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ment parler, de société, ni par conséquent de garanties. Le gouvernement ne considère les atteintes portées aux propriétés qui se trouvent sur le théâtre de la guerre, que dans les rapports qu'elles ont avec ses intérêts. Il tient plus à ne pas déplaire à la population au milieu de laquelle il est placé, qu'à réparer les dommages qu'ont faits au loin des armées ennemies. Sa propre sécurité demande que les lieux dans lesquels il fait sa résidence, éprouvent, les derniers, et le plus tard possible, les calamités qu'il attire sur le pays, ou qu'il ne sait pas en écarter. Il trouve d'ailleurs qu'il y a moins de danger et de déshonneur à céder aux exigences d'un souverain étranger ou d'une armée ennemie, qu'à subir la loi que lui imposeraient les vœux et les intérêts de ses sujets. Il ne saurait admettre le principe de la garantie, sans admettre par cela même celui de la propriété, et sans reconnaître, par conséquent, que, sous son empire, chacun est maître de sa personne et de ses biens. Ce serait avouer qu'entre l'État et chacun de ses membres,

il

y a des obligations réciproques, et arriver ainsi au principe de la souveraineté nationale. Les gouvernemens absolus et ceux qui tendent à le devenir, ne doivent donc pas admettre que la société soit tenue de réparer les atteintes portées par une armée ennemie à des propriétés particulières.

Les peuples libres ne peuvent, au contraire,

se flatter de conserver leur indépendance et leur liberté, que par l'observation rigoureuse de ce principe. Il est impossible que les populations dont les propriétés sont les plus exposées au ravage de la guerre, fassent de grands efforts pour repousser l'ennemi, si ces efforts, utiles à la nation entière, ne doivent pas avoir pour elles d'autres résultats que la ruine et la misère. D'un autre côté, les populations dont les propriétés sont hors des atteintes de l'ennemi, et qui ne sont pas actuellement frappées par les calamités d'une invasion, ne peuvent pas mettre beaucoup d'énergie à défendre leur indépendance, si elles n'ont pas le sentiment actuel des maux que la guerre entraîne à sa suite. La défense ne peut être énergique et générale que lorsque chacun des coups portés à une partie du corps social, est immédiatement senti par le corps tout entier, et lorsque chacune des parties frappées est à l'instant secourue par celles qui ne le sont pas. Les lois qui garantissent les propriétés contre les atteintes dont elles peuvent être l'objet de la part d'une armée ennemie, et qui font un devoir au gouvernement de répartir, entre tous les membres de l'État, les dommages causés à quelques-unes, sont donc une condition aussi essentielle à la conservation de l'indépendance nationale qu'à la bonne administration de la justice.

Les dispositions de ces lois, qui déterminent les

bases sur lesquelles les indemnités doivent être établies, ont principalement pour objet de prévenir l'arbitraire dans les évaluations. Ces bases varient comme la nature des propriétés; mais, en général, elles sont prises dans les lois faites pour déterminer la quotité de l'impôt que chacun doit payer en raison de son revenu. S'il s'agit d'indemniser des fermiers pour leurs frais d'exploitation et de semence, l'indemnité ne peut excéder l'évaluation du revenu net de l'héritage affermé, tel qu'il est porté sur les matrices du rôle. La valeur des maisons des villes, des fabriques, manufactures et moulins, doit être déterminée, ainsi qu'on l'a vu, d'après les bases établies par la loi du 23 novembre 1790, relative à la contribution foncière (1). Les meubles meublans ne peuvent être évalués à une somme qui excède le double du revenu net, sans qu'elle puisse jamais s'élever au-dessus de deux mille francs. Quant aux autres objets, la valeur en est fixée suivant les règles tracées par le décret du 14 août 1793.

Les autorités appelées par ce dernier décret et par celui du 6 frimaire an II (26 novembre 1793),

(1) Voici quelques-unes des dispositions de la loi du 23 novembre 1790 :

« Le revenu net d'une terre est ce qui reste à son propriétaire, déduction faite, sur le produit brut, des frais de culture, semences, récolte et entretien. » Art. 2, tit. I.

« Pour déterminer la cote des contributions des maisons, il

à concourir à la fixation provisoire des indemnités dues aux personnes dont les propriétés seraient pillées ou dévastées, étaient les commissaires du gouvernement, les commissaires nommés par les administrations de district, et les conseils des communes; c'est à la puissance législative qu'appartenait et qu'appartient encore la fixation définitive. Les administrations de district ayant été supprimées, doivent être remplacées, pour la nomination des commissaires, par les conseils d'arrondissement. Elles ne doivent pas l'être par les sous-préfets, puisque le gouvernement aurait une double nomination de commissaires.

sera déduit un quart sur leur revenu, en considération du dépérissement, des frais d'entretien et de réparations. » Art. 10, tit. II.

« Les fabriques et manufactures, les forges, moulins et autres usines, seront cotisés à raison des deux tiers de leur valeur locative, en considération du dépérissement, et des frais d'entretien et de réparations qu'exigent ces objets.» Art. 14, tit. II.

CHAPITRE XLII.

De la garantie des propriétés de tous les genres, contre les atteintes du gouvernement et de ses agens.

:

Les propriétés nationales peuvent recevoir des atteintes de la part de deux classes de personnes de l'intérieur de la part des hommes auxquels la garde ou l'admistration en sont confiées, et de la part de simples particuliers. Il faut donc, pour qu'elles soient garanties, qu'il existe dans l'État une puissance qui prévienne ou réprime les atteintes qui peuvent être commises par les uns et par les autres, et qui ne soit pas disposée à devenir leur complice. Or, cette puissance ne peut pas être distincte de celle des propriétaires, c'est-à-dire de la nation elle-même, qui l'exerce par des délégués qu'elle choisit, ou qu'elle donne mission de choisir.

Une nation manque donc de garanties, relativement à ses propriétés, toutes les fois qu'elle est sans influence sur la nomination des fonctionnaires qui en ont la garde ou l'administration, et qu'elle ne peut ni déterminer l'emploi des choses qui lui

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