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de la Bretagne, où ils pouvoient plus qu'ailleurs se recruter et se défendre.

Ils se mirent en marche, et arrivèrent au Mans, où ils entrèrent après une foible résistance. Ils comptoient séjourner dans cette ville, et y prendre un peu de repos dont ils avoient grand besoin. Mais le lendemain de grand matin ils furent attaqués sur plusieurs points par Westerman. On se battit aux portes et dans les rues avec acharnement; le sang ruisseloit dans les rues et dans les maisons; les républicains ne faisoient point de quartier : les Vendéens ne reconnoissoient plus la voix de leurs chefs. Le massacre fut affreux, la déroute fut compléte. M. de La RocheJaquelein fut un des chefs qui parvint à se sauver; il gagna les bords de la Loire, où les débris de son armée vinrent le rejoindre par différentes routes. Au moment où il s'embarquoit sur un radeau, vis-à-vis d'Ancenis, une colonne républicaine parut tout-à-coup sur la rive, tomba avec impétuosité sur ses malheureux compagnons, qui, restés sans général et sans vivres, furent contraints de se replier sur Savenay, où la famine et les baïonnettes achevèrent de les exterminer.

M. de La Roche-Jaquelein survécut quelque temps à ces désastres, et crut pouvoir les réparer. Après avoir passé la Loire, il gagna le haut Poitou, et par

vint à former une petite armée, avec laquelle il battit souvent les républicains; mais il fut battu lui-même dans la forêt de Vesins. Quelques jours après, le 4 mars 1794, en se portant de Trementine sur Nouaillé, où il avoit remporté un léger avantage, il aperçut deux grenadiers républicains. Les siens voulurent tomber sur eux. Non, dit-il, je veux leur parler. Il courut en criant: Rendez-vous, je vous fais grace. L'un des grenadiers se retourne, tire sur lui à bout portant, et le tuc.

Henri, marquis de La Roche-Jaquelein n'avoit que vingt-deux ans quand il mourut, et déja sa carrière étoit pleine de gloire. Il étoit l'idole de l'armée. Les Vendéens ne parlent encore de lui qu'avec amour et fierté. Il n'y a pas, dans tout le Poitou, un paysan qui ne chante les exploits de La Roche-Jaquelein, et dont les regards ne s'animent quand il raconte qu'il a servi sous ce vaillant jeune homme.

que

Nous sommes encore trop près des événements, trop pénétrés des premières impressions que nous en avons reçues pour examiner de sang-froid, et encore moins pour décider avec impartialité de quel côté sont les torts de la guerre de la Vendée, et pour oser dire qui, à cette époque, des royalistes ou des républicains furent les sujets fidéles à leur pays, ou les

rebelle.

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Dans ces grandes querelles d'opinion qui soudain séparent une nation en deux, et après avoir fait couler des torrents de sang, laissent dans les esprits de longues traces d'humeur et de préoccupation, il n'est pas toujours facile, et il seroit souvent téméraire de prononcer un jugement équitable entre les vainqueurs et les vaincus.

Tant qu'une nation est encore agitée, ce qu'on appelle les droits, le patriotisme, les lois, et la légitimité, n'a rien de fixe rien de démontré. C'est en vain qu'on allégue des titres: la force a les siens, comme la tradition.

Le temps seul, dont personne ne méconnoît l'autorité, casse ou confirme les arrêts que nous prononçons dans la chaleur de nos débats, et auxquels nous attachons toujours une importance proportionnée à l'aveuglement dont nous sommes frappés.

Mais, de quelque parti qu'on soit, on ne peut s'empêcher de lire avec intérêt l'histoire de la guerre de la Vendée, on ne peut s'empêcher d'admirer l'humanité des chefs vendéens, la bravoure des soldats, et les nombreux faits d'armes de

tous.

Nous n'en pourrions pas dire autant de la guerre de la chouanerie, qui suivit celle de la Vendée, et qui, pendant cinq ans,

désola les provinces de Bretagne et de Normandie.

L'origine du nom de chouans est fort incertaine, et non moins indifférente. Mais il n'est pas indifférent de savoir que, ni dans son principe, ni dans ses effets, cette guerre n'eut rien de commun avec celle de la Vendée; et il est certain que les chouans n'ont pas fait moins de mal que les républicains à la cause de la monarchie.

Quels ont été leurs exploits pendant cinq ans? Des pillages de voitures, des vols de grand chemin, des assassinats commis de sang-froid. Des caisses publiques furent pillées, des villes furent rançonnées; les acquéreurs de biens nationaux furent immolés. Les deux belles provinces de Bretagne et de Normandie furent ravagées, et non protégées par les partis qu'ils y avoient formés. Nantes, surpris, fut un moment en leur pouvoir. Paris même fut alarmé quand on y apprit qu'ils s'étoient rendus maîtres de SaintBrieux et du Mans. Des chefs dont les noms sont imposants dirigeoient les mouvements de la chouanerie.

La conduite impolitique et souvent cruelle du gouvernement jetoit tous les mécontents dans leur parti. Mais l'injustice, en provoquant des vengeances, ne les justifie pas, et des vengeances atroces ne peuvent que rendre odieuse la cause

1795. Guerre chouane

de la

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Affaire de

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au nom de laquelle on les exerce. Aucune considération humaine ne peut empêcher l'historien de voir et de présenter sous les couleurs du crime les crimes dont la monarchie fut le prétexte, dont la haine et la cupidité furent les causes, et dont l'esprit de parti fut l'aveugle instrument.

Nous arrivons à cet événement déplorable où le François, armé et abandonné par l'étranger, vint, sur sa terre natale, chercher la mort dans les combats, et la trouva sur les échafauds, dans l'exécution rigoureuse d'une loi barbare. Ce ne fut qu'en mourant que ces infortunés émigrés reconnurent la faute capitale qu'ils avoient commise en plaçant leur confiance dans la fausse générosité d'une nation rivale, qui, dans l'expédition dont nous allons parler, laissa pénétrer son secret, et calcula moins ce qu'elle pouvoit gagner que ce qu'elle pouvoit faire perdre

à la France.

Depuis le commencement de l'émigraQuibe- tion, beaucoup de gentilshommes françois s'étoient réfugiés en Angleterre, où ils avoient été d'abord accueillis par l'humanité, et ensuite encouragés par l'esprit de parti, qui vit en eux les ennemis du gouvernement nouveau qui s'établissoit en France. Dans le nombre de ces gentilshommes étoient compris presque tous les officiers de la marine royale, et ceux du

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