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CHAPITRE II.

DES MUNICIPAUX VOLONTAIRES OU DU DOMICILE.

Le domicilium, comme l'origo, établit en droit romain un rapport de dépendance entre une personne et une commune urbaine; il la soumet aux mêmes charges municipales, à la même juridiction, au même droit particulier et local auxquels sont soumis les citoyens municipaux originaires. Toutefois, l'importance du domicile est beaucoup moindre que celle de l'origine; cette dernière est incommutable et confère des droits dans une ville en même temps qu'elle y soumet à des obligations municipales qu'aucune circonstance ne peut modifier, sauf dans les cas rares que nous avons énumérés ci-dessus; au contraire, le domicile dépend, en principe, de la seule volonté de la personne; aussi ne confère-t-il pas de droits véritables, car ceux qu'il donne ne subsis. tent qu'autant qu'il ne survient aucun changement dans le fait même du domicile.

Sous la République et la première partie de l'Empire, alors que les villes ne jouissaient pas des mêmes privilèges, qu'elles n'avaient pas toutes la même condition. juridique et qu'elles n'avaient pas toutes une part égale dans la distribution des droits de cité, il y avait un immense intérêt à savoir dans quelle ville une personne avait son origine ou son domicile. Mais après la consti

tution de Caracalla, lorsque tous les sujets de l'Empire furent citoyens romains et que Modestin put dire : < Roma communis patria nostra est »(loi 33, Admunic.), cet intérêt qu'avaient l'origine et le domicile disparut en grande partie; cependant, même à cette époque, il est encore important de rechercher à quelle ville un individu appartient soit comme originaire, soit comme habitant. C'est, en premier lieu, au point de vue des charges publiques et de la juridiction auxquelles on est toujours soumis dans sa ville originaire comme au lieu de son domicile; c'est aussi, en second lieu, parce que la constitution de Caracalla, comme nous l'avons déjà dit, en accordant l'égalité de droits à tous les habitants · ne l'avait pas accordée à tous les territoires, de telle sorte que le territoire de telle ville ou telle province jouissait du jus italicum, du droit de propriété quiritaire, tandis que cette faveur n'avait point été accordée à la cité ou province voisine.

2 I.-Définition du domicile et comment il se présume.

Le domicile se trouve défini au Code dans une loi des empereurs Dioclétien et Maximien, le lieu où une personne a établi ses dieux Pénates et le centre de ses affaires, où elle possède des biens, qu'elle ne quitte qu'autant qu'une affaire l'appelle ailleurs, d'où elle ne s'éloigne que pour faire un voyage qui est censé fini lorsqu'elle est de retour (loi 7, Code, liv. 10, t. 39).

Cette définition, nous dit Doneau (t. IV, chap. 12, p. 1214), est plus élégante que certaine; elle indique

bien qu'une personne a son domicile quelque part, mais elle laisse de côté la question de savoir dans quel endroit se trouve ce domicile. Aussi propose-t-il de la faire ainsi : « Locus in quo quis habitat eo animo ut ibi perpetuò consistat, nisi quid avocet. »

Nous trouvons au Digeste, dans la réponse qu'Alfénus Varus fait à la question: Quid est domum ducere? une sorte de définition du domicile: « Eam domum unicuique nostrum debere existimari, ubi quisque sedes et tabulas haberet, suarumque rerum institutionem fecis

set. »

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On peut dire encore avec Cujas, V, 1148, C.: Domicilium cujusque ibi est ubi larem fovet, ubi sedes et tabulas rationum suarum habet, ubi rerum et fortunarum suarum summam constituit, ubi assidue versatur, negotiatur, ubi majorem suorum bonorum partem habet, ubi festos dies agitat, utitur foro eodem, balneo eodem, spectaculis. >

Toutes ces définitions se ressemblent et nous pouvons les résumer en disant avec Savigny que le domicile d'un individu est le lieu où il réside constamment et qu'il a choisi librement comme centre de ses affaires et de ses rapports de droit. Mais ce séjour constant n'exclut pas une absence momentanée, ni même un changement ultérieur, car chacun est libre de fixer son domicile où bon lui semble, et il suffit, pour se constituer un domicile, avec ses conséquences juridiques, de fixer sa résidence dans un lieu déterminé avec la volonté libre d'y établir son domicile (loi 20, Ad munic.).

Les caractères distinctifs du domicile sont donc l'ha

bitation dans un lieu, et l'intention d'y rester d'une manière fixe et durable. C'est à ces signes que l'on distinguera si une personne qui se trouve dans une ville, y a son domicile ou si elle n'y a qu'une simple résidence. Nous allons les étudier l'un après l'autre.

1° L'habitation.- Sans elle pas de domicile; la simple déclaration de fixer son domicile dans un lieu ne suffirait pas (loi 20, Ad munic.). Même la qualité de propriétaire d'une ou de plusieurs maisons dans une ville, alors qu'on ne les habite pas, ne pourrait pas conférer domicile; c'est ce que Papinien nous dit, loi 17, 213, Ad munic.': << Sola domûs possessio, quæ in aliena civitate comparatur, domicilium non facit. » D'où il suit que la seule raison de possession dans une ville ne suffit pas pour astreindre le possesseur aux charges personnelles, à moins que le privilége n'en ait été spécialement concédé à cette ville (même loi 17, § 5). De même les empereurs Dioclétien et Maximien exposent dans la loi 4 au Code X, 39, qu'une personne qui n'est ni originaire ni habitante d'une ville ne peut y être contrainte à remplir les charges personnelles, sur le seul motif qu'elle pos. sède une maison dans cet endroit ; et cela, ajoute la loi,. alors même que cette propriété lui proviendrait d'un décurion; mais cette raison ne peut rien changer au principe, nous dit Pothier (1), car les charges suivent le genre et l'origine des personnes ou du moins l'habitation, et non pas la situation des biens. Toutefois, si la seule possession ou propriété d'une maison n'était pas suffi.

(4) Explications sur le titre I du liv. L.

sante pour rendre habitant de la ville où elle était située, le jurisconsulte Paul nous apprend dans la loi 22, 8 7, Ad munic., que ceux qui faisaient l'usure dans une ville pouvaient y être soumis à toutes les charges patrimoniales, bien qu'ils n'eussent aucune propriété sur son territoire.

L'habitation, avons-nous dit, ne suffit pas pour établir le domicile dans une ville quelconque; il faut ajouter l'intention de résider (animum consistendi), c'est-à-dire de rester dans cette ville, de s'y installer d'une manière fixe et perpétuelle. En effet, ceux qui ne viennent habiter un pays que pour un temps plus ou moins long, ne peuvent y avoir de domicile; on peut citer comme exemple les ambassadeurs qui ne résident dans un pays que pour le temps de leur mission, ou, de même, ceux qui ne viennent dans une ville qu'accidentellement soit comme voyage, soit pour une affaire ou un commerce spécial.

Nous pouvons citer encore les étudiants qui n'habitent une ville, principalement Laodicée, que pour y faire leurs études, et qui, celles-ci terminées, retournent dans leur pays (loi 2, Code X, 39). Quelque temps qu'aient duré leurs études, ils n'acquièrent point de domicile, car ils ont conservé l'esprit de retour au foyer paternel ou ailleurs, et pour fixer son domicile quelque part, il faut avoir l'intention d'y rester définitivement. C'est pourquoi Doneau nous dit que les étudiants ne peuvent pas être poursuivis pour les obligations qu'ils ont contractées dans la ville où ils font leurs études, sauf toutefois dans le cas où d'autres circonstances leur auraient fait acquérir leur domicile dans

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