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nie et quelques autres provinces au-delà du Bosphore et de I'Hellespont. Séleucus posséda tout le reste de l'Asie jusqu'aux frontières des Indes. Son royaume prit le nom de royaume de Syrie, parce qu'il båtit dans cette province la ville d'Antioche, qui devint sa résidence et celle de ses successeurs; sa race s'appela Séleucide, et gouverna longtemps l'empire des Perses.

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Séleucus, jouissant du repos que lui donnait la paix, agrandit et embellit la ville qu'il avait bâtie sur l'Oronte, et qu'il nomma Antioche, par tendresse pour son père Antiochus et pour son fils qui portait le même nom. Elle devint la capitale de l'Orient. Il bâtit encore d'autres villes, savoir : Séleucie, dans le voisinage de Babylone, dont elle hâta la ruine; Apamée, du nom de sa femme, fille d'Artabaze, satrape de Perse; et Laodice, en mémoire de sa mère. Il accorda dans toutes ces villes beaucoup de priviléges aux Juifs, qui lui avaient donné de grands secours. Aussi modéré dans la prospérité que ferme dans le malheur, il eut la générosité de relever la fortune de Démétrius, qui, après avoir pris tant de villes, ne trouvait d'asile dans aucune. Athènes même, qui lui devait sa liberté, venait de lui fermer honteusement ses portes. Séleucus épousa Stratonice, fille de Démétrius, et se ligua avec lui contre Lysimaque pour donner quelque apanage à son beau-père.

Démétrius, loin de payer ce bienfait par une juste reconnaissance, abandonna bientôt son gendre. Ayant perdu sa femme Phila, sœur de Cassandre, il se raccommoda avec Ptolémée, et épousa sa fille Ptolémaïde.

Le roi d'Égypte lui céda, en faveur de cette alliance, Chypre, Tyr, Sidon et même la Cilicie; cette dernière province appartenait de droit à Séleucus, qui devint son ennemi.

Cassandre, le plus barbare des successeurs d'Alexandre, mourut alors d'hydropisie. Il laissait trois fils qu'il avait eus d'une sœur d'Alexandre, nommée Thessalonice.

L'aîné, Philippe, ne survécut pas longtemps à son père. Antipater, le second, voulait lui succéder; mais Thessalonice favorisait, à son préjudice, le troisième de ses fils, nommé Alexandre. Antipater, furieux de cette intrigue, assassina sa mère. Alexandre, voulant la venger, implora le secours de Pyrrhus, roi d'Epire, et de Démétrius, qui, après avoir perdu ses nouveaux états en Asie, était descendu dans la Grèce, avait pris Athènes et vaincu les Lacédémoniens.

Antipater perdit une bataille, et s'enfuit en Thrace, où il mourut. L'ingrat Alexandre, craignant ses protecteurs, voulut renvoyer Pyrrhus en Épire et se défaire de Démétrius ; celui-ci le prévint et le tua.

Ainsi toute la famille du conquérant de l'Asie périt de mort violente. Les Macédoniens placèrent Démétrius sur le trône; mais, peu satisfait de ce patrimoine d'Alexandre, il ne dissimula pas son projet de conquérir la Grèce et l'Orient. Il fut attaqué par Lysimaque et par Pyrrhus, qui le vainquirent si complétement, qu'il se vit obligé de se déguiser en soldat et d'échapper à la mort par la fuite.

On déclara Pyrrhus roi de Macédoine; il céda une partie de ce royaume à Lysimaque.

Démétrius, rentré en Asie, leva des troupes et fit quelques conquêtes. Séleucus le battit et s'empara de sa personne. Lysimaque exigeait sa mort; Séleucus lui conserva la vie. Mais, forcé de languir dans la captivité et de renoncer à toute ambition, il s'abandonna aux vices, et mourut dans la débauche à cinquante-quatre ans. La veille de sa chute, il se berçait encore des songes de la gloire : dépouillé de ses états et réduit à commander une poignée de soldats, il surveillait la confection d'un manteau magnifique où l'on avait brodé la carte de l'empire d'Alexandre, dont il méditait la conquête.

Son fils Antigone, plus heureux que lui, rassembla ses amis, leva des troupes, conquit la Macédoine, et y établit sa race, qui posséda ce royaume jusqu'au règne de Persée, que les Romains vainquirent et réduisirent en servitude.

Le bonheur dont jouissait Séleucus, et qu'il devait plus encore à ses vertus qu'à ses exploits, fut quelque temps troublé par un violent chagrin. Antiochus son fils, plongé dans une mélancolie profonde, s'acheminait lentement au tombeau. Personne ne pouvait expliquer le genre et la cause du mal qui le consumait. Le médecin Érasistrate, remarquant l'agitation qu'éprouvait le jeune prince lorsque la reine Stratonice, sa belle-mère, s'offrait à ses yeux, découvrit le secret de son cœur et de sa maladie; mais, aussi prudent que pénétrant, il usa d'une sage précaution pour communiquer sa découverte au roi, et lui dit que la femme de son médecin était l'objet de la passion d'Antiochus, et serait probablement la cause de sa mort. Séleucus, brûlant du désir de sauver son fils, offrit tous ses trésors à Érasistrate pour l'engager à répudier sa femme et à la céder au prince.

Le médecin, après avoir résisté quelque temps, découvrit par degrés au roi la vérité tout entière, en l'invitant à prendre pour lui-même le conseil qu'il lui avait donné.

Le roi, réduit à la nécessité de renoncer à sa femme ou de perdre son fils, sacrifia l'amour conjugal à l'amour paternel, rompit ses liens avec Stratonice, et lui permit d'épouser son fils.

Depuis la mort d'Alexandre, une amitié constante unissait Séleucus à Lysimaque. A l'âge de quatre-vingts ans, ils se brouillèrent et se déclarèrent la guerre. Séleucus reprit la ville de Sardes, dont Lysimaque s'était emparé, et lui livra ensuite bataille en Phrygie. Lysimaque fut vaincu et tué. Séleucus se rendit maître de ses états. Il restait ainsi le seul des capitaines d'Alexandre, et, comme il le disait lui-même, le vainqueur des vainqueurs. Il prit alors le titre de Nicator (victorieux). Six mois après, s'étant mis en route pour conquérir la Macédoine, il périt assassiné par Ptolémée Céraunus.

Séleucus régna vingt ans depuis la bataille d'Ipsus, et trente et un, si l'on date son règne de l'ère des Séleucides. On le regretta dans l'Orient qu'il avait conquis et pacifié. Les Athé

niens lui payèrent un juste tribut d'éloges. Loin de contribuer, comme ses collègues, à leur oppression, il leur avait renvoyé généreusement la bibliothèque dont Xercès s'était emparé.

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Lorsque Lysimaque périt en Phrygie, dans le combat que lui avait livré Séleucus, il laissa le trône de Thrace à ses fils et la régence à Arsinoé sa femme. Ptolémée Céraunus, chassé de son pays par les Égyptiens, était le frère d'Arsinoé. Il se réfugia en Thrace, où, conformément aux mœurs de l'Asie et de l'Afrique, il engagea sa sœur à l'épouser, promettant d'être le tuteur et l'appui de ses enfants; mais, après le mariage, il assassina les jeunes princes Lisymaque et Philippe, exila la reine en Samothrace, monta sur le trône, et, ainsi que nous l'avons rapporté, fit périr avec perfidie Séleucus, qui était entré en Thrace comme conquérant.

Tous ces crimes lui attirèrent bientôt un châtiment aussi imprévu que mérité.

La Gaule, trop peuplée, envoyait alors dans toute l'Europe des colonies guerrières qui cherchaient dans les pays les plus éloignés de nouvelles richesses, une nouvelle gloire et une nouvelle patrie. Les Gaulois entrèrent en Thrace. Céraunus voulut en vain les repousser; ils le battirent, le tuèrent, pillèrent le pays, passèrent l'Hellespont, entrèrent en Asie, où ils exercèrent beaucoup de brigandages, et contractèrent une alliance avec Nicomède, roi de Bithynie. Par ce traité, ils obtinrent la possession de cette partie de l'Asie-Mineure qu'on appela depuis Galatie.

Antiochus, en montant sur le trône de son père, se trouva forcé de soutenir la guerre en Thrace et en Asie contre les Gaulois, et en Macédoine contre Antigone, fils de Démétrius. Les Gaulois avaient fait une invasion dans ce royaume ; mais Sosthène les en chassa. Après quelques combats dont le succès resta indécis, Antiochus fit la paix, laissa la Macédoine à Anti

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gone, et lui fit épouser une fille qu'il avait eue de Stratonice, nommée Philo. Débarrassé de cette guerre, le roi de Syrie marcha contre les Gaulois qui dévastaient l'Asie. Il leur livra bataille, remporta sur eux une victoire complète, et en délivra le pays. Cette action glorieuse lui mérita le surnom de Soter ou Sauveur..

Dans ce temps, Pyrrhus entreprit la conquête de l'Italie. Il s'acquit d'abord une grande renommée par plusieurs victoires, mais il fut obligé de céder à la fortune des Romains. Il avait épouvanté l'Italie, tyrannisé la Sicile; et, semblable à la plupart des conquérants, qui ne savent point borner leur ambition, il perdit tout le fruit de ses exploits, et se vit obligé de rentrer en Épire. Un tel royaume était trop petit pour un si grand nom. Il attaqua Antigone, le battit, et lui enleva presque toute la Macédoine.

Les Lacédémoniens s'étant déclarés contre lui, il entra dans leur pays et fit le siége de Sparte; mais il y fut blessé, et ne put forcer les murailles d'une ville que défendaient de braves guerriers et de sages lois. Il s'en éloigna et marcha contre Argos. Cette expédition termina sa vie. En sortant de cette ville, ses troupes se trouvèrent pêle-mêle avec les Argiens dans une rue étroite; Pyrrhus s'étant attaché à combattre un jeune et vaillant Grec qui osait arrêter ses pas, la mère de ce jeune soldat, qui voyait avec désespoir le danger de son fils près de périr sous ses yeux, jeta, de la fenêtre où elle était, une forte tuile sur la tête du roi et le tua.

Ainsi, par un jeu du sort, la main d'une pauvre femme abattit ce héros, dont le nom, retentissant dans l'Asie et dans l'Europe, avait porté l'épouvante à Babylone, à Sparte et à Rome.

Antiochus Soter vit son règne troublé par les séditions. Un de ses généraux, nommé Philitère, se révolta en Lydie, et résista avec succès à son souverain. Son fils aîné forma une conjuration contre lui; le roi l'envoya au supplice. Il mourut luimême peu de temps après, et laissa le sceptre à un autre fils

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