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affranchissement complet, c'est-à-dire fait par l'un des trois modes du droit civil, vindicta, censu, testamento. Jusqu'à Justinien, les affranchis latins juniens et les déditices ne pouvaient pas être citoyens de la ville de leur patron, parce qu'ils n'avaient pas qualité de citoyens romains.

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Une troisième manière de devenir municipal d'une ville déterminée pour un civis Romanus est l'adoption faite par un citoyen de cette ville. C'est là une conséquence de l'introduction de l'adopté dans la famille de l'adoptant, qui lui en confère ainsi le nom, les dieux privés, sacra privata, et les priviléges. Dans le principe, l'adoption faisait passer complétement l'adopté dans la famille de l'adoptant, et celui-ci acquérait la patria potestas sur l'adopté. Mais, plus tard, Justinien ne conserva cet effet entier à l'adoption, qu'autant qu'elle était faite par un ascendant; faite par un étranger à la famille, elle ne modifiait en rien la condition de l'adopté, si ce n'est qu'il acquérait un droit de succession ab intestat dans la succession de l'adoptant.

L'adoption avait aussi cet effet de rendre l'adopté citoyen de la ville originaire de l'adoptant, et par suite de l'obliger à y remplir les emplois et y à exercer les charges qui en étaient la conséquence. Néanmoins, l'adopté conservait son origine propre et se trouvait par là même dans la nécessité de remplir aussi dans

sa ville originaire les fonctions et charges publiques, loi 15, 33, ad mun.

Ainsi l'adopté se trouve dans l'obligation de satisfaire aux charges municipales dans deux villes. L'adoption ne change pas la cité, ne modifie en rien les obligations auxquelles l'adopté est soumis à raison de son origine; elle ne fait qu'ajouter une patrie civile à la patrie naturelle, additur, non mutatur patria, loi 7, C., de adopt., de telle sorte que l'adopté est forcé de remplir les charges de ses deux patries, la sienne propre et celle de son père adoptif; il cumule les obligations de citoyen dans les deux cités, comme s'il était né dans les deux à la fois civem non tantum origo facit, sed etiam adoptio. Les obligations contractées envers la patrie adoptive ne le libèrent pas vis-àvis de l'autre, civilis ratio non potest corrumpere jus naturale, originis et sanguinis.

Le droit de la naissance, avons-nous dit, n'est nullement entamé par l'adoption, et l'adopté, tout en suivant l'origine de son père adoptif, conserve la sienne. Ce qui a fait décider que le fils gardait ainsi sa patria germana, c'est que si l'adoption eût fait perdre la patrie naturelle, il eût été possible pour chacun de se faire adopter en fraude de sa cité et de se soustraire ainsi aux charges de sa patrie originaire. L'adoption doit donc être exempte de fraude, et elle est frauduleuse si elle a été faite dans le but de changer la cité à laquelle on est attaché par son origine et de se dispenser des munera civilia, loi 17, 39, ad mun. L'adoption

doit avoir un seul motif et un seul effet: changer la famille. C'est à ce propos que Cicéron, Pro domo sua, nous dit : « In adoptione neque calumniam, neque dolum, neque fraudem adhibendam esse. » L'adoption est frappée à l'avance d'un soupçon de fraude relativement à l'obligation aux charges municipales; voilà pourquoi on décida qu'elle ne les faisait pas disparaître, qu'il y avait cumul des obligations envers les deux villes et non substitution entre elles.

Cette prévention de fraude de la part de celui qui se donne en adoption, et qui lui fait conserver l'origine de son père naturel, reparaît-elle quand il s'agit de l'enfant né de ce fils adoptif après l'adoption? Cet enfant suivra-t-il l'origine naturelle de son père ou celle que lui a donnée l'adoption? Cujas (IV, 856, A) nous donne une réponse à cette question qui me paraît tout à fait en contradiction avec la loi 17, 2 9. Il nous dit que l'enfant né dans la famille adoptive suivra seulement l'origine adoptive de son père, parce que le soupçon de fraude ne peut pas naître contre cet enfant né de l'adopté après l'adoption, et non pas donné, attaché, annexé à la famille adoptive après sa naissance par l'adoption de son père. A l'appui de sa solution, Cujas nous donne comme exemple analogue ce qui se passe pour la femme mariée: celle-ci, à la différence de la femme adoptée, perd son origine qu'elle tenait de son père, au moins quant aux obligations municipales qu'avant son mariage elle devait remplir dans sa ville originaire, parce que la femme

ne peut être accusée de se marier pour frauder sa ville des munera qu'elle lui doit.

Cette décision de Cujas me paraîtrait raisonnable, si tout son raisonnement ne venait pas se briser devant la possibilité de l'émancipation de l'adopté par l'adoptant. Du reste, elle est trop contraire pour que nous puissions l'admettre, au texte de la loi 17, 29, où il est dit formellement qu'Antonin le Pieux a déclaré que l'enfant né dans la famille adoptive, tout comme l'enfant qui est né avant l'adoption, doit remplir aussi les munera civilia dans la ville dont son aïeul naturel est originaire, quand bien même i' n'y aurait pas place à un soupçon de fraude dans l'adoption. La loi 5, C., de mun. et origin., X, 38, est conçue dans la même pensée.

Comme nous venons de le voir, on assimile presque l'adoption à la naissance pour décider qu'elle oblige l'adopté à satisfaire aux charges civiles de la ville dont l'adoptant est citoyen. Mais il y a une différence fondamentale à retenir entre l'origine qui nous est attribuée par la naissance et l'affranchissement d'une part, et de l'autre par l'adoption: c'est que l'origine qui résulte de l'adoption n'est pas tout à fait définitive, incommutable; l'émancipation de l'adopté par le père adoptif a pour conséquence de faire disparaître tous les effets de l'adoption, et en particulier de faire perdre à l'émancipé l'origine que lui avait conférée l'adoption; il cesse d'être citoyen de la cité de l'adoptant, et les choses sont remises en l'é

tat où elles étaient avant l'adoption. Loi 16, ad mun. Si l'émancipation provenait d'un père naturel, elle ne produirait pas des effets aussi complets: le fils naturel émancipé conserverait son origine et la cité dont il est citoyen par naissance et que rien ne peut lui enlever.

Ainsi, malgré l'émancipation faite par le père naturel, nous voyons qu'il subsiste quelques restes qui ne peuvent disparaître, parce qu'ils ont leurs racines dans la réalité des liens qui unissent le père au fils : mais les liens résultant de l'adoption n'étant que fictifs, de droit civil et non naturel, s'effacent complétement par l'émancipation, à l'exception toutefois des prohibitions matrimoniales par exemple, un père adoptif ne pourra émanciper sa fille dans le but de contracter mariage avec elle; de même pour la veuve du fils adoptif, etc. Les lois romaines ont voulu par protéger la morale publique.

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Nous avons vu dans les trois paragraphes précédents comment on peut être et devenir municeps originarius. Dans celui-ci nous nous occuperons de la manière dont on peut être municeps voluntarius, c'est-à-dire de l'allectio, ou admission aux droits de cité et de bourgeoisie.

Ce n'est qu'au Code, loi 7, de incolis..., X, 59, que nous voyons signalé ce mode de devenir municipal. La loi 1, princ. ad mum., n'en parle pas dans son

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