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de jouissance prend le nom de droit d'habitation, quand il s'applique à une maison, et le nom d'usage, quand il s'applique à tout autre immeuble.

Les droits d'usage et d'habitation s'établissent et s'éteignent de la même manière que l'usufruit. Les personnes auxquelles ils appartiennent sont tenues, comme les usufruitiers, avant d'entrer en jouissance, de donner caution, et de faire des états et inventaires. L'étendue de ces droits est déterminée par le titre même qui les a établis, c'est-àdire par la volonté des parties.

Si le titre constitutif n'en détermine pas l'étendue, et n'en fixe pas les conditions, ils sont réglés ainsi qu'il suit : celui qui a l'usage des fruits d'un fonds ne peut en exiger qu'autant qu'il lui en faut pour ses besoins et ceux de sa famille; il peut en exiger pour les besoins des enfans qui lui sont survenus depuis la concession de l'usage.

Celui qui a un droit d'habitation dans une maison, peut y demeurer avec sa famille, quand même il n'aurait pas été marié à l'époque où le droit a été constitué; mais aussi il ne peut rien exiger au-delà de ce que demandent les besoins de sa famille. Si l'usager absorbe tous les fruits du fonds, ou s'il occupe la totalité de la maison, il est assujéti aux frais de culture, aux réparations d'entretien, et au paiement des contributions, comme l'usufruitier. S'il ne prend qu'une partie

des fruits, ou s'il n'occupe qu'une partie de la maison, il contribue au prorata de ce dont il jouit.

L'usager et celui qui a un droit d'habitation, doivent jouir en bons pères de famille; ils ne peuvent ni céder ni louer leurs droits.

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CHAPITRE LII.

Du démembrement d'une propriété, pour le service ou l'utilité d'une autre propriété.

Si l'on peut démembrer ou partager un immeuble, de manière qu'une personne en ait la jouissance pendant un temps déterminé, et qu'à l'expiration de ce temps, une autre personne en ait la jouissance et la disposition perpétuelles, on peut la démembrer aussi dans la vue d'augmenter la valeur ou l'utilité d'un autre immeuble appartenant à un maître différent. Un propriétaire, par exemple, peut renoncer à élever aucun bâtiment sur son terrain, ou à y planter des arbres, afin de conserver une belle vue à une propriété voisine; il peut accorder un passage sur son champ pour service d'un autre champ; on donne le droit d'y faire passer un cours d'eau pour arroser d'autres propriétés.

le

Lorsqu'une propriété immobilière est ainsi démembrée pour le service ou l'utilité d'une autre propriété de même genre, appartenant à une autre

personne, on donne le nom de servitude à la charge qui pèse sur la première; l'héritage auquel la servitude est due, prend le nom d'héritage dominant; celui qui la doit, prend le nom d'héritage servant.

Les auteurs du Code civil ont distingué trois genres de servitudes : celles qui dérivent de la situation naturelle des lieux; celles qui sont établies par des dispositions législatives, et celles qui sont établies par le fait ou la volonté des propriétaires.

Ils mettent dans la première classe l'assujettissement des fonds inférieurs envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement, sans que la main de l'homme y ait contribué. Ils déclarent, en conséquence, que le propriétaire inférieur ne peut élever aucune digue qui empêche cet écoulement, et que le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui le rende onéreux.

S'il est vrai, comme le Code civil le déclare, qu'une servitude soit une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire, on n'est peutêtre pas très-fondé à mettre au rang des servitudes l'obligation dans laquelle se trouve le propriétaire d'un fonds, de laisser couler l'eau qui descend des lieux supérieurs, à moins qu'on ne mette en principe que c'est dans l'intérêt d'une certaine classe de propriétés que les lois de la gravitation ont été faites. Nous voyons ici la défense

faite aux propriétaires de certains fonds de se causer mutuellement aucun dommage: il est interdit aux uns de nuire aux propriétaires inférieurs, en rendant plus malfaisante l'eau qui coule de leurs héritages; il est interdit aux autres de nuire aux propriétés supérieures, en mettant des obstacles à cet écoulement. Mais cette réciprocité d'obligations, qui tend à conserver à chacun la pleine jouissance et la libre disposition des choses qui lui appartiennent, constitue-t-elle, à proprement parler, une double servitude? Y a-t-il des propriétés démembrées pour leur usage ou leur utilité réciproques? Les obligations qui sont des conséquences nécessaires de la nature des choses, doivent-elles être mises au rang des servitudes? je ne saurais le penser.

Le droit qu'on reconnaît à un propriétaire d'u– ser à sa volonté de la source qu'il a dans son héritage, celui de se servir de l'eau courante qui le borde ou le traverse, ne sont pas non plus des servitudes. Quand une chose est commune à plusieurs personnes, comme les chemins publics et les cours d'eau, l'usage qui appartient à chacune d'elles, n'est pas une servitudes pour les autres. Le droit de clore son héritage, que le Code civil a mis également parmi les servitudes qui dérivent de la situation des lieux, n'est pas plus une servitude que le droit de fermer la porte de sa maison. L'obligation réciproque de concourir au

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