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rait être puni de peines qui n'étaient pas prononcées par la loi avant qu'il fût commis.

Ces dernières dispositions ont été textuellement reproduites dans le Code des délits et des peines de 1810, de sorte que, suivant les lois, nul ne devrait être puni pour avoir disposé de ses propriétés d'une manière conforme à ses intérêts, si d'ailleurs personne n'avait été lésé dans ses droits.

Depuis le commencement de la révolution jusqu'au renversement du gouvernement représentatif par la force armée, la constitution et les lois ont donc eu pour objet d'assurer à chacun le libre emploi de ses propriétés; mais, après l'établissement de l'empire, un grand nombre de décrets arbitraires ont rétabli une partie des monopoles ou des priviléges que l'Assemblée constituante avait abolis, et dont la Convention nationale avait voulu prévenir le retour, et il n'a plus été permis de consacrer ses propriétés à l'exploitation de certaines branches d'industrie ou de commerce (1).

Les monopoles établis arbitrairement des par décrets impériaux ont été soigneusement conser

(1) La Charte de 1830, comme celle de 1814, déclare que toutes les propriétés, sans exception, sont inviolables; mais il est souscntendu qu'on n'en fera point usage pour exercer une branche d'industrie ou de commerce, réduite en monopole; autrement il y aurait lieu à confiscation, malgré l'inviolabilité promise par la Charte.

été

vés par la restauration, et le gouvernement qui lui a succédé ne les a point abolis. Si les divers gouvernemens qui ont existé depuis 1800, n'ont pas toujours montré beaucoup de respect pour les lois et pour les propriétés, il est juste de dire qu'ils ont peu contrariés par les mœurs de la population. Hors quelques rares circonstances, les citoyens et leurs mandataires se sont résignés à l'arbitraire avec tant de facilité, qu'il aurait fallu, dans un gouvernement, pour s'en interdire l'usage, une prévoyance, un désintéressement et des lumières qu'on rencontre rarement dans les hommes qui ambitionnent l'exercice du pouvoir.

N'ayant pas à faire connaître, dans ce moment, les divers attentats dont les propriétés peuvent être l'objet, soit de la part des gouvernemens, soit de la part des particuliers, je n'ai pas à m'occuper des divers monopoles au moyen desquels les citoyens ont été dépouillés de la faculté d'employer leurs biens dans certaines branches de commerce ou d'industrie; il me suffit de faire observer que, partout où des monopoles existent, les propriétaires n'ont pas la libre disposition de leurs propriétés.

Il est si évident, en effet, que l'établissement de tout monopole est une atteinte à la propriété, que, pour rendre la plupart des terres et des capitaux sans valeur, il suffirait de multiplier les pri

viléges jusqu'à l'excès. Que feraient les propriétaires de leurs biens, sous un gouvernement qui réduirait successivement en monopoles, au profit d'un certain nombre de privilégiés, toutes les branches de l'industrie et du commerce, et jusqu'à la culture des terres?

CHAPITRE XL.

De la garantie des propriétés en général, et particulièrement contre les atteintes de l'extérieur.

EN recherchant comment se forment les choses auxquelles nous donnons le nom de propriétés, nous avons vu qu'en général on ne les crée qu'en s'emparant de certaines matières qu'on peut s'approprier sans porter atteinte aux moyens d'existence d'autres personnes; nous avons ensuite observé que l'industrie humaine, tantôt par ses seuls efforts, et tantôt en mettant à profit la puissance des lois de la nature, donne à ces matières les qualités que nous avons besoin d'y trouver pour nous en servir; nous avons vu, en outre, que chez les peuples très-avancés dans la civilisation, un nombre plus ou moins grand de personnes donnent de la valeur non-seulement à des objets matériels, mais encore à des établissemens d'industrie ou de commune, à des productions de l'esprit, et même à de simples signes; nous avons remarqué, de plus, que les choses qui sont le fondement de notre existence et que nous appelons des propriétés

ne reçoivent cette dénomination qu'autant qu'elles sont considérées dans leurs rapports avec les personnes dont elles doivent satisfaire les besoins et qui les ont produites ou légitimement acquises; enfin, nous avons vu qu'une des conditions de toute propriété est la puissance ou la faculté dans l'individu que nous appelons propriétaire, de jouir et de disposer de la chose qui lui appartient.

Il nous reste maintenant à observer comment la faculté de jouir et de disposer des choses que nous appelons des propriétés, est assurée aux personnes qui les ont formées ou légitimement acquises; nous avons à examiner quelle est la nature de cette garantie, d'où elle dérive, jusqu'où elle s'étend, et quels sont les sacrifices aux prix desquels on l'obtient; nous verrons ensuite quelle est l'influence qu'elle exerce sur l'accroissement, la conservation et la valeur des propriétés.

Garantir à une ou à plusieurs personnes la jouissance et la disposition d'une chose, ce n'est pas leur donner la faculté physique d'en jouir et d'en disposer; c'est tout simplement empêcher que d'autres personnes ne portent atteinte ou ne mettent obstacle à l'exercice de cette faculté. Ainsi, donner aux propriétés des garanties, c'est établir ou organiser des forces qui s'opposent à ce qu'un ou plusieurs individus s'attribuent des choses qui appartiennent à d'autres, ou les privent de la faculté

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