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gradations de la chose à laquelle elle aurait été jointe.

Si de deux choses unies pour former un seul tout, l'une ne peut point être regardée comme l'accessoire de l'autre, celle-là est réputée principale qui est la plus considérable en valeur, ou en volume, si les valeurs sont à peu près égales.

Si un artisan ou une personne quelconque a employé une matière qui ne lui appartenait pas, à former une chose d'une nouvelle espèce, soit que la matière puisse ou non reprendre sa première forme, celui qui en était le propriétaire a le droit de réclamer ce qui en a été formé, en remboursant le prix de la main-d'œuvre. Cependant, si la main-d'œuvre était tellement importante, qu'elle surpassât de beaucoup la valeur de la matière employée, l'industrie serait alors réputée la partie principale, et l'ouvrier aurait le droit de retenir la chose travaillée, en remboursant le prix de la matière au propriétaire.

Lorsqu'une personne a employé en partie la matière qui lui appartenait, et en partie celle qui ne lui appartenait pas, à former une chose d'une espèce nouvelle, sans que ni l'une ni l'autre des deux matières soient entièrement détruites, mais de manière qu'elles ne puissent pas se séparer sans inconvénient, la chose est commune aux deux propriétaires, en raison, quant à l'un, de la matière

qui lui appartenait ; quant à l'autre, en raison à la fois de la matière qui lui appartenait, et du prix de sa main-d'œuvre.

Lorsqu'une chose a été formée par le mélange de plusieurs matières appartenant à différens propriétaires, mais dont aucune ne peut être regardée comme la matière principale, si les matières peuvent être séparées, celui à l'insu duquel les matières ont été mélangées, peut en demander la division. Si les matières ne peuvent plus être séparées sans inconvénient, ils en acquièrent en commun la propriété dans la proportion de la quantité, de la qualité et de la valeur des matières appartenant à chacun d'eux. Si la matière appartenant à un des propriétaires, était de beaucoup supérieure à l'autre par la quantité et le prix, le propriétaire de la matière supérieure en valeur pourrait réclamer la chose provenant du mélange, en remboursant à l'autre la valeur de sa matière. Lorsque la chose reste en commun entre les propriétaires des matières dont elle a été formée, elle doit être licitée au profit commun.

Dans tous les cas, où le propriétaire de la matière qui a été employée à son insu à former une chose d'une autre espèce, peut réclamer la propriété de cette chose, il a le choix de demander la restitution de sa matière en même nature, quantité, poids, mesure et bonté ou valeur.

Ceux qui ont employé des matières appartenant à d'autres, et à leur insu, peuvent aussi être condamnés à des dommages-intérêts, s'il y a lieu, sans préjudice de poursuites extraordinaires, s'ils se sont rendus coupables de quelque délit.

lors

On a vu, dans le chapitre précédent, que qu'il s'agit de choses immobilières, le Code civil distingue le possesseur de bonne foi de celui qui n'est pas de bonne foi, dans le sens légal. Nous ne trouvons pas ici la même distinction: la position de celui qui fait usage de la matière d'autrui pour composer une chose nouvelle, sachant que cette matière ne lui appartient pas, n'est pas plus mauvaise, si, d'ailleurs, il n'a commis aucun délit, qu'elle ne le serait s'il avait cru être propriétaire de la matière dont il a fait usage. Dans les deux cas, il doit payer la valeur de la matière dont il s'est servi et payer les dommages-intérêts qu'il a causés; mais il ne doit rien au-delà. S'il a commis un délit, il doit en être puni, soit par une amende, soit autrement; mais sa bonne foi ne peut nuire, ni sa mauvaise foi profiter au propriétaire de la

matière.

Dans l'examen des questions qui peuvent naître de l'union de plusieurs choses appartenant à différens maîtres, ou du travail exercé par une personne sur une matière qui appartient à une autre, il est quelques principes qu'il faut ne jamais perdre

de vue, si l'on ne veut pas courir le risque de s'égarer.

Il faut, par exemple, ne jamais oublier que toute personne est propriétaire de la valeur à laquelle elle donne naissance, ou qu'elle a régulièrement reçue de la part du propriétaire pour en jouir et en disposer; que, si des choses appartenant à différens maîtres ont été unies pour n'en former qu'une seule, sans le concours de leurs volontés, et si elles peuvent être séparées, sans qu'il en résulte aucune destruction de valeur pour personne, il faut rendre à chacun ce qui lui appartient; que si elles ne peuvent être séparées sans qu'il en résulte une destruction de valeur, il faut, en général, adjuger la chose à celui qui l'a formée, comme étant celui à qui elle convient le mieux, ou du moins à celui qui, pour avoir la chose, a le moins à payer à l'autre ; que, dans aucun cas, il ne faut ordonner une destruction de valeur, qui ne serait pas suivie d'un avantage au moins équivalent; que celui qui a commis un délit doit en porter la peine, mais que nul ne doit s'enrichir aux dépens d'un autre, ou être appauvri par le fait d'autrui.

CHAPITRE LI.

Des diverses manières dont une propriété peut être partagée.

UNE propriété peut devenir commune à plusieurs personnes par suite d'une multitude de circonstances: il ne s'agit pas ici de savoir quels sont les événemens qui peuvent la rendre commune; il s'agit seulement d'observer comment elle peut être divisée ou démembrée, et de déterminer les suites naturelles que doit avoir la division.

Un des principaux élémens de toute propriété est la puissance qu'elle a de nous procurer certaines jouissances, de satisfaire quelques uns de nos besoins: c'est par là qu'elle est surtout appréciée. Or il n'est aucun genre d'utilité qui ne puisse être commun à plusieurs personnes, et qui ne soit susceptible d'être divisé entre elles.

Une chose qu'on ne saurait partager matériellement, sans en détruire presque entièrement la valeur, telle qu'un cheval, une montre, une statue ou un tableau, peut cependant être commune à plusieurs personnes, et, dans la pratique, rien n'est plus facile que de s'en partager les avantages.

Pour déterminer les diverses manières dont une

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