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nunc abusive municipes dicemus, suæ cujusque civitatis cives. Nous pouvons donc dire avec Cujas (1, 884 D.) qu'au temps d'Ulpien, les municipes étaient des hommes libres nés dans la même ville; on dit nés, parce que la naissance, à proprement parler, confère seule la qualité de municeps et que ce n'est que par analogie que les affranchis et les adoptés par un municeps originaire peuvent être considérés comme municipes; ces derniers suivaient, en effet, la même origine qué celui qui les avait adoptés ou affranchis, ce qui était pour eux comme une seconde naissance.

Savigny nous explique comment le mot municeps a dû être étendu, d'une manière générale, aux habitants d'une ville quelconque ; s'il n'en eût pas été ainsi, nous dit-il, il aurait fallu employer l'expression civis (quoique nous la trouvions dans la loi 7 au Code, liv. X, t. 39), qui dans la classification des cives, latini et peregrini, occupait une place trop importante et trop nécessaire pour que les anciens jurisconsultes eussent pu lui donner un sens aussi large qui aurait donné lieu à de nombreuses équivoques. Ainsi donc municeps était devenu la désignation générale de quiconque se rattachait par un lien de dépendance à une patria, à une ville originaire.

Deux actes d'une grande importance, la lex Julia, De civitate qui donna le droit de cité à l'Italie entière, et la constitution d'Antonin Caracalla, qui l'étendit à toutes les provinces, donnèrent à ce lien de dépendance une extension particulière; il en résulta, en effet, que tous les habitants de l'Italie d'abord et ensuite des provinces

qui pouvaient déjà avoir plusieurs droits de cité, en eurent désormais un de plus, celui de la ville de Rome. Aussi lisons-nous dans Cicéron (De legibus, liv. II, chap. 2) parlant des habitants d'Italie après la lex Julia a Ego mehercule et illi (Catoni) et omnibus municipibus duas esse censeo patrias, unam naturæ, alteram civitatis ut ille Cato, quum esset Tusculi natus in populi romani civitatem susceptus est; itaque quum ortu Tusculanus esset, civitate Romanus, habuit alteram loci patriam, alteram juris. Tandis que Modestin, après la constitution Antonine parle tout à fait en général, lorsqu'il dit, loi 33, Ad munic: « Roma communis nostra patria est. >

Ce double droit de cité n'avait pas, du reste, autant d'importance qu'on pourrait le croire; les charges municipales (munera) n'étaient pas aussi pesantes à Rome que dans les autres villes; car la plupart des dépenses y étaient défrayées autrement; ces nouveaux citoyens pouvaient, il est vrai, être poursuivis, lorsqu'ils se trouvaient accidentellement à Rome, devant les tribunaux de cette ville, comme forum originis; mais il leur était permis d'opposer de nombreuses exceptions toutes comprises sous le nom général de jus revocandi domum dont nous trouvons des exemples dans les lois 28, 24, Ex quibus causisliv. IV, t. 6; loi 2, 23 et 6 et loi 24, De jud., liv. V, t. 1. Nous voyons notamment dans ces lois que ce jus revocandi domum appartenait aux envoyés (legati) lorsqu'ils étaient poursuivis à Rome pour des dettes par eux contractées dans leur ville ou dans leur province. Enfin, il paraît évident que pour l'application du droit local,

chacun était régi selon le droit de sa ville originaire, et non selon celui de Rome.

Savigny nous fait encore observer que ce serait une erreur de croire qu'après la loi de Caracalla, tous les citoyens libres de l'Empire romain eurent le droit de cité à Rome et qu'on pût les appeler indistinctement cives ou municipes; il y eut encore, postérieurement à cette époque, un certain nombre de personnes qui n'eurent pas le titre de citoyens; ainsi, il est indubitable qu'il fallait toujours compter au nombre des déditices ou des Latins les affranchis dont la manumission, postérieure à la constitution Antonine, tombait sous le coup des lois Aelia Sentia et Junia Norbana, car ces lois avec les différences qu'elles établissaient dans la condition des affranchis ont toujours continué à subsister, et ce n'est que sous Justinien que disparurent ces affranchissements incomplets. (Inst. 1. 1, t. 5, De lib. § 3. Code, 1. VII, t. 5 et 6.)

Quant aux populations nouvelles qui après Caracalla accédèrent successivement à l'Empire romain, c'est une question de savoir si la qualité de citoyen leur fut communiquée par le fait même de l'annexion de leur territoire à l'Empire ou si elles restèrent dans la classe des sujets pérégrins? Les uns croient à la généralité de la constitution de Caracalla pour les parties présentes et pour les parties futures de l'Empire romain; ils s'appuient sur ce que, dans la cour d'Orient, on ne faisait pas de distinction entre les sujets et les citoyens tout sujet de l'Empire avait les droits de cité. C'était évidemment une conséquence de la constitution de Caracalla, et d'ailleurs, ajoute-t-on, il y a sur ce point une

disposition législative précise: Justinien (nov. 78, chap. 5), en disant que de même que Caracalla accorda à tous les sujets le droit de cité, de même que Théodose leur donna les droits réservés à ceux qui avaient des enfants, de même il veut donner à tous les affranchis le titre de citoyen, n'indique-t-il pas que la constitution de Caracalla était définitive et générale; il n'eut pas comparé la constitution de Caracalla à celle de Théodose et à la sienne, si elle eût été pour les habitants du territoire présent seulement et non pour ceux du territoire à venir (Ortolan Expl. hist. des Inst. I, p. 289.)-D'autres, au contraire, considèrent que la constitution d'Antonin Caracallan'était pas destinée à produire un résultat autre qu'une série de concessions individuelles du jus civitatis qu'il aurait faites à tous les peregrini ou Latini coloniarii actuellement en état de devenir citoyens romains. Ne serait-il pas bizarre, en effet, dit M. Demangeat (Cours de dr. rom. I p. 165), que cet empereur eût eu la prétention d'enchaîner la liberté de ses successeurs, en réglant luimême dès à présent le sort des nouvelles provinces qu'ils pourraient ajouter à l'Empire?

DEUXIÈME PARTIE.

La rubrique du titre au digeste qui fait l'objet de cette étude, ainsi conçu: Ad municipalem et de incolis, semble inexacte à Cujas; en effet, cette inscription ad municipalem, sous entendu : legem, paraît annoncer un ensemble de règles générales sur l'organisation des villes; au contraire, il n'est parlé dans ce titre que des municipaux et des habitants (si ce n'est dans la loi 25, où il est parlé de la loi municipale) et des charges qu'ils ont à remplir. Il eût donc été préférable que la rubrique du titre fût: ad municipales.

Nous distinguerons, comme Pothier et Cujas, les municipaux originaires ou nécessaires et les municipaux volontaires ou habitants, incolæ. Dans un premier chapitre, nous nous occuperons des municipaux originaires ou de l'origo; dans un second, des municipaux volontaires ou du domicilium; et enfin, dans un troisième et dernier, nous rechercherons quelles sont les conséquences communes résultant de l'origine et du domicile.

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