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1793.

Procès de

times obscures; celles qu'il immolera désormais seront choisies dans les rangs les plus élevés. Dans les mois de septembre et d'octobre 1793, le comité de salut public lui livra successivement le général Custines, Marie-Antoinette, et vingt-deux députés du parti de la Gironde.

Custines, gentilhomme titré de la LorCustines. raine, et d'une famille comblée des bienfaits de la cour, avoit été membre de l'assemblée constituante, et lié avec Mirabeau, dans la société duquel il puisa les principes révolutionnaires qui firent d'abord sa fortune politique, et qui depuis l'ont envoyé à l'échafaud.

Il avoit de l'esprit et de l'instruction; mais, n'ayant ni assez de talent ni assez de puissance pour arrêter les flots qui l'entraînoient malgré lui, il voulut en vain s'arrêter; il ne réussit qu'à inspirer de justes défiances à ses anciens complices.

Lors de la défection de Dumouriez, il réunit le commandement en chef des deux armées du Rhin et de la Moselle; et, dès ce moment, l'immense pouvoir dont il étoit revêtu donna de l'ombrage. Il fut surveillé, dénoncé, abreuvé d'humiliations. Le principal chef d'accusation contre lui étoit la perte de Mayence, de cette ville qu'il avoit prise en un jour, et qu'il avoit défendue, avec autant d'art que de courage, pendant quatre mois, con

tre le roi de Prusse et le duc de Brunswick.

Mandé à Paris par le ministre de la guerre, son malheur voulut qu'en traversant le Palais-Royal, il fût reconnu et accueilli aux cris répétés de Vive Custines! le jour même où des membres de la convention avoient été insultés par quelques misérables comme eux.

L'assemblée fit semblant de croire qu'il avoit un parti, et que sa présence agitoit les esprits. Sans autre information, il fut arrêté, conduit à l'Abbaye, et, peu de jours après, traduit devant le tribunal révolutionnaire.

Dans cette position, Custines appela le général Houchard et les commandants des places frontières, pour rendre témoignage de son patriotisme et de sa valeur. Houchard, qui lui devoit son avancement, déposa contre lui: c'étoit le temps des ingrats. Son fils, jeune homme de grande espérance, osa le défendre avec indignation, et fit afficher sur tous les murs de Paris une apologie courte, énergique, qui fixa un moment l'attention des passants, et qui fit arrêter son auteur. Custines fut condamné, et conduit à l'échafaud, accompagné d'un confesseur: son généreux fils ne tarda pas à le suivre.

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Depuis la mort du roi, son augusteveuve Procès de gémissoit dans la tour du Temple, où elle la reine.

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étoit livrée à mille tortures. On lui avoit ravi son fils. Elle restoit encore avec sa fille et madame Élisabeth. Dans la nuit du 2 août, on vint l'arracher de leurs bras pour la conduire à la Conciergerie. Elle ne se dissimula point l'horreur de sa destinée. Elle essaya de consoler sa fille éperdue, en lui faisant espérer qu'elle reviendroit; mais, prenant sa sœur à l'écart, et la serrant contre son cœur, elle lui dit un éternel adieu, en ajoutant: Nous ne nous -reverrons qu'avec le fils de saint Louis.

› Il étoit mininit, quand elle arriva dans sa nouvelle prison : rien n'étoit prêt pour la recevoir. Le concierge en fit l'observation: Qu'importe, répondirent les officiers municipaux qui lui servoient d'escorte; le cachot le plus infect et une botte de paille, voilà ce qu'il faut à cette femme! Le concierge fut plus humain que les officiers municipaux pendant les soixante-quatorze jours qu'elle resta à la Conciergerie, elle reçut de lui tous les adoucissements qu'il put lui donner.

Enfin, le 14 octobre 1793, elle parut devant les hommes de sang qui devoient · prononcer son arrêt de mort. On connoissoit son caractère et sa fierté; on croyoit généralement qu'elle ne daigneroit pas répondre à de tels juges: on se trompoit. Sait qu'elle se crût enchaînée par l'exemple du roi, soit qu'elle ait voulu en quelque sorte

d'éclat

augmenter le respect dù à une si belle
mort, en donnant un autre genre
à la sienne, elle défendit ses jours;
pondit à ses bourreaux.

elle ré

Quel est votre nom? lui demanda, d'une voix altérée par la peur, le président du tribunal.

Marie-Antoinette de Lorraine, ancienne archiduchesse d'Autriche, répondit-elle d'un ton calme et avec un air plein de dignité.

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Après ces trois questions, FouquierTainville, accusateur public, lut à la reine son acte d'accusation, dans lequel il avoit rassemblé tout ce que la calomnie avoit pu inventer d'infame ou de ridicule contre une princesse que ses ennemis vouloient à-la-fois déshonorer et faire mourir.

-Je l'accuse d'avoir eu, dès son arrivée en France, des relations suspectes avec sa mère, Marie-Thérèse, et avec son frère, Joseph II; d'avoir dilapidé les finances de l'état, de concert avec ses beaux-frères et M. de Calonne; d'avoir fait passer à Vienne des sommes immenses, pour solder les armées qui combattoient contre nous; d'avoir assisté au repas des gardes-du-corps,

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et distribué des cocardes blanches aux convives; d'avoir poussé la perfidie jusqu'à faire imprimer des ouvrages infames contre elle-même; d'avoir causé la famine dans les journées des 5 et 6 octobre; d'avoir tenu des conciliabules, dans le dessein d'anéantir les droits de l'homme, les -décrets de l'assemblée constituante, et la liberté du peuple; d'avoir tenté plusieurs fois de fuir avec son mari, et d'avoir exécuté ce dessein dans le mois de juin 1791; d'avoir concerté, avec le traître La Fayette, le massacre du Champ-de-Mars; enfin, d'avoir eu des liaisons criminelles avec son propre fils....

སྨན་

La reine répondit très bien et victorieusement à chacune des accusations précédentes. Lorsqu'on arriva à la dernière, elle garda le silence. Un des jurés fat assez hardi pour lui en demander la cause:

«La nature, s'écria-t-elle, se refuse à répondre à de telles inculpations faites à une mère : j'en appelle à la conscience de toutes celles qui sont ici présentes ! »>

Robespierre étoit à table, avec Barrère et Villat, un des jurés du tribunal, quand on lui rapporta cette réponse. Furieux, à cause de l'intérêt qu'elle pouvoit inspirer en faveur de la victime, il cassa son assiette d'un coup de poing. «Les imbécilles! s'écria-t-il : ce n'étoit pas assez d'en faire une Messaline; en voulant en faire mal-à-pro

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