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1794.

put supporter le spectacle. Fatigué de son vain titre, et consterné des maux de sa patrie, il signa sans résistance et sans réflexion l'acte d'abdication que le prince Repnin lui présenta au nom de Catherine. Ceci se passoit au mois de novembre 1795.

Les armées russes, répandues dans toute la Pologne, eurent peu de peine à dissiper les corps de partisans qui survécurent à la chute de leur patrie, et qui parcoururent le pays sans but et sans point de ralliement. Dès-lors la Pologne, entièrement soumise, fut définitivement partagée entre la Russie, l'Autriche, et la Prusse. Elle cessa d'être une nation.

Cette révolution de la Pologne eut une grande influence sur les affaires de France. Les premiers succès de la confédération, la levée du siège de Varsovie avoient déterminé le roi de Prusse à signer le traité de Bâle, et furent pour lui un motif plausible de retirer son armée des bords du Rhin. Mais la catastrophe qu'entraîna la prise de Varsovie releva les prétentions des puissances coalisées. On pensa que Suwarow et les Russes, après la gloire qu'ils venoient d'acquérir en Pologne, porteroient par-tout la terreur, et gagneroient aisément la cause des rois contre celle des peuples. Ainsi s'évanouirent les espérances de paix que les succès des armées françoises avoient pu faire conce

voir. La continuation de la guerre fut donc résolue dans les cabinets de l'Europe.

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C'étoit aussi le vœu du gouvernement Guerre françois. On avoit déja lancé à la tribune intermi. de la convention des anathèmes contre nable. ceux qui soupiroient après la paix. « La guerre est finie, disoit l'orateur! Ne voyezvous pas les aristocrates qui sourient à cette opinion et qui la partagent?... Citoyens, vous ne jouirez des douceurs de la paix qu'après avoir précipité dans le cercueil tous ces prétendus amis de la paix. Quel est donc ce monstre à deux faces qui, d'un côté, sous les traits doucereux du modérantisme, essaie de séduire les hommes sensibles, et de les conduire tout doucement dans les bras de la ty

rannie...? >>

N'oublions pas de remarquer que c'est après le 9 thermidor, et trois mois après la mort de Robespierre, qu'on tient à la tribune, et qu'on applaudit dans l'assemblée, ces phrases dignes de lui. C'étoit, d'une part, l'effet des réactions qui s'annonçoient dans les provinces méridionales; et, de l'autre, celui des remords qu'éprou voient la plupart des membres de cette assemblée. Aucun d'eux n'avoit oublié les maux qu'ils avoient faits aux royalistes; et plutôt que de retourner au régime ui devoit rendre à ceux-ci leur pouvoir, ils aimoient mieux reprendre le joug de Ro

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Guerre

bespierre, et faire une nouvelle alliance avec ses anciens partisans. C'est là ce qui explique la rechute des thermidoriens dans leurs vieilles habitudes, et l'obstination que mit l'assemblée à éloigner la paix. La guerre fut mise à l'ordre du jour, pour nous servir du jargon de ce temps-là : toutes les mesures furent prises pour la suivre avec plus de vigueur que jamais.

Nous avons laissé Pichegru maître de étran- la Hollande. Utrecht et Amersfort s'étoient gère. rendus le 17 janvier 1795. Le même jour le Lech fut passé, les lignes de la Greb furent emportées, et quatre-vingts pièces de canons prises. Le 18, Gertruydemberg capitula, après quatre jours de bombardement. Le 21, Gorcum, Dordrecht, et Amsterdam, furent occupés. Le Stathouder s'étoit sauvé en Angleterre. La marche des François avoit plutôt l'air d'un triomphe que d'une invasion. Le flegme hollandois ne se démentit pas dans cette

occasion.

Moreau, qui commandoit l'aile droite de l'armée de Pichegru, contribua d'abord à ses victoires, et ensuite les assura par le plan de défense qu'il conçut, et qui obtint tout le succès qu'il méritoit.

Daendels, général hollandois, s'étoit réfugié en France lors de la révolution de son pays, en 1788. Dumouriez l'employa comme lieutenant-colonel dans son expé

dition contre la Hollande en 1793, et Pichegru en 1794. Il servit dans la division du général Moreau, et se distingua aux affaires de Tournay, de Courtray, et d'Ingel-Munster. Il rentra, en 1795, au service de sa patrie.

Pendant ce temps-là, nos troupes pénétroient en Espagne par la vallée de Batzan. Cette vallée, d'environ six lieues de longueur, est bordée par de hautes montagnes et resserrée dans une largeur très inégale. Elle avoit déja été attaquée et franchie en 1521 par l'amiral Bonnivet, en 1718 par le maréchal de Berwick. Ce fut pendant la nuit du 7 octobre 1794 que le général Moncey y pénétra à la tête de quatre colonnes, attaqua brusquement les retranchements espagnols, culbuta tous leurs postes, passa la Bidassoa, et s'empara de Fontarabie, où il trouva d'immenses provisions son armée en avoit le plus pressant besoin. C'étoit toujours dans les magasins de l'ennemi que, dans ce temps-là, nos armées s'approvisionnoient.

Après trois jours de repos, Moncey s'avança vers le Port du Passage, et se rendit maître des hauteurs de Saint-Sébastien. La terreur qui le précédoit avoit saisi tous les habitants.

La Tour-d'Auvergne, chargé de leur faire une sommation, entra seul dans

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leur ville. Aux talents guerriers, à une figure imposante, La Tour-d'Auvergne joignoit l'habitude de la langue espagnole et une éloquence militaire singulièrement persuasive. Il harangua le peuple, et détermina les alcades à signer une capitulation. Les clefs furent apportées par les magistrats et présentées en grand appareil aux commissaires de la convention qui accompagnoient le général Moncey.

Ces succès rapides n'étoient pas dus à la fortune seule. Des mesures sagement combinées les avoient préparés longtemps d'avance. La valeur des troupes et la conduite des généraux les accomplirent.

Du côté des Pyrénées orientales les armées étoient restées quelque temps en présence et dans l'inaction; mais le général Dugommier s'étant rendu maître de Bellegarde après une longue et honorable défense de la part du commandant espagnol, Valle - Santara, préparoit un mouvement décisif. Il attaqua l'ennemi sur la Montagne-Noire. Dans la chaleur de l'action il fut atteint d'un obus à la tête, et mourut sur le champ de bataille. Le général Pérignon, qui prit le commandement à sa place, poussa les Espagnols jusqu'à Figuerras. La ville se rendit dès la première sommation, et peu de jours après, le fort, une des clefs de l'Espagne, suivit cet exemple.

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