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garanties contre les attentats des empereurs ou de leurs ministres.

Il n'est pas rare cependant qu'un prince qui se considère comme le maître du pays et des hommes qu'il gouverne, défende les propriétés nationales contre les attaques qui viennent de l'étranger, si, à l'intérieur, son pouvoir n'est pas contesté; mais les forces dont il dispose pour sa défense, et qui, pour lui, sont une garantie, n'en sont pas une pour ses sujets; rien ne peut s'opposer, en effet, si tel est son bon plaisir ou celui de ses ministres, à ce que les places fortes, les arsenaux, les ports, la marine, et même les trésors de l'État ne soient livrés à l'étranger.

Les nations qui ont fait assez de progrès pour savoir se gouverner elles-mêmes, ne sont pas exposées à des dangers de ce genre; elles trouvent une garantie dans le choix qu'elles font directement ou indirectement des hommes chargés de la direction de leurs affaires, dans la surveillance continuelle qu'elles exercent ou font exercer sur eux, dans la faculté de les récompenser ou de les punir, et enfin dans toute leur organisation sociale.

On considère quelquefois comme une garantie des propriétés nationales, relativement à l'extérieur, la promesse de les respecter, faite par un gouvernement étranger ou par les chefs de ses ar

mées. Il n'est pas rare qu'une armée qui se dispose à envahir le territoire d'un peuple qu'elle considère comme ennemi, se fasse précéder par des proclamations dans lesquelles elle dit garantir les propriétés de tous les genres. Ces promesses sont un moyen de faire poser les armes à une partie de la population, et de détruire sans combat les résistances, c'est-à-dire de renverser les seules garanties efficaces. Elles ressemblent, sous quelques rapports, à ces déclarations que fait un prince qui veut affaiblir les obstacles qui s'opposent à son élévation, déclarations auxquelles on donne aussi le nom de garanties, et qui souvent ne sont, ni plus sincères, ni plus efficaces que les manifestes des armées d'invasion.

Quand ces promesses n'ont pas pour but et pour résultat de tromper les peuples auxquels elles sont faites, elles ne valent pas moins que rien; mais elles ne valent pas beaucoup plus. Une promesse n'est une véritable garantie que lorsqu'il existe au-dessus de celui qui l'a faite, un pouvoir ayant la force et la volonté de la faire exécuter. Elle est presque toujours illusoire, quand celui qui en est l'auteur, n'a au-dessus de lui ni supérieurs ni juges, ou lorsque ces supérieurs sont eux-mêmes intéressés à ce qu'elle ne soit pas exécutée. Tous les hommes, même ceux qui sont investis d'un grand pouvoir, sont, il est vrai, placés sous l'em

pire de leur conscience, mais nous sommes encore loin du temps où les nations où les nations pourront, dans leurs rapports mutuels, considérer comme une force invincible la conscience des hommes qui les gou

vernent.

Un des élémens essentiels de toute propriété, avons-nous dit, est la faculté, dans le propriétaire, de jouir et de disposer de la chose qui lui appartient. Une nation n'a donc réellement les prérogatives attachées à la qualité de propriétaire, que lorsqu'elle a la puissance de disposer ou de jouir des choses qui sont à elle. Ses propriétés ne lui sont pleinement garanties qu'autant qu'elle se gouverne elle-même; qu'elle détermine, par conséquent, l'emploi de ses biens, et qu'elle peut s'en faire rendre compte.

CHAPITRE XLI.

De quelques lois destinées à garantir les propriétés contre les atteintes de l'extérieur.

UNE 'nation, quelle que soit son organisation politique, ne saurait, sans se faire illusion, se flatter que jamais ses frontières ne seront franchies par une armée ennemie, et que, dans aucun temps, son territoire ne sera le théâtre de la guerre. Or, il n'arrive jamais qu'une armée campe en pays ennemi, et qu'elle s'abstienne de porter atteinte aux propriétés au milieu desquelles elle se trouve placée. Lors même qu'elle ne se permet aucune destruction inutile, et qu'elle est soumise à la discipline la plus sévère, elle exige que la population dont elle a envahi le territoire lui fournisse des subsistances ou des moyens de transport. Si elle n'attaque pas en détail les propriétés privées, elle les attaque en masse, en soumettant les propriétaires à des contributions. Quelquefois aussi l'intérêt de sa sûreté la détermine à ravager le pays, et à en faire disparaître les ressources que

l'armée nationale y trouverait, si elle parvenait à s'en rendre maîtresse.

Les charges de la guerre sont donc toujours infiniment plus pesantes pour les populations placées près des frontières, que pour celles qui sont placées au centre du territoire national. La sécurité de celles-ci est d'autant plus grande que celles-là montrent plus de courage, de désintéressement, de patriotisme, et qu'elles se résignent à plus de sacrifices. Si les habitans des frontières, pour mettre leurs propriétés à l'abri du pillage, et échapper aux calamités d'une invasion, consentaient à ouvrir un passage aux armées ennemies, et à ne pas les inquiéter, c'est surtout sur les habitans du centre que tomberait le poids de la guerre. C'est, en effet, parmi eux que siége ordinairement le gouvernement qui est l'âme de toutes les opérations militaires, et que se trouvent les grandes masses de richesses.

Cependant, il n'y a de véritable association entre les membres dont un peuple se compose, qu'autant que toutes les propriétés sont également garanties, et que les charges et les avantages de la société se répartissent d'une manière égale. Il faut que les bienfaits de la paix et les malheurs inséparables de la guerre se répandent également sur tous, autant du moins que la nature des choses le comporte. Mais si, par leur position, quelques

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