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de mourir en les défendant. Il y avait bien, dans l'objet de ce serment, quelque chose de peu convenable aux ministres d'une religion qui ne prêche d'autre liberté que celle des enfans de Dieu, d'autre sacrifice de la vie que pour sa loi. Mais dans une révolution qui n'a pour fin qu'une liberté sociale et réglée par les lois, pour le bien général et particulier, ce serait aussi, pour un citoyen, un grand tort de s'y refuser, et tout prêtre est citoyen comme les autres; on est citoyen avant même d'être chrétien. J'aurais bien voulu qu'on se bornât là sans exiger rien de plus, en permettant aux prêtres les restrictions consciencieuses, que l'Assemblée constituante ne voulut pas leur permettre, ce qui amena le schisme. Je disais aussi dans une de mes opinions imprimées «Par quel motif a-t-on » été si rigoureux sur la forme du serment dans la >> première assemblée ? J'ai quelque peine à le dé» mêler dans les principes que nous proclamons » et que nous garantissons de toute liberté dans » les cultes et dans les consciences; que tous » ceux-là, comme les autres, soient obligés de >> suivre nos lois, quand elles n'ont rien de con» traire à la loi de Dieu, nous avons droit de >> l'exiger; mais je suis convaincu que si, dans » l'Assemblée constituante, on avait seulement permis aux ecclésiastiques d'apporter à leur ser>>ment la restriction qu'ils demandaient pour les » droits de l'autorité spirituelle ( ce que l'Assemblée, elle-même, avait déclaré ne vouloir bles

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>> ser en aucune manière, par son décret du 21 » janvier 1792), les évêques même de l'ancien >> régime l'auraient prêté. »>

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Je parlais ainsi à la Convention nationale uniquement occupée à détruire le ministère, comme les ministres de la religion. Non contens de ce premier serment du 15 août 1792, ils firent ordonner par une autre loi, du 26 du même mois que tous les ecclésiastiques assujettis au serment du 26 décembre 1790 et à celui du 17 avril 1791, qui n'y auraient pas satisfait ou qui l'auraient rétracté, seraient bannis du territoire français. La même loi soumit à la dénonciation de citoyens, au nombre de six, tout ecclésiastique qui ne prêterait pas le même serment, en ordonnant la détention, au chef-lieu du département, des sexagénaires et des infirmes. Eh! dans quel temps ces lois cruelles furent-elles faites? Dans le temps où le roi prisonnier au Temple, la France était partout livrée à la rage des clubs, tous dirigés et inspirés par celui de Paris qui, à cette époque, les 2 et 3 septembre, se signalait par des massacres horribles qui auraient eu lieu partout, si les départemens n'eussent pas repoussé avec indignation les bourreaux que les jacobins de Paris avaient envoyés pour les provoquer.

C'est aussi à Paris, et dans ce même temps d'interrègne, que sous la direction despotique de Robespierre, il se forma, pour la Convention nationale, une députation dans laquelle il y avait

quelques hommes estimables, mais qui n'ont point empêché les maux opérés dans la Convention par des collègues inhumains. Tout plia bientôt sous leur pouvoir homicide. S'ils n'épargnèrent pas même leurs propres collègues, comment auraient-ils épargné les prêtres? On leur ôta d'abord leurs pensions réduites toutes à mille francs, dans le temps du papier-monnaie, et la persécution priva même le plus grand nombre de cette faible ressource. Après ces premières lois, on en fit deux autres plus féroces encore : l'une le 21 avril 1793, condamna à la déportation, à Cayenne, tous ceux des ecclésiastiques qui n'avaient pas prêté le serment de liberté et d'égalité, du 15 août 1792; ce qui en a fait périr beaucoup dans la cale des vaisseaux destinés, à Bordeaux, pour cette déplorable navigation : l'autre, de fructidor an III, exigeait le serment de haine à la royauté ce serment n'étant pas contraire à la loi de Dieu en tant que cette haine ne porte pas contre la personne même des rois, mais seulement contre la forme de leur gouvernement, fut prêté par plusieurs prêtres éclairés et pieux. Ces prêtres ont à se défendre aujourd'hui contre ceux des insermentés qui leur en faisaient des reproches.

J'ai cru devoir rappeler les dispositions de ces diverses lois contre les prêtres pour ne plus y revenir, après avoir fait observer que les deux partis, qui se combattaient dans la Convention, s'accordaient pourtant toujours contre les prêtres. Le

parti vaincu avait même des principes plus impies encore que le parti vainqueur, puisque Robespierre, comme on le verra, se prévalait contre les girondins, de leur athéisme, par son Être-suprême. La fameuse lettre du ministre Roland parle aussi du décret contre les prêtres, comme d'une que le roi avait tort de ne pas sanctionner.

loi

Après ces décrets contre les prêtres, l'Assemblée législative croyant s'être par-là délivrée de ses ennemis, chercha à se donner pour partisans et pour défenseurs, les gens de la campagne. La suppression du régime féodal les avait bien soulagés par l'exemption sans indemnité des banalités, des corvées, de la main-morte, là où elle était établie. On leur avait accordé le rachat pour les cens et redevances pécuniaires, mais dans une forme qui diminuait un peu le prix de ce bienfait : d'ailleurs, l'Assemblée constituante avait omis de leur faire restituer les biens communaux que l'édit d'avril de 1667 leur permettait de reprendre, sans formalité de justice, comme par droit de représailles contre l'usurpation que les seigneurs en avaient fait. Rien n'est donc plus convenable et plus équitable. L'Assemblée législative qui a réparé l'oubli de la Constituante, n'a fait qu'un acte de justice rigoureuse, en accordant les biens communaux aux habitans, dans les termes de la loi du 14 août 1792 que la Convention nationale a ensuite expliquéc et étendue en faveur des communcs, par sa loi du 10 juin 1793.

D'après ces deux lois, les biens communaux, au lieu d'appartenir aux seigneurs par les droits de leur directe ou de leur enclave, comme les parlemens, tous composés de seigneurs, l'avaient établi par leur jurisprudence, appartiennent aujourd'hui aux habitans par le seul droit de leur habitation. Cela était ainsi réglé par les lois féodales même, suivant lesquelles le seigneur ne devait compter que pour un seul, le plus distingué, il est vrai, dans l'usage de ces biens communaux. Les lois nouvelles n'ont donc rien ordonné de nouveau; elles n'ont fait que rétablir l'ancien droit que les seigneurs avaient fait disparaître par un abus sensible de la puissance féodale; car les états même de Blois avaient prescrit cette restitution, laquelle n'eut pas lieu, par la faiblesse des communes contre la force de leurs seigneurs. Pour y remédier Louis XIV voulut qu'elles se fissent justice elles-mêmes; mais son édit de 1667 ne fut pas mieux exécuté, parce que les cours souveraines, dont cet édit blessait les intérêts, en refusèrent, sans pudeur, l'enregistrement. Il n'a pas moins fallu qu'une révolution pour les leur arracher, ce qui fait en ce moment la prospérité des campagnes dans tout l'empire. C'était, en effet, un scandale que des terrains immenses demeurassent sans culture pour un gibier qui souvent dévorait la récolte des pauvres vassaux et les faisait quelquefois condamner aux galères, lorsqu'ils voulaient s'en défendre; tandis qu'aujourd'hui, ces biens communaux leur ayant

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