour gérer ses biens; il ne faut pas confondre, dans ce pays, l'habilitation avec l'émancipation qui, ac

1) Voir ci-dessous, t. II, p. 225, art. 244.

le

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