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mécontentement du peuple qui s'était révolté : la mort fut le prix de son courage.

Le peuple la vengea, en massacrant son meurtrier. On força le roi à chasser Sosibe et à confier l'administration à Tlépolème, homme intègre, mais sans force et sans capacité.

Depuis ce moment, Ptolémée, bourreau de sa famille, méprisé par ses sujets, livra son royaume à des hommes corrompus, à des femmes sans pudeur; et, après avoir régné dix-sept ans, il mourut dans l'abrutissement et dans la débauche, laissant le trône à un fils d'Arsinoé, âgé de cinq ans.

L'éducation du jeune prince avait été confiée à une maîtresse du roi, nommée Agathoclée, à son frère Agathoclès et à Enante leur mère. Cette famille ambitieuse cacha quelques jours la mort du roi, et enleva du palais une grande quantité d'or et de bijoux. Agathoclès élevait ses prétentions plus haut. Aspirant à la régence, il prit dans ses bras le jeune prince, et versant des larmes, il demanda au conseil, aux courtisans, au peuple, leur protection pour cet enfant, que le roi mourant lui avait, disait-il, recommandé. Il assurait que sa vie était menacée, et que Tlépolème voulait s'emparer du trône. Cette fourberie ne trompa personne : le peuple indigné arracha le jeune roi des bras de l'imposteur, le porta dans l'Hippodrome, et le proclama. Agathoclès et ses complices furent amenés devant lui, condamnés en son nom et exécutés sous ses yeux. La populace traîna leurs cadavres sanglants dans les rues et les déchira en pièces. Leurs parents et leurs amis subirent le même sort.

Antiochus, roi de Syrie, et Philippe, roi de Macédoine, rompant l'alliance qu'ils avaient jurée avec les Egyptiens, voulurent profiter de la minorité de Ptolémée pour conquérir ses états et pour les partager. Les embarras que leur suscitèrent les Romains ne leur permirent pas de persister longtemps dans cette entreprise. Un général étolien, nommé Scopas, combattit avec succès les Syriens et les chassa de la Palestine et de la Célésyrie. Il fut moins heureux dans la campagne suivante. Scopas,

battu, assiégé dans Sidon, se vit réduit à signer une capitulation honteuse, et toute la Palestine rentra sous le joug d'Antiochus.

Les grands d'Egypte, mécontents du peu de capacité de Tlépolème, et ne pouvant s'accorder sur le choix d'un régent, s'adressèrent à Rome qui accorda sa protection au roi d'Egypte et donna la régence à un Acarnanien, homme de mérite, nommé Aristomène. Ce nouveau régent rétablit l'ordre dans le royaume et dans l'armée, développa dans son administration beaucoup d'habileté et de fermeté, profita de la division qui existait entre les ennemis de l'Egypte, repoussa leurs efforts, et négocia avec tant d'adresse, qu'Antiochus, qui avait d'autres guerres sur les bras et qui redoutait les Romains, donna sa fille Cléopâtre à Ptolémée, et lui céda, en faveur de ce mariage, la Palestine et la Phénicie.

Ptolémée, n'ayant fait aucune action mémorable, ne dut la gloire du commencement de son règne, et le surnom d'Épiphane qu'on lui donna, qu'aux talents d'Aristomène. Ce sage ministre entretint aussi des liaisons avec les Achéens qui formaient alors une ligue puissante dans la Grèce.

Le bonheur de l'Égypte cessa avec la minorité de Ptolémée. Ce monarque s'abandonna à tous les vices qui avaient déshonoré son père. Il épuisa son trésor, opprima ses sujets, et commit de tels excès que le peuple se révolta contre lui.

On répandit le bruit qu'il avait été tué dans une émeute. A cette nouvelle, Antiochus s'arma et marcha promptement pour s'emparer du trône; mais apprenant que le roi, secouru par la fermeté d'Aristomène, avait comprimé la révolte et puni de mort Scopas, chef de cette conjuration, il se retira dans ses états, se bornant à s'emparer d'une partie de la Palestine.

Ptolémée, moins touché des services d'Aristomène qu'importuné par sa vertu, voulut s'affranchir d'une gêne qui lui devenait insupportable; il le fit empoisonner. Délivré par ce crime de toute contrainte, il se livra aux plus honteux excès.

Ses désordres lui avaient enlevé tout moyen de faire la guerre, et cependant il voulait marcher contre Antiochus. Les grands lui demandèrent où il prendrait l'argent nécessaire pour les frais de cette expédition; il leur répondit : « Mes amis sont « mon trésor. » Cette réponse leur fit craindre qu'il ne les dépouillât de leur fortune, ils l'empoisonnèrent.

Ce monarque avait régné vingt-quatre ans. Il laissa deux fils, Ptolémée Philométor et Ptolémée Physcon, et une fille nommée Cléopâtre sous la tutelle de Cléopâtre, leur mère.

La reine Cléopâtre régna sagement et maintint la paix entre son frère Antiochus et son fils Ptolémée; mais elle ne vécut qu'un an, et le plus jeune de ses fils fut soupçonné d'avoir hâté sa mort. Le peuple furieux voulait l'exterminer; mais le jeune roi, que sa tendresse pour sa mère avait fait surnommer Philomelor, le prit sous sa protection et lui sauva la vie.

Dans ce temps, Antiochus Épiphane monta sur le trône de Syrie. Bientôt il revendiqua la possession de la Palestine, comme une partie des terres tombées en partage, après la mort d'Alexandre, à Séleucus Nicator. Ptolémée, qui était àgé de quinze ans et qui se dirigeait par les conseils de son gouverneur Eulée et par ceux du régent de l'Égypte nommé Léné, opposa aux prétentions de son oncle les droits de ses aïeux, une longue possession et l'abandon récent qu'Antiochus le Grand avait fait de ces provinces, en mariant sa fille Cléopâtre au feu roi d'Égypte.

Aucun des deux ne voulut céder; on se prépara de part et d'autre à la guerre. Cependant le jeune Ptolémée fut couronné, et Apollonius, ambassadeur d'Antiochus, vint en Égypte, moins pour assister à cette cérémonie que pour prendre des informations sur les projets et sur les moyens des Égyptiens.

Instruit de leur faiblesse, le roi de Syrie rassembla deux grandes armées de terre et de mer, et marcha rapidement jusqu'à Péluse, après avoir battu les troupes qui voulaient s'opposer à ses progrès; mais la saison était trop avancée ; et comme le bruit d'une révolte des Juifs l'inquiétait, il retourna à Tyr.

L'année suivante, il reparut, avec des forces plus considérables, sur les frontières d'Égypte, livra bataille à Ptolémée, le fit prisonnier, et marcha sans obstacle jusqu'à Memphis, dont il s'empara. Alexandrie résistait seule à ses armes. Antiochus affectait de prendre soin des intérêts du jeune roi, son neveu, et administrait les affaires comme son tuteur, mais, une fois maître du pays, il le livra au plus horrible pillage.

Pendant ce temps, le bruit de sa mort se répandit en Palestine. Jason vint à Jérusalem et y excita un soulèvement. Antiochus, apprenant ces nouvelles, sortit d'Égypte, marcha en Judée, prit Jérusalem, la livra au pillage, et tua quatrevingt mille hommes. Les habitants d'Alexandrie, profitant de son absence, couronnèrent Ptolémée Physcon. Alors Antiochus revint pour la troisième fois en Égypte, et s'approcha d'Alexandrie.

Physcon avait imploré le secours de Rome. Le sénat envoya des ambassadeurs pour réconcilier le roi de Syrie avec ses neveux. Antiochus, qui craignait une diversion dans son propre royaume, pensa que, sans achever sa conquête par la force, il pouvait se l'assurer par la ruse; en conséquence, il se déclara le protecteur de Philométor, et lui rendit toute la partie de l'Égypte qu'il avait conquise.

Par ce traité, le roi d'Égypte lui cédait la Palestine, la Célésyrie et la ville de Péluse qui était la clef du royaume. Antiochus laissa dans cette ville une forte garnison, et se retira en Palestine, persuadé que l'Égypte, déchirée par la guerre civile allumée entre les deux frères, dont l'un régnait à Memphis et l'autre à Alexandrie, s'affaiblirait de plus en plus, et ne pourrait lui échapper.

Les ministres des deux Ptolémée pénétrèrent ses projets, et les firent échouer. Ils déterminèrent les deux frères à poser les armes, à se réunir et à régner d'accord. Le traité eut lieu.

Dès qu'Antiochus fut informé de cet arrangement, il entra de nouveau en Égypte, ne dissimulant plus son ambition. Loin de paraitre soutenir l'un de ses neveux contre l'autre, il avoua

hautement le projet de s'emparer de tout le royaume. Vainqueur dans différents combats et maître de Memphis, il s'approchait d'Alexandrie, lorsque Popilius Léna, ambassadeur romain, vint l'arrêter dans sa marche et lui ordonna de renoncer à son entreprise. Le roi demandait du temps pour faire connaître ses intentions; mais Popilius, traçant un cercle autour de lui, déclara que Rome le regarderait comme son ennemi, s'il sortait de ce cercle avant d'avoir promis d'obéir. Cette insolence romaine eut un plein succès: Antiochus, attéré par une telle audace, et voyant déjà les Romains, vainqueurs de Persée et de la Grèce, prêts à fondre sur lui, promit de respecter les alliés du sénat, et sortit de l'Égypte avec son armée. Outré de cet affront, il déchargea sa colère sur les Juifs, auxquels il fit souffrir les plus horribles persécutions.

Les deux rois, délivrés par sa retraite, ne vécurent pas longtemps unis. Physcon, ambitieux, ingrat et cruel, conspira contre son frère; et Philométor, obligé de sortir d'Alexandrie, s'embarqua et courut à Rome implorer la protection du sénat. Il arriva dans cette capitale sans suite, sans argent, sans équipages, et logea chez un peintre d'Alexandrie.

Le sénat, touché du malheur dans lequel se trouvait un roi, son allié, maître naguère d'un puissant empire, l'accueillit avec intérêt, le traita magnifiquement, écouta ses plaintes, et, par un décret, fit un partage entre les deux frères, donnant à Physcon la Cyrénaïque et la Libye, et à Philométor l'Égypte, ainsi que tous les états qui en dépendaient.

Physcon se soumit aux ordres de la république : mais, après avoir obéi, il représenta aux Romains qu'il était traité trop inégalement, et demanda l'île de Chypre en indemnité.

Le sénat avait toujours fondé la grandeur romaine sur la division des rois étrangers; il ne se rendait leur arbitre que pour devenir leur maître. Conformément aux principes de cette politique, la demande de Physcon fut accueillie, et l'on ajouta Chypre à son partage.

Philométor n'obéit point à cet ordre du sénat, et les Ro

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