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CHAPITRE PREMIER.

DES MUNICIPAUX ORIGINAIRES.

L'expression origo peut aisément se traduire par le lieu de la naissance; c'est une interprétation qui a été souvent admise par les jurisconsultes modernes; mais c'est une idée qui obscurcit peut-être l'exposé des vrais principes, car c'est parfois une circonstance tout à fait accidentelle qui fait naître un individu dans un lieu plutôt que dans tel autre, et qui ne doit avoir aucune influence juridique.Aussi, Voět (ad Pandectas, l. 5, t. 1, 291), définit-il l'origo: « Est autem originis locus in quo quis natus est aut nasci debuit, licet forte re ipsa alibi natus esset, matre in peregrinatione parturiente. > La patrie d'une personne est donc celle de son père, celle dans laquelle son père est né, et non celle dans laquelle elle est née elle-même; c'est ce qu'exprime Cujas, IV, 855 B. « Proprie patria, sive germana patria, ea est ex qua pater naturalis naturalem originem suam duxit, non ea ex qna originem nostram duximus. Denique non ea in quâ nati sumus, sed in quâ pater naturalis natus est. Et plus loin : « Patria igitur non est omne natale solum, sed natale solum patris. Cette explication est du reste conforme à la loi 6, 21 de notre titre, d'après laquelle l'enfant suit toujours, en principe, l'origine de son père.

SECTION PREMIÈRE.

De quelles manières s'acquiert l'origine municipale.

Les textes nous indiquent quatre manières d'être ou de devenir municipal originaire d'une ville. Ulpien nous en signale trois (loi 1, pr. Ad mun.): Municipem aut nativitas facit, aut manumissio, aut adoptio. Mais dans la loi 7, au Code, X, 39, nous en trouvons une de plus, allectio. Ainsi donc, le droit de cité s'acquiert par la naissance, l'affranchissement, l'adoption et l'admission.

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C'est sur la naissance que se fonde le plus ordinairement le droit de cité; aussi emploie-t-on son nom pour désigner le droit qu'elle confère; les mots origo et nativitas sont synonymes, et ils sont employés indifféremment dans les textes.

L'enfant a la même origo que son père (loi 6, 21, Ad munic.), du moins lorsqu'il est issu de justes noces; c'est l'origine du père qui détermine celle de l'enfant, et il ne faut tenir nul compte de l'origine propre de l'enfant et du pays où il est né. Par conséquent, celui qui est né de parents originaires de la Campanie est appelé citoyen de la Campanie; et alors même que les parents seraient d'origine différente, par exemple: le père originaire de la Campanie et la mère de Pouzzol;

l'enfant serait considéré comme municipal de la Campanie (loi 1, 2, Ad mun.). C'est ce qui fait dire à l'empereur Philippe (loi 3, Code, X, 38): « Filios apud originem patris, non in maternâ civitate etsi ibi nati sint (si modo non domiciliis retineantur) ad honores, seu munera posse compelli, explorati juris est. »

Cependant Ulpien nous apprend qu'un enfant légitime pouvait suivre quelquefois l'origine de sa mère et non celle de son père; il en était ainsi lorsque ce privilége avait été accordé au pays de la mère dont il était issu; nous en avons un exemple chez les Troyens, auxquels il avait été concédé, en considération de l'origine de la race romaine qui descendait de Troie, que celui qui naîtrait d'une mère de ce pays serait municeps de Troie. Les habitants de Delphes jouissaient du même privilége, et, au rapport de Celse, le grand Pompée avait également accordé cette prérogative aux enfants nés d'une mère originaire du Pont. Néanmoins, ajoute encore Ulpien, des auteurs ont prétendu que ce bénéfice n'appartenait point aux enfants légitimes, mais seulement aux enfants vulgo quæsiti; ce n'est point l'avis de Celse, et cela semble plus vrai, car on ne comprendrait pas comment le grand Pompée aurait pu concéder un privilége relativement à la condition des bâtards dont le père est inconnu, et qui ne peuvent suivre d'autre condition que celle de leur mère; il est plus vraisemblable de croire qu'il a eu en vue les enfants nés de père et mère d'origines différentes.

Notre texte, loi 1, § 2, parlant du privilége accordé aux femmes de certaines villes de transmettre leur

droit de cité à leurs enfants légitimes, ne s'expliqué pas sur la question de savoir si ces enfants n'avaient que l'origine de leur mère ou s'ils avaient en même temps l'origine paternelle; il nous semble que ces enfants doivent avoir l'une et l'autre ; car le privilége est une faveur, qui ne peut enlever le bénéfice du droit

commun.

Les enfants naturels, comme nous l'avons déjà dit implicitement, acquièrent par leur origo, au contraire des enfants légitimes, le droit de cité dans la ville natale de leur mère, mais ce droit ne leur appartient que du jour de leur naissance eoque die quo ex ea editus est (loi 9, Ad mun.), tandis que l'enfant légitime a l'origo de son père du jour de sa conception.

Quant à l'homme qui est né dans un bourg ou dans un village, il est censé avoir pour patrie la ville dont ce village dépend, et il en est municeps (loi 30, Ad mun.).

Il nous reste à observer que l'origo qui résulte de la naissance ne peut être changée, quelle que soit la volonté d'une personne ; ce serait en vain qu'on se donnerait une fausse origine; le mensonge ne peut détruire la vérité ; c'est ce qu'exprime Ulpien dans la loi 6 pr. Ad mun. « Errore nec mendacio veritas originis non amittitur. >

§ II. -De l'affranchissement.

L'esclave affranchi acquiert le droit de cité dans la ville de son patron; (loi 6, 23, Ad mun.) L'affranchissement est pour lui comme une sorte de naissance à la

liberté et lui confère les droits que n'ont pu lui transmettre ses père et mère, puisque ceux-ci ne les avaient pas eux-mêmes. Et les enfants de l'affranchi, suivant l'origine de leur père, ont aussi la même origine que le patron de leur père affranchi (loi 22, pr. Ad mun.) Si cet esclave est affranchi par plusieurs maitres, il aura le droit de cité dans la ville originaire de chacun de ses patrons (loi 7, Ad mun.) de même que si celui qui l'a affranchi est municeps dans deux pays, lui aussi, il aura cette double origine (loi 27, pr. Ad mun.).

Il faut remarquer que, dans cette dernière loi 27, Ulpien nous dit que l'affranchi suit non le domicile mais la patrie de celui qui l'a affranchi, tandis que la loi 6, §3, Ad mun., également de ce juriconsulte, donne à l'affranchi l'origine et le domicile de son patron; on pourrait croire qu'il y a là contradiction, mais il n'en est rien quant au domicile, ce que l'on dit que les affranchis ont le même domicile que leur patron doit s'entendre ainsi pendant et jusqu'à ce qu'ils se constituent à eux-mêmes un autre domicile. Au contraire, quant à l'origine, même après s'être choisi un domicile, les affranchis ne peuvent pas cesser d'appartenir à la patrie du patron dans laquelle l'affranchissement les a fait entrer comme citoyens. C'est ce qui nous est confirmé par Callistrate dans la loi 37, 21, Ad mun., d'après laquelle « les affranchis peuvent remplir une charge tant dans le lieu de l'origine de leur patron que dans celui où eux-mêmes ont leur domicile ». Et par Paul qui nous dit de même (loi 22, 82) < que les affranchis sont municipaux de la ville où ils ont volontaire

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