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çons; mais ils ne donnaient à aucun libraire le droit de les faire imprimer et de les vendre.

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Les droits qu'a un auteur, comme propriétaire, sur les ouvrages qu'il a publiés, consistant uniquement dans la faculté de les faire réimprimer en tout ou en partie, et d'en vendre des exemplaires, il s'en suit que le seul avantage qu'il soit interdit à chacun d'en retirer, est celui qui résulte de la réimpression et de la vente. Toute réimpression même partielle, d'un ouvrage sans le consentement de l'auteur, est donc une atteinte à sa propriété; il suffit que le fragment réimprimé et livré au public soit assez considérable pour avoir une valeur. Si, d'un côté, les droits de l'auteur ne doivent pas faire obstacle aux progrès de l'esprit humain, d'un autre côté, nul ne doit s'emparer de son travail pour s'en faire un moyen de s'enrichir.

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Un écrivain qui, pour donner de la valeur à un ouvrage de sa composition, y ferait entrer un fragment considérable d'un ouvrage appartenant à un autre, et qui, par ce moyen, diminuerait la valeur de celui-ci, se rendrait également coupable d'atteinte à la propriété, quelle que fût d'ailleurs l'importance relative de la partie qui lui serait propre. L'éditeur d'une encyclopédie, par exemple, qui s'emparerait d'un traité particulier appartenant à un autre écrivain, et qui, sans son aveu, y en ferait entrer la plus grande partie, se rendrait

coupable de contrefaçon. Si l'on jugeait qu'en pareil cas, la propriété n'est pas violée, un libraire pourrait englober dans un vaste dictionnaire des sciences et des arts, tous les traités particuliers qui appartiennent aux meilleurs écrivains (1).

L'insertion, dans une revue ou dans tout autre recueil périodique ou non périodique, de partie d'un ouvrage, est aussi une contrefaçon, si la partie qu'on a prise est assez considérable pour dispenser de la lecture de l'original. Les journaux sont autorisés, sans doute, à rendre compte des écrits nouveaux qui se publient chaque jour; mais il ne leur est pas permis de se les approprier, en paraissant n'en donner qu'une analyse (2).

Il n'est pas plus permis de contrefaire un ouvrage de peu d'étendue que d'en contrefaire un très-considérable; l'auteur d'une romance, d'une fable, peut faire respecter sa propriété, comme l'auteur d'un poème épique peut faire respecter la

(1) L'éditeur d'une encyclopédie anglaise y avait inséré une partie considérable d'un Traité de l'art de l'escrime (75 pages sur 118). Traduit en justice comme coupable de contrefaçon, il fut condamné. R. Godson's Practical treatise, b. III, ch. III, p. 233.

(2) Cette question s'est plusieurs fois présentée en Angleterre, et elle a toujours été résolue dans le même sens. R. Godson's Practical treatise, b. III, ch. IV, p. 246-247. — Jugement du 8 juin 1830, tribunal de la Seine; J.-B. Sirey, t. XXX, 2o part., p. 162.

sienne (1). Un article de journal appartient à celui qui en est l'auteur ou qui l'achète, au même titre qu'une encyclopédie appartient aux savans qui l'ont composée. Le journaliste qui ferait son journal avec des articles pris dans d'autres journaux, porterait done atteinte à leur propriété, et pourrait être poursuivi comme coupable de contrefaçon (2).

L'écrivain qui fait des notes sur ouvrage tombé dans le domaine public, a-t-il la propriété de ces notes, de telle manière que nul ne puisse les joindre, sans son aveu, à une autre édition du même ouvrage ? Cette question s'est présentée plusieurs fois devant les cours de justice d'Angleterre, et elle a été résolue en faveur des auteurs des notes (3). Il serait difficile de voir sur quoi l'on fonderait une décision contraire, à moins qu'on ne voulût interdire de faire des annotations sur

les ouvrages qui ont cessé d'être dans le domaine privé (4).

281.

(1) R. Godson's Practical treatise, b. III, ch. V, p. 280Joseph Chitty, Treatise on the laws of commerce and manufactures, vol. II, ch. XII, p. 241.

(2) Arrêt du 28 octobre 1830, Cour de cassation, section criminelle; J.-B. Sirey, t. XXXI, 1re part., p. 568.

(3) Joseph Chitty, Treatise on the laws of commerce and manufactures, vol. II, ch. XII, p. 242.-R. Godson's Practical treatise, b. III, ch. III, p, 242-245.

(4) La con trefaçon d'un ouvrage annoté ne donnerait lieu à

Mais si l'on ne peut, sans porter atteinte à la propriété, s'emparer de l'ouvrage d'autrui pour le vendre, rien n'est plus licite que de s'en servir pour répandre des lumières ou combattre des erreurs. Un écrivain qui ferait, par exemple, un abrégé d'une histoire, d'un voyage ou d'un traité publié par un autre, ne se rendrait pas coupable de contrefaçon, s'il se livrait à un véritable travail intellectuel; s'il résumait, dans un langage qui lui serait propre, les faits et les pensées de l'ouvrage principal. Un abrégé fait en conscience serait une propriété aussi inviolable que l'ouvrage sur lequel il aurait été fait. Mais on ne saurait considérer comme un abrégé la réduction d'un ouvrage à de moindres dimensions, si cette réduction était faite par la suppression d'un certain nombre de passages (1).

La traduction d'un écrit dans une autre langue n'a pas été considérée non plus comme une contrefaçon, quoiqu'elle puisse cependant diminuer la vente de l'ouvrage original. Le traducteur s'empare des faits, des observations, de la méthode

des dommages que pour la valeur des notes, si l'ouvrage était tombé dans le domaine public. -Arrêt du 4 septembre 1812, Cour de cassation. — J.-B. Sirey, t. XXI, 1re part., p. 266.

(1) R. Godson's Practical treatise, part. III, ch. III, p. 238– 240. — J. Chitty, Treatise on the laws of commerce and manufactures, vol. II, ch. XII, p. 242.

de l'auteur; mais il les rend dans un langage et dans un style qui lui sont propres. Sa traduction est donc sa propriété; mais cette propriété n'est pas un obstacle à ce que d'autres s'exercent sur le même sujet, et fassent des traductions nouvelles du même ouvrage (1).

L'écrivain qui traite un sujet ne ravit donc à personne la faculté de le traiter de son côté; cent écrivains peuvent écrire simultanément ou successivement sur l'histoire de France, sur la morale ou sur la physique; et quoique tous travaillent sur les mêmes documens, racontent les mêmes faits ou décrivent les mêmes phénomènes, aucun ne pourra se plaindre que les autres portent atteinte à sa propriété, si aucun ne copie l'ouvrage d'un

autre.

Il est cependant des sujets qu'il est impossible d'exposer de deux manières : tels sont des livres de calcul, des tables d'intérêts, des tables de logarithmes, des tables chronologiques, des almanachs, des dictionnaires, et certaines compilations. Celui qui le premier compose un ouvrage de ce genre, qui publie, par exemple, une table de logarithmes, enlève-t-il à toute autre personne le droit de faire un ouvrage pareil? Si chacun peut faire un ouvrage exactement semblable, n'en résultera-t-il

(1) Ibid, p. 241-243.

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