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la description de sa découverte, la pétition au ministre de l'intérieur, par laquelle il demande un brevet, les dessins explicatifs de son invention, et l'inventaire de toutes les pièces jointes à sa demande. Le paquet cacheté est déposé à la préfecture, où l'on dresse un procès-verbal du dépôt sur le dos même du paquet, et une copie du procès-verbal est remise au pétitionnaire. Dans la semaine, les pièces ainsi cachetées sont envoyées par le préfet au ministère de l'intérieur, où l'on enregistre le procès-verbal inscrit sur le dos du paquet, l'instant même où il arrive. Aussitôt, le paquet est ouvert, et l'on expédie à l'inventeur un certificat de sa demande. Ce certificat est son titre de propriété, et ne peut lui être refusé.

à

On voit, par cet exposé, qu'avant la délivrance du brevet d'invention, personne n'est appelé à prononcer, ni sur la réalité de la découverte, ni sur son utilité, ni sur l'exactitude de la description, ni sur la régularité de la demande. L'autorité publique n'intervient que pour percevoir un impót, pour constater une prétention et en déterminer la date. Le certificat délivré par elle ne préjuge absolument rien sur la réalité, ou l'importance, ou l'utilité de l'invention. Si, plus tard, des difficultés s'élèvent à ce sujet, entre le prétendu inventeur et ses citoyens, ce n'est qu'aux tribunaux qu'il appartient de prononcer. Chacun est admis à soutenir et

à prouver, ou que la chose n'est pas nouvelle, ou que le possesseur du brevet n'est pas auteur de l'invention, ou qu'il ne s'est pas conformé aux conditions prescrites par les lois.

Le gouvernement anglais a cru qu'il ne pouvait pas ainsi concéder un monopole pour l'exploitation d'une découverte, avant que d'avoir fait examiner s'il existe, en effet, une découverte, et si elle peut être utile au public. La demande des lettres-patentes pour une invention, doit passer dans plusieurs bureaux, où elle est examinée par les hommes de loi de la couronne. L'objet de cet examen est de garantir le public de toutes tromperies, de mettre la couronne à l'abri des surprises, et de prévenir les inconvéniens qui résulteraient de la concession du privilége de fabriquer et de vendre un produit indigne de protection. Les officiers du gouvernement ont donc la faculté de refuser des lettres-patentes à l'inventeur, et ne sont pas tenus de rendre raison des causes de leur refus. L'auteur d'une découverte leur demande des lettres-patentes, non à titre de droit, mais à titre de concession ou de grâce; sous ce rapport, la loi anglaise est en opposition avec la loi française (1). S'ils lui en accordent, personne n'est privé pour cela du droit de mettre en question la réalité,

(1) James Godson, p. 47.

l'importance ou l'utilité de la découverte ; chacun est admis, au contraire, comme en France, à contester la légalité de la concession.

La loi française veille particulièrement aux intérêts de l'inventeur; elle prend toutes les précautions possibles, pour que sa découverte ne lui soit pas injustement enlevée. Elle ne donne pas aux officiers du gouvernement le pouvoir de prononcer sur la réalité ou l'utilité de la découverte, de peur qu'ils ne se trompent ou ne se rendent coupables d'injustice (1). La loi anglaise paraît s'occuper des intérêts du public plus que de ceux de l'inventeur; elle donne plus de confiance aux officiers de la couronne, et ne craint pas qu'ils abusent de leur autorité, au préjudice de l'auteur de la découverte. I! est douteux cependant qu'en définitive, cette sollicitude soit très-profitable au public; car il n'arrive guère, on pourrait même dire qu'il n'arrive jamais, que le gouvernement refuse les lettres-patentes qui lui sont demandées. Les droits que l'inventeur est obligé de payer au fisc, avant que d'avoir tiré aucun bénéfice de sa découverte, la faculté que chacun possède de discuter publiquement le mérite ou la réalité de l'invention, le pouvoir donné aux tribunaux de prononcer sur la légalité de la concession du privilége, et l'attention que chacun ap

(1) Loi du 25 mai 1791, art. 1o.

porte dans ses achats, sont des garanties plus sûres que l'examen auquel se livrent les officiers du gouvernement avant la délivrance des lettrespatentes.

La description ou spécification que l'auteur a faite de sa découverte, doit être inscrite sur un registre public, que chacun a le droit de consulter. En Angleterre, toute personne peut, non-seulement consulter ce registre; mais aussi se faire délivrer copie d'une spécification qu'elle se croit intéressée à connaître. Cette disposition a pour objet de garantir au public la possession de la découverte, et de donner à chacun la faculté de l'exploiter, quand le privilége de l'inventeur est expiré. Elle a aussi pour objet de prévenir les pertes que des hommes industrieux pourraient faire, en se livrant à des travaux, et en sollicitant la concession d'un privilége pour une industrie qui serait déjà privilégiée. Des inventeurs ont quelquefois tenté d'obtenir que leurs descriptions ou spécifications ne fussent pas livrées au public, en alléguant que les étrangers pourraient profiter de leurs découvertes ; mais ces tentatives n'ont eu aucun succès (1). En France, la description d'une découverte ne pourrait être cachée au public, qu'en vertu d'une loi spéciale qui aurait autorisé le secret,

(1) James Godson, Practical treatise, p. 143-144.

après que l'inventeur aurait eu fait connaître les raisons politiques ou commerciales qui s'opposent à la publicité.

L'inventeur qui obtient en France un brevet d'invention, est tenu de mettre sa découverte en activité dans les deux années qui suivent, sous peine de déchéance, à moins qu'il ne justifie des raisons de son inaction. Cette disposition, qui paraît d'abord assez juste, laisse cependant un vaste champ à l'arbitraire, puisqu'elle ne dit pas quelles sont les causes propres à justifier l'inventeur de n'avoir pas mis sa découverte en pratique. L'auteur d'une découverte qui a fait des frais, pour s'en assurer exclusivement l'exploitation, et qui néanmoins ne l'exploite pas, a certainement quelques bonnes raisons à donner de son inaction. La faculté donnée aux juges d'admettre comme valables toutes sortes d'excuses, ou de les repousser toutes, ne peut être considérée comme une garantie, ni pour le public ni pour l'inventeur.

La durée du monopole que les lois anglaises permettent d'accorder à l'inventeur, ne peut pas excéder quatorze ans; mais elle est quelquefois moins considérable. Le gouvernement la détermine, en prenant en considération les frais qu'exigent la mise en action de la découverte, et les bénéfices probables qui peuvent être faits dans un temps donné. En France, la durée du monopole est de

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