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que

de faciliter le développement de nos organes physiques ou intellectuels, de les rendre plus propres, par exemple, à exécuter certaines opérations, ne pourrait, à plus forte raison, être l'objet d'un privilége. Les produits d'une telle méthode, en la supposant efficace, seraient des hommes plus habiles, plus ingénieux, plus adroits ou plus forts, et de tels produits ne peuvent être ni vendus, ni échangés. Dans la possession d'une méthode ou dans la connaissance de certaines vérités générales, il n'y a rien de matériel, rien qui puisse être l'objet d'un commerce proprement dit, rien que la main de l'homme ait formé (1).

Il ne faut pas confondre un principe de physique, une vérité élémentaire, soit avec les choses nouvelles qu'on peut produire à l'aide de ce principe, soit avec les machines ou les instrumens nouveaux, à l'aide desquels on en tire parti au profit de l'industrie. Le savant qui, le premier, observa quelques-unes des propriétés du feu et de l'eau, la force de la vapeur, par exemple, n'aurait pu obtenir le privilége exclusif de faire usage de cette force, quel que fût d'ailleurs le mérite de sa découverte. Le mécanicien qui inventa une machine propre à en

(1) Par un arrêt du 12 juin 1830, la Cour royale de Grenoble a décidé, avec raison, qu'une méthode de lecture, quelque bonne qu'elle pût être, ne pouvait pas être l'objet d'un brevet d'invention.-J.-B. Sirey, t. XXXII, 2° part., p. 11.

tirer parti et à en régulariser l'action, pouvait, au contraire, obtenir le privilége de fabriquer, d'employer ou de vendre des machines de cette espèce (1). La force de la, vapeur n'est pas, comme la machine qu'elle met en mouvement, le produit de l'industrie humaine; elle ne peut pas plus être un objet de commerce que l'électricité, la gravitation, ou que l'élasticité de l'air (2).

Les jurisconsultes anglais exigent, de plus, pour qu'une découverte donne naissance à un privilége, que la chose inventée ait, par elle-même, une certaine importance, et qu'elle soit utile au public. On a quelque peine à concevoir comment une chose qui ne serait d'aucune utilité pour personne, pourrait être un objet de commerce. On ne comprend pas plus facilement pourquoi le producteur d'une chose dépourvue d'utilité, tiendrait à la fabriquer exclusivement, ou pour quelle raison un tel privilége lui serait disputé. Cependant la question s'est quelquefois présentée, et il a été décidé qu'une chose qui, par elle-même, était sans valeur ou sans utilité, ne pouvait donner lieu à un monopole au profit de l'inventeur. La raison en est que, si l'on autorisait des monopoles pour des découvertes qui n'ont aucune importance

(1) Joseph Chitty, Treatise on the laws of commerce and manufactures, vol. II, ch. XII, p. 194.

(2) James Godson, Practical treatise, p. 78-94

réelle, on surchargerait d'entraves l'industrie et le commerce, sans aucun profit pour la société. Il pourrait arriver aussi qu'en faisant éprouver à un objet dont le commerce est libre, une modification insignifiante, un individu parvînt, au moyen d'un brevet d'invention, à tromper le public auquel il persuaderait qu'une marchandise pour laquelle on a obtenu un brevet d'invention, vaut mieux que celle qu'il est permis à chacun de fabriquer et de vendre (1).

Exiger qu'une chose soit utile, c'est exiger, à plus forte raison, que la production et le commerce en soient licites. Un objet dont la vente serait contraire aux lois ou aux bonnes mœurs, ne pourrait pas plus être la matière d'un monopole que d'un commerce libre. Celui qui aurait surpris un brevet d'invention pour la fabrication d'un tel objet, n'obtiendrait de la justice aucune protection pour l'exploitation de son monopole.

Pourvu que la chose produite soit réellement nouvelle, il importe peu qu'elle ait été obtenue en séparant des élémens que la nature avait unis, ou en combinant ensemble des choses qui existaient séparément. Le savant qui découvrit l'art d'extraire du sucre d'une racine, aurait pu prétendre au privilége d'exploiter pendant un cer

(1) James Godson, p. 66.

tain temps cette branche d'industrie, comme celui qui, par le mélange de certaines drogues, parvint à composer cette liqueur noire qui nous sert à fixer nos idées sur le papier. Il importe également peu que la chose produite soit destinée à être immédiatement consommée comme certains remèdes, ou qu'elle soit destinée à produire d'autres marchandises, comme certaines machines ou certains outils. L'essentiel, pour obtenir le monopole de la fabrication, c'est que la chose produite soit nouvelle, qu'elle ait une véritable importance, que l'usage en soit licite, qu'elle ait été inventée par celui qui réclame le privilége de la fabriquer, et que le procédé de la fabrication n'ait pas été divulgué par l'usage de la chose ou au

trement.

Le mot invention ne désigne pas seulement la découverte d'une chose entièrement nouvelle; il sert aussi à désigner les additions ou perfectionnemens apportés à des choses déjà connues. Les machines un peu compliquées sont rarement le produit des découvertes d'un seul homme; elles n'arrivent à un certain degré de perfection que par les additions qui y sont faites successivement. Or, chaque addition qui en accroît la puissance ou l'utilité, est une découverte pour l'exploitation de laquelle un brevet peut être demandé. La demande et la concession du privilége doivent por

ter, au reste, non sur la chose perfectionnée, mais seulement sur l'addition ou le perfectionnement qu'on y a fait. La concession serait nulle, ainsi qu'on le verra plus loin, si elle portait sur la chose

tout entière.

Les lois anglaises considèrent l'exploitation exclusive d'une découverte dans les arts, comme un véritable monopole, c'est-à-dire comme une restriction au droit qui appartient à chacun de se livrer à l'exercice d'une industrie qui, par ellemême, n'a rien d'illicite. Le privilége donné à l'inventeur ne résulte donc pas du seul fait de l'invention; il résulte de la concession que lui fait l'autorité publique. Or, cette concession ne peut pas avoir lieu, si, avant d'être faite, d'autres personnes sont en possession de la découverte. L'inventeur qui, de quelque manière que ce soit, divulgue son secret avant d'avoir obtenu un privilége, donne, par cela même, à chacun la faculté de le mettre en pratique. Cette faculté une fois acquise, ne peut plus être enlevée, quand même personne n'en aurait encore fait usage.

Les lois françaises, après avoir considéré toute découverte comme la propriété de celui qui en est l'auteur, disposent cependant de la même manière que les lois anglaises. Elles font dater le privilége de l'inventeur, non du jour où il a fait sa découverte, mais du jour où le ministre de l'intérieur

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