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qui verrait un de ses navires enlevé par

:

des cor

saires perdre sans retour la puissance de jouir et de disposer d'une chose, c'est, en effet, en perdre la propriété.

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CHAPITRE XXXIX.

De quelques lois particulières sur la jouissance et la disposition des propriétés, et sur la liberté d'industrie.

DANS presque tous les pays, on a donné des limites plus ou moins arbitraires à la faculté de jouir et de disposer des propriétés, et particulièrement de celles qui consistent en fonds de terre. Plusieurs de ces restrictions, nées sous le régime féodal, ont eu généralement pour objet de perpétuer la prééminence, dans la société, d'un certain nombre de familles privilégiées. Un grand nombre ont eu pour but ou pour prétexte de favoriser le développement de certaines productions, aux dépens de quelques autres. L'agriculture, comme les manufactures et le commerce, a eu son régime réglementaire, quoiqu'il n'ait pas été porté aussi loin; on a quelquefois interdit un certain genre de culture, afin d'en favoriser d'autres.

Il y a deux manières principales de disposer d'une propriété : une personne dispose de ses biens quand elle les transmet à une autre à titre de prêt, de vente, d'échange, de donation; elle en dis

pose encore, quand elle se borne à leur faire subir les modifications qui lui sont commandées par ses intérêts, par ses goûts ou même par ses caprices; quand elle convertit une forêt en terres de labour, ou qu'elle détruit un bâtiment pour jouir d'une vue plus étendue.

Il ne s'agit point ici des dispositions du premier genre; la faculté de disposer de ses propriétés par des aliénations, touche de si près aux intérêts et aux besoins des familles, et à toutes les questions relatives à la population, qu'il serait impossible d'en parler convenablement, avant que d'avoir traité des personnes et des rapports naturels qui existent entre elles. Les dispositions de propriété dont il est question dans ce chapitre, sont celles qui consistent dans les diverses modifications que chacun peut faire subir aux choses qui lui appartiennent, et dans les diverses manières d'en jouir.

J'ai déjà fait observer qu'il existe entre les propriétés et les propriétaires des rapports tellement intimes, qu'il est impossible de toucher aux unes sans atteindre les autres. On ne peut exercer un art, se livrer à un commerce, qu'en agissant sur des choses qui sont des propriétés; une loi qui interdit, par exemple, la culture de la vigne ou du tabac, semble n'affecter que les propriétés ; mais elle affecte en même temps une classe plus ou moins nombreuse de personnes; elle leur interdit l'exer

cice d'une industrie. Une loi qui défend l'exercice de la profession d'imprimeur, paraît d'abord n'atteindre que les personnes; mais elle affecte aussi les propriétés; elle empêche qu'elles ne deviennent le matériel d'une imprimerie. En interdisant aux hommes l'exercice innocent de leurs facultés, on les dépouillerait de leurs biens, car les choses n'ont de valeur que par l'action que nous exerçons sur elles. De même, en frappant toutes les propriétés d'interdiction, l'on condamnerait les hommes à mort, puisqu'ils ne peuvent se conserver que par elles. Il suit de là que toutes les lois qui affectent l'industrie, soit qu'elles lui donnent des entraves, soit qu'elles la rendent libre, affectent de la même manière les propriétés.

La liberté de disposer de ses propriétés et de se livrer à toute espèce d'industrie et de commerce, n'a été reconnue en France qu'après l'abolition du régime féodal. Par une loi du 2 mars 1791 (1), l'Assemblée constituante supprima les maîtrises, jurandes et tous les priviléges de profession, quelle qu'en fût la dénomination. Elle déclara, en conséquence, que toute personne était libre de faire tel négoce, de se livrer à telle profession, ou d'exercer tel métier qu'elle trouverait bon. Elle n'imposa d'autres conditions aux personnes qui vou

pas

(1) Promulguée le 17 du même mois.

draient profiter de cette liberté, que de se pourvoir d'une patente, c'est-à-dire de se soumettre au paiement d'un certain impôt. Du moment que cette loi fut devenue exécutoire, chacun eut donc la faculté d'engager ses propriétés dans telle branche d'industrie ou de commerce qu'il jugea devoir lui profiter.

L'Assemblée constituante crut n'avoir pas assez fait en abolissant les priviléges, et en rendant à chacun la faculté de disposer de ses biens, et d'exercer son industrie, de la manière la plus conforme à ses intérêts. Elle voulut prévenir le retour des abus qu'elle venait de supprimer, en empêchant les anciens privilégiés de se coaliser entre eux contre le public, et de rétablir, en fait, des monopoles qui ne pouvaient plus exister légalement. Par une seconde loi du 14 juin de la même année, sanctionnée le 17 du même mois, elle déclara que l'anéantissement de toutes les espèces de corporations de citoyens du même état et profession étant une des bases fondamentales de la constitution française, il était défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte et sous quelque forme que ce fût.

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Il fut, en conséquence, interdit aux citoyens d'un même état ou profession, aux entrepreneurs, à ceux qui avaient boutique ouverte, aux ouvriers et compagnons d'un art quelconque, de nommer, lorsqu'ils se trouveraient ensemble, ni présidens,

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