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tions auxquelles les servitudes peuvent donner naissance, il suffit d'en bien connaître la nature et l'objet ; il ne faut que se rappeler qu'une servitude n'est que le démembrement d'une propriété immobilière, pour le service ou l'utilité d'une autre propriété du même genre. Tout propriétaire qui établit une charge sur son héritage, pour le service ou l'utilité d'un héritage appartenant à une autre personne, aliène, par cela même, une fraction de sa propriété ; il abandonne, en partie, le droit d'en jouir ou celui d'en disposer. La part de propriété dont il se dépouille, devient une partie intégrante de l'héritage pour le service ou l'utilité duquel l'aliénation est faite; celui-ci s'accroît de tout ce qui est perdu par celui-là.

De là résultent les droits et les obligations réciproques des propriétaires des deux héritages. Pour déterminer l'étendue de ces droits et de ces obligations, il n'y a pas d'autres règles à suivre que celles qui servent à résoudre toutes les questions de propriété. Chacun des deux propriétaires paie les frais d'entretien qu'exige la chose qui lui appartient; chacun jouit et dispose comme il l'entend de sa propriété, pourvu qu'il ne porte aucune atteinte à celle de son voisin. La servitude étant une fraction ou un démembrement de la propriété sur laquelle elle est établie, s'éteint lorsque cette propriété périt la partie ne saurait exister quand le

tout est anéanti. Ayant uniquement pour objet le service ou l'utilité d'un autre fonds, elle s'éteint également quand un fonds n'existe plus; car il n'y a pas de service à rendre à ce qui n'a plus d'existence. Pouvant être créée par les moyens à l'aide desquels une propriété se transmet d'une personne à une autre, elle peut être abolie par les mêmes

moyens.

Les démembremens de propriété, qui ont pour objet de créer des servitudes, ayant généralement lieu par l'effet de la volonté des propriétaires, il s'ensuit que la plupart des questions auxquelles les servitudes donnent naissance, ne peuvent être résolues que par une bonne interprétation des actes qui les ont établies. Il faut donc s'en rapporter, à cet égard, aux règles suivies pour l'interprétation des conventions ou des autres actes au moyen desquels les propriétés se transmettent d'une personne à une autre.

CHAPITRE LIII.

De la classification des propriétés, ou de la distinction des biens.

AYANT Vu quels sont les élémens dont les propriétés sont généralement composées, et quelles sont les diverses manières dont elles peuvent être partagées, il reste à examiner comment elles doivent être classés, et comment elles l'ont été, soit par les jurisconsultes, soit par les législateurs.

Il n'existe dans la nature que des individus; ies espèces, les genres, ne sont que des conceptions de notre esprit ce sont des méthodes au moyen desquelles nous rendons nos études plus faciles, et donnons à notre langage plus de préci→ sion et de généralité.

En désignant par un seul mot tous les individus entre lesquels il existe un grand nombre de points de ressemblance, ou des qualités communes, nous pouvons donner à nos affirmations et à nos raisonnemens une généralité qui serait impossible sans l'emploi de ce moyen.

Si l'on ne divisait pas en espèces et en genres les individus qui existent dans la nature, il n'y aurait des de science possible; on ne connaîtrait que pas faits individuels dont on ne saurait tirer aucune conclusion générale.

Mais quel peut être, dans la science de la législation, l'objet des classifications ou de la division en diverses espèces, des choses ou des personnes? Est-il de faciliter l'observation de toutes les qualités particulières qui se trouvent dans les personnes ou les choses, qu'on divise en plusieurs classes? Non, sans doute : si l'on classait les propriétés par les différences ou par les points de ressemblance qui existent entre elles, on formerait un nombre infini de genres et d'espèces, et ces divisions ne seraient d'aucune utilité.

L'objet pour lequel on divise, en législation, les choses ou les personnes en diverses classes, est de soumettre à certaines règles ou à certaines dispositions législatives, les choses, les personnes ou les actions qui ont un certain nombre de points de ressemblance : c'est ainsi, par exemple, qu'on divise en genres et en espèces les actions punissables, afin de soumettre aux mêmes peines, les personnes qui les commettent; c'est encore ainsi qu'on divise les personnes en diverses classes, afin de pouvoir soumettre les unes à des règles qui ne conviendraient pas pour les autres.

Il ne suffit pas, pour former une classe particulière de propriétés, qu'elles soient l'objet d'une disposition spéciale d'une loi; car, si cela suffisait, il faudrait faire un nombre immense de divisions. Il n'est, en effet, presque aucun objet propre à satisfaire quelqu'un de nos besoins, sur lequel la puissance législative n'ait cru devoir prendre quelque mesure. On a fait des lois sur les forêts, sur les mines, sur les vignes, sur les boissons, sur les tabacs, sur le salpêtre, sur la poudre à canon, et sur une multitude d'autres choses. On ferait cependant une très-mauvaise classification dans un code de lois, ou dans un traité général de législation, si l'on disait que les propriétés immobilières se divisent en vignes, en forêts, en mines, en champs ou en prairies.

Il y a deux manières de considérer les choses auxquelles nous donnons le nom de propriétés, en elles-mêmes ou dans leur nature, et dans les rapports qu'elles ont avec une certaine classe de personnes. Si nous les considérons en elles-mêmes, nous n'avons pas à nous occuper de tous les points par lesquels elles se ressemblent, et de ceux par où elles different; il nous suffit d'observer les qualités qui influent sur l'ensemble de la législation. Nous devons négliger les autres, même lorsqu'elles ont été l'objet de lois spéciales.

La manière dont il convient de classer les

pro

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