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1791.

conven

tion.

la Meuse, le Vahal, le Leik. L'armée passa
ces rivières sur la glace, et s'empara de la
Hollande. Il y a un autre fait que la pos-
térité aura peine à croire, et qui n'est pas
moins vrai, c'est que notre cavalerie, mar-
chant aussi sur la glace, dont une partie
du Zuiderzée étoit couverte, alla s'empa-
rer des vaisseaux de guerre hollandois qui
mouilloient entre la pointe septentrionale
de la West-Frise et l'île de Texel. Les An-
glois, retranchés derrière cette île, ne pu-
rent défendre les places qu'ils occupoient;
nos troupes
les en
chassèrent avec une fa-
cilité qui tient du prodige, s'emparèrent
des provinces de Frise et de Groningue,
et poussèrent l'ennemi jusqu'à l'Ems, où
la nouvelle du traité signé à Bâle entre la
Prusse et la France (1) arrêta le cours de
la victoire, que les rares talents de Piche-
gru avoient fixée sous les drapeaux de la
France.

Troisième Il s'étoit formé, pendant ce temps-là, schisme contre Robespierre un nouveau parti, que dans la dirigeoit Billaud-Varennes, homme aussi cruel, aussi ambitieux, mais encore plus profondément hypocrite que son rival. Il avoit rallié autour de lui les amis dispersés de Danton, d'Hébert, et de Chaumette. Il avoit conservé des liaisons avec la com

(1) Cette paix, négociée par M. Barthélemy, ambassadeur de France en Suisse, fut signée au mois d'avril 1795.

mune de Paris. Il faisoit répandre sourdement le bruit que Robespierre avoit conçu le projet de se faire déclarer le chef d'une théocratie nouvelle, et de jouer le rôle de Mahomet, de Zoroastre, ou de Confucius.

1794.

à l'Etre

Suprême.

Dans le fait, Robespierre commençoit 20 praià s'apercevoir qu'en heurtant sans cesse rial, fête la morale, il alloit se briser bientôt contre l'opinion vénérable de cent siécles de civilisation. Il songea dès-lors à profiter du silence des partis, qu'il croyoit avoir abattus, pour établir un culte nouveau, et pour arriver au pouvoir suprême par le pontificat. Billaud-Varennes le devina, le laissa faire, et creusa sous ses pieds l'abyme qui l'engloutit.

Ce fut au commencement de mai 1794 que le nouveau thaumaturge lut à la tribune de la convention un discours sans verve, qui n'étoit qu'une froide imitation de la Profession de foi du vicaire savoyard.

« L'idée d'un Dieu, disoit-il, est une idée sociale et républicaine. Je ne connois aucun législateur qui se soit avisé de naturaliser l'athéisme. Qu'est-ce que des conjurés pourroient mettre à la place de Dieu, qu'ils chassent de ses temples, sinon le chaos, le néant, et la mort?». Il termina cette verbeuse harangue par un décret absurde: Le peuple françois reconnoit l'existence de l'Etre suprême et l'im

1794.

mortalité de l'ame; et par la proposition d'une fête solennelle en l'honneur de ce retour vers la Divinité. La fête fut fixée au 20 prairial; tout sembloit la favoriser: la joie publique, la saison du printemps, et un des plus beaux jours qu'il fût possible de desirer. Toute la ville y prit part. Toutes les maisons étoient ornées de festons, de fleurs, et de branches de ver dure. Un peuple immense étoit rassemblé au Champ-de-Mars. Une troupe de femmes et de jeunes filles firent d'abord entendre des cantiques et des hymnes. Robespierre, à la tête de la convention, s'avance, tenant à la main un bouquet composé de fleurs et d'épis: il prononce un second discours, dans lequel il ose dire :

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Que ce jour appartienne tout entier à la paix et au bonheur! Demain, en reprenant nos travaux, nous frapperons avec une nouvelle ardeur sur tous les ennemis de la patrie. » Par ces derniers mots, le monstre fit évanouir la joie publique, et rentrer la crainte dans tous les cœurs.

Si la même main qui sembloit vouloir relever les autels eût osé renverser les échafauds, telle étoit alors notre misère et notre dégradation, qu'elle eût pu s'emparer en même temps du sceptre; quelques uns le desiroient : nul ne s'y fût opposé. Mais le ciel ne permit pas l'excès d'un tel scandale,

pa

Deux jours après cette misérable rade, on eut l'explication des mots sinistres que Robespierre avoit prononcés au Champ-de-Mars.

Le 22 prairial, Couthon monta à la tri-” bune, et présenta un nouveau code d'assassinats judiciaires, que nous allons transcrire en entier (1).

1793.

« La convention nationale, après avoir Loi du 22 entendu le rapport de son comité de salut prairial. public, décréte ce qui suit:

er

« ART. 1. Il y aura un tribunal révolutionnaire, un président et trois viceprésidents, un accusateur public, quatre substituts, et douze juges.

« 2. Les jurés seront au nombre de cinquante.

« 3. Ces diverses fonctions seront exercées par les citoyens dont les noms sui

vent......

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« 4. Le tribunal révolutionnaire est institué pour punir tous les ennemis du peuple.

« 5. Les ennemis du peuple sont ceux

(1) On a calculé que dans les quarante-sept jours qui se sont écoulés depuis la promulgation de cette loi jusqu'à la chute du tyran, deux mille huit cent vingt personnes de tout âge, de tout sexe et de toute condition, avoient péri par suite de ses dispositions. Le nombre des victimes alloit croissant tous les jours. On les conduisoit par soixantaine à l'échafaud, quand la mort du chef des bourreaux vint arrêter le cours de ces massacres juridiques.

1794. qui cherchent à anéantir la liberté, soit par la force, soit par la ruse.

«6. Sont réputés ennemis du peuple ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, ou cherché à avilir ou à dissoudre la représentation nationale, et le gouvernement révolutionnaire, dont elle est le centre;

« Ceux qui auront trahi la république dans le commandement des places ou de l'armée, entretenu des intelligences avec les ennemis de la république, travaillé à faire manquer les approvisionnements et le service des armées;

« Ceux qui auront cherché à empêcher l'approvisionnement de Paris, ou à causer la disette dans la république;

<< Ceux qui auront secondé les projets des ennemis de la France, soit en favorisant la retraite ou l'impunité des conspirateurs et de l'aristocratie, soit en persécutant et calomniant le patriotisme, soit en corrompant les mandataires du peuple, soit en abusant des principes de la révolution, des lois, ou des mesures du gouvernement par des applications fausses et perfides;

<< Ceux qui auront trompé le peuple, ou les représentants du peuple, pour les induire à des démarches contraires aux intérêts de la liberté;

« Ceux qui auront cherché à inspirer le

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