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découragement, pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la république ;

« Ceux qui auront répandu de fausses nouvelles, pour diviser ou pour tromper Le peuplo;

« Ceux qui auront cherché à égarer l'o pinion, à dépraver les mœurs, à corrompre la conscience publique, à altérer la pureté des principes révolutionnaires, soit par des propos, soit par des écrits, soit par toute autre machination;

« Les fournisseurs de mauvaise foi, et les dilapidateurs de la fortune publique; « Les fonctionnaires publics qui abuseront de leurs fonctions pour vexer les patriotes et opprimer le peuple, etc.

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7. La peine portée contre tous ces délits; dont la connoissance appartient au tribunal révolutionnaire, est la mort.

« 8. La preuve nécessaire pour condamner les ennemis du peuple, est toute espèce de document, soit matériel, soit moral, soit verbal, soit écrit, qui peut naturellement obtenir l'assentiment de tout esprit juste et raisonnable; la règle des jugements est la conscience des jurés, éclairée par l'amour de la patrie; leur but est le triomphe de la république et la ruine de ses ennemis; la procédure, les moyens simples que le bon sens indique pour par

1794.

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venir à la connoissance de la vérité dans les formes que la loi détermine.

« 9. Tout citoyen a le droit de saisir et de traduire devant les magistrats les conspirateurs et les contre-révolutionnaires. Il est tenu de les dénoncer dès, qu'il les

connoît.

« 10. Nul ne pourra traduire personne au tribunal révolutionnaire, si ce n'est la convention, les comités de salut public et de sûreté générale, les représentants du peuple, et l'accusateur public.

« 11. La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés, des jurés patriotes. Elle n'en accorde pas aux conspirateurs.

de

Y

« 12. L'accusateur public ne pourra, son autorité privée, renvoyer un prévenu adressé au tribunal, dans le cas où il n' auroit pas lieu à accusation. Il en fera un rapport écrit et motivé à la chambre du conseil, et aucun prévenu ne pourra être mis hors de jugement, avant que la décision de la chambre n'ait été communiquée au comité de salut public, qui l'exami

nera. "

La discussion de ce projet de loi donna lieu à des débats fort extraordinaires, et dans le détail desquels nous croyons devoir entrer, parcequ'ils indiquent les motifs et la cause du grand événement de la chute de Robespierre.

Malgré l'habitude que la convention

avoit d'entendre des projets de loi de mort, celui-ci étonna les plus hardis; la plupart des membres crurent voir l'ange exterminateur planer sur leurs têtes, comme sur le reste de la France. Le silence de la servitude fut interrompu par les murmures de la peur.. Ruamps s'écria: Si une telle loi passe, il ne reste plus aux députés qu'à se brúler la cervelle. Lecointre de Versailles (1) demanda l'ajournement; il fut appuyé par Talien et Bourdon de l'Oise.

Les membres du comité de salut public n'étoient pas accoutumés à tant de résistance; ils crurent voir dans les observations de leurs collègues un commence-ment de révolte. Saint-Just, prenant le ton d'un matamore, dit: Je crois qu'on murmure. Les murmures augmentèrent; mais Robespierre parla, et tout le monde rentra dans le silence : le décret passa sans

difficulté.

Le lendemain, les opposants, plus nombreux et plus assurés de leurs forces, revinrent à la charge, et attaquèrent vivement les dispositions d'un décret qui, sans égard pour leur inviolabilité, les livroit, comme tous les autres citoyens, au glaive des assassins.

(1) Ainsi nommé parcequ'il étoit marchand de toiles à Versailles avant la révolution. C'étoit un parleur téméraire, un patriote sans principes et sans instruction, mais non pas un méchant homme.

1794

1794.

Premier

Bourdon de l'Oise demanda la suppression de cet article. Merlin de Douai, plus adroit, proposa et fit adopter un considérant, qui en détruisoit l'effet.

Ce premier succès enhardit les membres de l'opposition. Charles Lacroix et Ruamps demandèrent une interprétation de l'article qui punissoit de mort la dépravation des mœurs. Mallarmé exigea qu'on lui expliquât le sens de l'art. 11, ainsi conçu :

«La loi accorde pour défenseurs aux patriotes accusés, des jurés patriotes. Elle en refuse aux conspirateurs."

Bourdon de l'Oise revenant à la charge, s'écria : « J'estime Couthon, j'estime le comité de salut public, mais j'estime aussi cette inébranlable montagne qui a plus d'une fois sauvé la république.

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Ces mots n'étoient rien moins qu'un assaut li- appel à la montagne contre la tyrannie du vré à Ro- comité de Robespierre. Celui-ci en ressenbespierre. tit le contre-coup; il en pâlit de crainte autant que de colère, et répliqua ainsi :

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Montagne ! qui sait mieux t'honorer que ceux à qui tu décernas l'honneur de combattre à ta tête? Mais nous ne te confondons pas non plus avec des hommes hypocrites et pervers.

Quels sont ces hommes hypocrites et pervers dont tu parles? interrompt Bourdon de l'Oise.

- Je n'ai point signalé Bourdon de

l'Oise, répondit Robespierre avec un sourire affreux; malheur à qui se nomme.

- Talien veut prendre la parole: Robespierre l'accuse d'avoir tenu des propos contre-révolutionnaires. Talien les nie; Billaud-Varennes les confirme. Tout le monde se tait, tout le monde est surpris d'entendre Billaud-Varennes appuyer une accusation portée par Robespierre; quelques auditeurs soupçonnent avec raison un piége dans ce rapprochement soudain. Les réclamations sont écartées, et le considérant adopté la veille, sur la motion de Merlin de Douai, est révoqué comme injurieux au comité de salut public.

Robespierre connoissoit et craignoit Billaud-Varennes (r); il n'ignoroit ni ses liaisons ni ses projets; il se mit en défense, et rassembla toutes ses forces.

Il avoit pour lui l'état-major de la garde nationale, les comités révolutionnaires, les aboyeurs des sections, le camp de la plaine des Sablons, les ouvriers de celle de Grenelle, les canonniers, et tous les jacobins. S'il avoit eu seulement la moitié du

(1) Billand-Varennes, ex-oratorien et avocat avant la révolution, étoit né à la Rochelle. Il avoit une figure sinistre, l'œil creux et faux, la bouche d'un tigre, la démarche incertaine, et toutes les habitudes d'un Tartufe. Il fut un des directeurs des massacres de septembre, et le plus ardent promoteur des mesures de sang qui furent prises dans la convention. Il est mort à la Guyane.

1794.

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