Page images
PDF
EPUB

nait de reprendre sa liberté en secouant le joug de Pisistrate. Hippias, fils de ce tyran, trahit sa patrie et servit de guide aux ennemis qui venaient la déchirer. Plusieurs hommes, célèbres par leur courage, par leur éloquence et par leur amour pour la patrie, étaient l'ornement et la gloire de la république d'Athènes. On y voyait principalement briller Miltiade, fils de Cimon, dont le frère avait été tyran de la Chersonèse, et deux illustres rivaux de gloire, Aristide et Thémistocle, souvent divisés par l'ambition, toujours réunis par l'amour de la patrie.

Darius envoya des hérauts dans la Grèce pour demander la terre et l'eau: telle était la formule usitée pour exiger la soumission. Les habitants d'Égine reconnurent l'autorité du roi de Perse. Cléomène, roi de Sparte, les en punit et chassa son collègue Démarate qui embrassa le parti de Darius. Le héraut envoyé à Athènes fut jeté dans un puits pour y prendre à son gré, disait-on, l'eau et la terre. Datis et Artapherne mirent à la voile avec une flotte de six cents vaisseaux. Leur armée, forte de six cent mille hommes, avait ordre de brûler Érétrie et Athènes. On s'était muni d'un grand nombre de chaînes destinées aux habitants de ces villes. Les chefs des Perses se rendirent maîtres des îles de la mer Égée, prirent par trahison, au bout de sept jours de siége, Érétrie, la brûlèrent et envoyèrent en Perse ses habitants. Darius les traita humainement et leur donna pour résidence, près de Suze, un canton où Apollonius de Thyane trouva encore, six cents ans après, quelques-uns de leurs descendants.

Les généraux perses, guidés par le traître Hippias, entrèrent dans l'Attiqué et arrivèrent à Marathon sur les bords de la mer. De là ils écrivirent à Athènes et la menacèrent, en cas de résistance, du sort d'Érétrie.

Sparte avait promis de secourir les Athéniens; mais une superstition grecque, qui ne permettait aux Spartiates de se mettre en marche qu'après la pleine lune, retarda l'arrivée de ce renfort. Platée seule envoya mille hommes. Les Athéniens furent obligés, contre leurs lois et leurs usages, de donner

des armes aux esclaves. L'armée perse en Attique, commandée par Datis, montait à cent mille fantassins et dix mille cavaliers. Les Athéniens ne leur opposaient que dix mille hommes, qui marchaient sous les ordres de dix généraux : Miltiade était le plus ancien. La plupart voulaient se tenir sur la défensive; Miltiade dit qu'il fallait effrayer l'ennemi en l'attaquant. Aristide appuya cette opinion; Polémarque, Callimaque s'y rangèrent, et la bataille fut résolue.

Il avait été convenu que les dix chefs commanderaient alternativement: le jour d'Aristide étant venu, il céda le commandement à Miltiade, comme au plus habile; tous ses collègues suivirent ce noble exemple.

Les Athéniens se précipitèrent sur leurs ennemis : malgré leurs efforts, Datis força leur centre à se replier; mais les ailes, s'étant avancées avec succès, prirent les Perses en flanc, les mirent en déroute, leur tuèrent six mille hommes, les poursuivirent jusqu'à la mer, mirent le feu à la flotte, et s'emparèrent de plusieurs vaisseaux. Hippias, qui avait amené les étrangers dans son pays avec l'espoir de recouvrer son autorité, fut puni de sa honteuse trahison, et reçut la mort dans le combat.

Les Perses avaient apporté beaucoup de marbre à Marathon pour y élever un trophée. Phidias, par l'ordre des Grecs, s'en servit pour faire une statue à Némésis. Les débris de la flotte persane doublèrent le cap Sunium pour surprendre Athènes; mais les Athéniens firent quinze lieues en un jour, et arrivè, rent à temps pour mettre la ville à l'abri de toute attaque. Les Lacédémoniens parcoururent aussi en trois jours soixante-dix lieues; mais, malgré cette diligence, ils n'arrivèrent à Marathon qu'après la bataille.

Darius, furieux de la défaite de ses troupes dans la Grèce, résolut de marcher en personne, et donna ordre à tous ses sujets de s'armer; mais, ayant appris dans le même temps. que les Égytiens s'étaient révoltés, il fut obligé de suspendre l'exécution de ce grand projet. Diodore prétend que Darius alla

en Égypte et la soumit, qu'il montra beaucoup de respect pour le culte antique de ce pays, et que les prêtres de Memphis, s'emparant de sa confiance, le déterminèrent à mieux gouverner ses sujets et à prendre les rois d'Égypte pour

modèles.

Hérodote dit, au contraire, que Darius envoya une partie de son armée en Égypte, et qu'il continua en Asie à s'occuper des préparatifs de la guerre contre les Grecs. Un ancien usage des Perses voulait qu'en s'éloignant de ses états le roi désignåt son successeur. Darius, avant de monter sur le trône, avait eu trois fils de la fille de Gobryas; depuis son couronnement, il en avait eu quatre autres de la fille de Cyrus : Artabazane était l'aîné des premiers, et Xercès celui des seconds. Artabazane invoquait le droit d'aînesse, et Xercès le droit de sa naissance. Le roi fugitif de Lacédémone, Démarate appuya les droits de Xercès par l'exemple des Lacédémoniens, qui préféraient en pareille circonstance les enfants nés depuis l'élévation de leur père au tròne. Darius adopta cet avis, donna le sceptre à Xercès, et mourut peu de temps après. Il avait régné trente-six ans. Sa vie, mêlée de revers et de succès, de vices et de vertus, ne fut pas sans éclat. Vaincu en Scythie et en Grèce, il conquit les Indes, la Thrace, la Macédoine, et laissa en mourant l'empire de Cyrus affermi et agrandi. Son épitaphe prouve que les Perses plaçaient étrangement leur amour-propre, car on lisait sur le tombeau de Darius une inscription dans laquelle on le vantait d'avoir su boire beaucoup, et de bien supporter le vin. On verra dans la suite que le jeune Cyrus s'attribuait le même mérite pour plaire aux Perses et pour paraître à leurs yeux plus digne du trône que son frère aîné.

[blocks in formation]

Malgré la décision de Darius, Xercès et Artabazane soumirent de nouveau leurs prétentions à l'arbitrage d'Artabaze,

leur oncle: il prononça en faveur de Xercès, et son frère, résigné, lui posa lui-même la couronne sur la tête.

Le nouveau roi confirma les priviléges accordés aux Juifs par ses prédécesseurs; il marcha contre les Égyptiens, soumit les rebelles, confia le commandement de l'Égypte à son frère Achéménès, et revint à Suze. Ce fut dans ce temps que naquit en Carie, dans la ville d'Halycarnasse, le célèbre Hérodote.

Xercès, héritant de la haine de son père contre les Athéniens, rassembla un grand conseil pour délibérer sur le projet qu'il avait conçu de porter ses armes au sein de la Grèce, et de faire construire un pont sur le Bosphore, afin d'y faire passer l'immense armée qu'il voulait commander lui-même.

Mardonius, dont les revers n'avaient point abattu l'orgueil, partagea l'opinion du roi, flatta sa vanité, et encouragea ses espérances, en disant que tous les Grecs réunis ne pouvaient opposer de résistance à de telles forces commandées par un si grand monarque.

Artabaze, oncle de Xercès, combattit cet avis de courtisan. « Rappelez-vous, dit-il à son neveu, les malheurs de la guerre « de Scythie je l'avais déconseillée; l'événement n'a que trop « justifié ma prévoyance. Vous formez une entreprise encore plus dangereuse; vous attaquez des peuples braves, in«<struits, disciplinés, forts par leur position, et plus redouta<«<bles encore par leur amour pour la liberté. Déjà les Athé<< niens seuls ont défait l'armée de Darius. Que ne devez-vous << pas craindre de tous les Grecs réunis! Vous voulez con<< struire un pont sur la mer; quelle témérité! Si les orages << renversent ce pont, si les Grecs viennent le brûler tandis « que vous serez dans leur pays; toute votre armée périra. Je « pense que vous devez renoncer à cette guerre; mais au << moins si vous persistez à la faire, restez au milieu de nous, << et chargez Mardonius seul de commander cette expédition « qui lui inspire tant de confiance. Je suis si persuadé des « malheurs qu'elle entrainera, que j'ose vous faire une de

<< mande formelle : ordonnez que Mardonius et moi nous lais<«<sions nos enfants ici; qu'on tue les miens si la guerre est <«< heureuse, et que les siens soient immolés si elle est suivie « du funeste résultat que je prédis.»>

Xercès, irrité de cette opposition, dit à Artabaze : « Si vous << n'étiez pas mon oncle, je vous donnerais sur-le-champ la «< mort: mais vous recevrez un autre châtiment; et, tandis « que j'irai me couvrir de gloire dans la Grèce, je vous laisse« rai ici parmi les femmes, à qui vous ressemblez par votre << lâcheté. >>

Le lendemain, honteux de son emportement, Xercès revit son oncle, et répara ses offenses par des excuses. Il rendit justice à la sagesse de ses conseils; mais il prétendit que son opiniâtreté pour la guerre venait de l'apparition d'un fantôme qu'il avait vu la nuit, et qui lui conseillait de persister dans cette entreprise. Artabaze employa tous les raisonnements de la philosophie pour lui prouver qu'on ne devait ajouter aucune foi aux songes mais le roi, convaincu de la vérité de sa vision, exigea de son oncle qu'il prît ses vêtements royaux, et qu'il passât la nuit dans son palais, à sa place et dans son lit. Artabaze, dit Hérodote, ayant obéi au roi, vit le même fantôme qui lui reprocha de s'opposer à cette expédition. Il cessa ses remontrances, et la guerre fut décidée.

C'est ainsi que le père de l'histoire adoptait et racontait des fables accréditées chez les Grecs, et qui entretenaient partout l'erreur et la superstition.

Xercès fit alliance avec les Carthaginois : ils promirent d'attaquer, avec leurs alliés, les Grecs en Sicile et en Italie; jamais un peuple moins nombreux ne fut exposé aux coups d'un plus terrible orage. Le roi de Perse, à la tête de toutes les nations de l'Orient, et les Carthaginois, suivis de celles de l'Occident, se précipitèrent à la fois sur la Grèce, et la menaçaient d'une entière destruction. La flotte de Darius avait péri en doublant le mont Athos. Le roi, voulant éviter un pareil désastre, ordonna qu'on perçât cette montagne, et lui écrivit en même

« PreviousContinue »