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1795.

Journée

er

prairial.

fut, le 17 germinal, que d'une once et de-
mie par tête. Mais ce qui prouve que ce
pas
le pain qui manquoit, c'est
qu'on s'en procuroit autant qu'on vouloit
à 20 francs la livre.

n'étoit

Le 1er prairial (20 mai 1795), la séance du 1 s'étoit ouverte sous des auspices tranquilles en apparence. Un membre monte à la tribune et dit: La révolte s'organise; vos comités me chargent de vous l'annoncer, et de vous lire le manifeste que voici :

« Le peuple, considérant que le gouvernement le fait impitoyablement mourir de faim, que sa conduite est arbitraire et tyrannique; considérant qu'on ne peut exister sous un pareil régime; considérant que, par l'abus le plus énorme des pouvoirs, les citoyens ont été massacrés ou emprisonnés pour avoir osé demander du pain, ou pour avoir émis leur opinion sur la constitution; considérant que les gendarmes ont été tirés de nos armées pour asservir le peuple: arrête que l'insurrection est le plus saint et le plus sacré des devoirs; qu'aujourd'hui, sans plus différer, tous les citoyens des sections se porteront en masse à la convention pour demander sommes obligés de dire que la dépréciation des assignats étoit telle alors qu'au prix marchand le pain valoit 20 francs la livre, la viande 40 fr., la chandelle 100 fr., le beurre 70 fr., une paire de souliers 400 fr., une paire de bottes 2006 fr. etc... Peu de temps après, le louis d'or s'éleva à 24,000 fr.

du pain et l'abolition du gouvernement révolutionnaire, dont chaque section abuse pour opprimer le peuple; la proclamation, dans le jour, de la constitution de 1793; la destruction du gouvernement actuel et son remplacement; l'arrestation de tous les membres qui le composent, et la mise en liberté de tous les citoyens arrêtés et détenus pour avoir demandé du pain; la convocation des assemblées primaires pour le 25 avril, afin de renouveler les autorités constituées, et de remplacer la convention par une assemblée nationale et législative au 25 messidor; et pour l'exécution, afin d'assurer le respect dú aux représentants de la nation, les barrières de Paris seront fermées : ceux des représentants entraînés hors de leur poste seront réunis à la convention; les personnes et les propriétés seront mises sous la sauve garde du peuple, qui s'emparera de la rivière, du télégraphe, du canon d'alarme et des tambours.

« Il sera formé un comité composé d'un commissaire de chaque section, pour délivrer des passeports à ceux qui doivent sortir de Paris pour l'approvisionner. Les citoyens employés à l'arrivage des subsistances pourront seuls en sortir. Les canonniers, les gendarmes, les troupes à pied et à cheval qui se trouvent à Paris ou dans les environs, sont invités à se

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rallier sous les drapeaux du peuple. Tout agent du gouvernement, ou autre fonctionnaire public, qui tenteroit de s'opposer à l'insurrection, sera regardé comme ennemi du peuple et traité comme tel. Tout pouvoir non émané du peuple est suspendu en conséquence, tout fonc tionnaire et agent du gouvernement qui n'abdiquera pas à l'instant les fonctions du gouvernement sera regardé comme tyran ou partisan de la tyranniè, et traité comme ennemi du peuple, ainsi que tout homme qui proposeroit de marcher contre le peuple.

Le mot de ralliement des insurgés est du pain et la constitution de 93. Les drapeaux porteront cette légende, et tous ceux qui ne l'auront pas à leur chapeau seront regardés comme affameurs du peuple. Le peuple ne se rasseoira que lorsqu'il aura rétabli l'ordre dans les subsistances, consolidé la liberté, mis en activité la constitution de 93. Il sera fait une adresse aux armées pour les instruire des motifs de l'insurrection et de ses succès. »

Il étoit évident qu'un plan conçu, rédigé et publié avec autant de précaution, n'étoit plus un acte d'insurrection_soudaine, produite par l'exaltation de la colère ou par l'entraînement du fanatisme, C'étoit le résultat d'une profonde combinaison: il prouvoit que tous les malheu

reux qu'on avoit arrêtés, dans les journées précédentes, comme chefs de complot, n'étoient que de vils mannequins, ou tout au plus des agents secondaires. Cette lecture étoit à peine finie, que les applaudissements bruyants et réitérés des tribunes avertirent l'assemblée qu'elle étoit déja entourée d'ennemis. Il fallut employer la force pour faire évacuer ces tribunes insolentes. André Dumont proposa à ses collègues de renouveler le serment de défendre les droits de l'assemblée, ou de mourir à leur poste. L'assemblée se leva tout entière en signe d'adhésion.

Alors on vint présenter au nom du comité des mesures de défense contre l'attaque qui se préparoit. Voici les principales:

«La ville de Paris fut rendue responsable de la sûreté de la représentation nationale. Tous les citoyens en âge de porter les armes furent appelés, et tenus de se rendre à leurs sections. Tout chef d'attroupement fut mis hors la loi. La convention se déclara en permanence. On adressa une proclamation aux citoyens de la capitale; huit députés, parmi lesquels on distinguoit Henri Larivière et Lahaye, furent chargés de la porter aux sections.... »

Tout-à-coup un bruit tumultueux se fait entendre aux portes de la salle. Elles

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sont enfoncées; des femmes, des furies, se précipitent en foule au milieu des députés, criant du pain et la constitution de 93, et mêlant à leurs cris des imprécations ét des menaces.

Vernier présidoit : il essaya de calmer leur fureur en leur disant : « Le pain que vous demandez est l'objet de notre constante sollicitude. Vos cris ne hâteront pas l'arrivage des subsistances, ils ne feront que le retarder. » Cette foible réponse, loin d'intimider les hardies poissardes auxquelles elle s'adressoit, ne fit que les encourager. Leurs cris recommencèrent, et à leurs vociférations se joignirent celles des tribunes.

Le tumulte alloit en augmentant. Vernier, intimidé, quitta le fauteuil, et fut remplacé par André Dumont. Celui-ci le fut bientôt après par Boissy-d'Anglas, qui donna aussitôt l'ordre de repousser la force par la force.

Les gendarmes firent évacuer les tribunés, et retirer la foule de l'enceinte de la salle, jusqu'au vestibule, qu'on appeloit la salle de la liberté. Là, le choc fut violent, parceque la foule qui arrivoit de dehors fermoit toutes les issues à la foule qui sortoit. Plusieurs députés s'y portèrent en armes. Auguis, l'un d'eux, y parut le sabre à la main, et à la tête d'une troupe armée; il se jeta sur le point où la

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