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senti par les délégués de ceux qui doivent le payer; il faut, en troisième lieu, que les hommes qui votent les impôts, ne soient pas autorités à se les partager; il faut enfin que les fonctionnaires auxquels l'exécution des lois est confiée, et qui sont dépositaires d'une part des propriétés nationales, soient responsables, envers le public, de l'usage qu'ils ont fait de leurs pouvoirs, et que, par conséquent ils puissent être poursuivis au nom de la nation à laquelle ils ont à rendre compte.

Enfin, la troisième condition nécessaire à l'existence de la garantie, est que toute personne qui se croit lésée dans ses biens par des dépositaires du pouvoir, quel que soit leur rang, puisse les traduire devant un tribunal intègre, éclairé, indépendant. Un tribunal dont tous les membres auraient été choisis par une des parties intéressées, et qui attendraient d'elle leur avancement et leur fortune, ne serait pas toujours, pour l'autre partie, une garantie bien sûre (1).

En Angleterre, où les juges sont nommés par le Roi, de même qu'en France, on croirait qu'il

(1) Quand Bonaparte s'empara du pouvoir, il inséra dans sa constitution une disposition qui défendait de traduire en justice un agent du gouvernement, à moins que la poursuite n'eût été autorisée par le Conseil-d'État. Cette disposition, que la restauration conserva, et qui n'a pas encore été abrogée, suffirait pour rendre illusoires toutes les garanties.

n'existe aucune garantie, soit pour les personnes, soit pour les propriétés, si ces délégués de la couronne étaient appelés à prononcer sur les questions qui s'élèvent entre les particuliers et le gouvernement; cependant, ces juges sont réellement

inamovibles; pour eux, il n'y a pas d'avancement

possible. En France, nous pensons ou du moins nous agissons différemment; c'est aux hommes que le monarque a choisis et qui attendent de lui leur avancement et leur fortune, qu'est dévolu le jugement de tous les procès qui peuvent exister entre lui et les citoyens. Cette manière de procéder est, sans doute, une garantie pour le prince; mais elle n'en est pas une pour les personnes auxquelles il fait intenter des procès par ses délégués.

CHAPITRE XLIII.

De la garantie des propriétés de tous les genres, contre les atteintes des particuliers.

Les atteintes portées aux propriétés privées, communales ou publiques, par des particuliers, sont celles que les gouvernemens répriment le plus volontiers, parce qu'elles leur sont rarement profitables, et que presque toujours elles leur sont funestes. Les garanties données aux propriétés de tous les genres, contre les atteintes des personnes qui n'exercent aucune fonction publique, sont donc les moins imparfaites. Quand elles sont faibles ou inefficaces, il faut en accuser non les intentions des hommes qui gouvernent, mais leur incapacité.

On doit remarquer ici que toutes les fois qu'il s'agit de prévenir ou de réprimer les atteintes portées à la propriété par de simples particuliers, il n'est plus nécessaire de distinguer les propriétés nationales ou communales, des propriétés privées; la puissance, qui est une garantie pour celles-ci,

peut être une garantie pour celles-là. Aussi, dans la pratique, l'homme accusé d'avoir attenté aux propriétés d'une commune ou à celles de l'État, est-il traduit devant les mêmes juges, et soumis aux mêmes peines que s'il avait porté atteinte à des propriétés privées. Nous n'avons donc pas besoin de nous occuper désormais des distinctions faites dans les deux derniers chapitres.

Les propriétés peuvent être attaquées clandestinement et par des moyens frauduleux, ou à force ouverte, par des hommes qui se sont coalisés pour le pillage ou la spoliation. Elles peuvent aussi recevoir des atteintes de la part des personnes qui ne veulent pas affronter les lois pénales, et qui ne cherchent à s'approprier le bien d'autrui, qu'au moyen des imperfections inséparables de toutes les institutions humaines. Les premières de ces atteintes sont du ressort de la justice criminelle; les secondes sont du ressort de la justice civile.

La garantie la plus sûre contre les atteintes qui peuvent être portées à la propriété, à force ouverte et par des attroupemens, est l'organisation armée de tous les propriétaires. Lorsque tous les hommes qui n'existent qu'au moyen de leurs propriétés ou de leur industrie, sont armés et organisés, et qu'ils sont commandés par des officiers de leur choix, les propriétés ne peuvent courir un véritable danger, à moins que les propriétaires ne se divisent.

La force destinée à les garantir se trouve toujours là où le besoin s'en fait sentir; on ne peut ni la séduire, ni la surprendre, ni la détourner de sa véritable destination. Les attentats commis ouvertement et au grand jour contre les propriétés, chez des nations où chacun possède quelque chose, ont, au reste, si peu de chances de succès, qu'ils sont devenus presque impossibles. Dans un moment de disette, une population affamée peut tenter de s'emparer ouvertement des subsistances qui sont à sa portée; mais ces atteintes sont toujours très-circonscrites, quant aux choses qui en sont l'objet, et aux circonstances ou aux lieux dans lesquels elles sont faites.

Les garanties contre les atteintes cachées sont de deux espèces: les unes préviennent le mal ou l'arrêtent avant qu'il soit entièrement consommé ; les autres le répriment par le châtiment des coupables, ce qui est aussi une manière de le prévenir. On établit les premières en instituant des officiers qui veillent à la garde des propriétés, et qui arrêtent les malfaiteurs à l'instant même où leurs mauvais desseins se manifestent. En France, les gardes qui surveillent les propriétés rurales, les gendarmes qui parcourent les grandes routes, les factionnaires qu'on place sur certains points dans les grandes villes, sont des garanties de la première espèce.

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