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1795.

dont les noms suivent : Romme, qui avoit occupé la tribune, et proposé des décrets au nom des rebelles; Le Carpentier, connu par ses massacres dans les départements de la Manche et d'Ile-et-Vilaine ; Pinet, l'oppresseur de la Biscaye et des provinces espagnoles conquises par les François; Borie, l'émule sanguinaire de Collot-d'Herbois; Fayau, un des fléaux de la Vendée; Duquesnoy, aussi féroce que Joseph Lebon, dont il fut le complice; Bourbotte, ami et conseil du fameux Rossignol, l'un des bourreaux de septembre; Rhul, qui disoit, comme Marat, que la France ne jouiroit de sa liberté que lorsqu'elle seroit délivrée de tous les prêtres et de tous les nobles; Soubrany, jeune homme exalté par l'amour de la liberté; Goujon, auquel on n'eut à reprocher que ses liaisons avec les conspirateurs; Peyrard, ancien garde du corps, et l'un des plus fougueux ennemis de la monarchie, etc.... Ils furent arrêtés, au nombre de vingt-neuf, traduits devant les tribunaux, et condamnés, les uns à une détention temporaire, les autres à mort. Quelques uns de ces derniers, après avoir entendu leur arrêt, se poignardèrent, et moururent avec le même courage et le même sang-froid que les Girondins qu'ils avoient envoyés à l'échafaud l'année pré

cédente.

Tout paroissoit fini. La nuit étoit avancée. Les comités étoient rentrés en exercice, et avoient repris leur autorité. La convention crut donc pouvoir, sans danger, suspendre sa séance, et aller prendre quelque repos. Ce court intervalle ne fut pas perdu pour ses ennemis. Ceux-ci, échappés au premier choc des sections, s'étoient réfugiés à l'Hôtel- de - Ville, avoient nommé une municipalité, et arrangé le plan d'une autre attaque.

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Dès que le jour parut, ils détachèrent Journée un parti d'ouvriers, qui, traînant quatre du 2 praipièces de canon, s'avancèrent jusqu'à la rial. place du Carrousel. Les comités, pris au dépourvu, furent obligés de parlementer, de promettre le redressement de tous les torts, et de jeter quelque argent au milieu de ces mercenaires: ils les déterminèrent à se retirer.

Mais en se retirant ils jugèrent à propos d'arracher des mains de la gendarmerie l'assassin du député Féraud, qui déja étoit arrivé au pied de l'échafaud; ils le placèrent au milieu d'eux, comme dans une place de sûreté, et l'emmenèrent dans le faubourg Saint-Antoine, où leurs amis se rassembloient derrière de forts retranchements. L'affaire étoit plus engagée que jamais, et tout annonçoit que le sang ne tarderoit pas à ruisseler dans les rues de Paris.

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La convention se rassembla à la háte, fit demander un prompt rapport à ses comités; et, reconnoissant l'éminence du danger qu'elle couroit, elle jugea qu'elle n'avoit plus de mesures à garder avec des brigands qui n'en gardoient plus avec elle.

Les habitants de Paris, guidés par le seul instinct de leur conservation, étoient sous les armes, et se tenoient dans leurs sections respectives. La convention chargea trois de ses membres, Delmas, Gillot, et Aubri, d'instruire et de rallier les bons citoyens, d'en former une armée, d'en nommer le général et les officiers, et de marcher sans délai contre les rebelles.

Une armée de trente mille hommes fut bientôt formée. Pichegru en fut nommé le commandant. Son nom seul valoit une autre armée. Il ne perd pas un instant; il fait avancer ses canons et ses mortiers, il cerne le faubourg, et lorsque toutes ses dispositions, sont faites, il envoie aux rebelles un parlementaire, chargé de leur déclarer «que si, dans une heure, ils ne livrent pas toutes leurs armes, et, de plus, les chefs de la révolte, ils n'ont plus de grace à espérer; le faubourg sera bombardé, et toutes les maisons réduites en cendres.

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Cette menace terrible, faite par un homme qui ne menaçoit pas en vain, produisit son effet. Avant que l'heure don

née fût écoulée, toutes les armes étoient livrées, le faubourg soumis, et les chefs de la révolte amenés devant le général.

Parmi ces chefs, on remarquoit Bouchote, ancien ministre de la guerre, espèce de mannequin docile entre les mains des plus ardents révolutionnaires; Pache, ancien maire de Paris, que madame Roland a très bien peint dans ses Mémoires, en le représentant comme un vil et odieux tartufe; Marchant, échappé aux suites de la conspiration d'Hébert; Audouin, méchant écrivain, et rédacteur d'un Journal universel; Héron, l'un des agents de l'ancien comité de sûreté générale (1)..... Ils furent tous traduits devant une commission militaire, qui condamna les uns à la détention, les autres à la déportation, un petit nombre à la peine de

mort.

La réflexion fit naître l'indulgence après la victoire. La convention se doutoit qu'il y avoit dans ces complots dirigés contre elle des moteurs étrangers qui avoient un égal intérêt à se défaire et des vainqueurs et des vaincus; qui ne tendoient qu'à la

(1) Ces hommes, qui jetèrent alors un certain éclat, sont aujourd'hui complètement oubliés. Les réputations que fait l'esprit de parti s'élèvent et tombent avec lui. C'est une vérité constante qu'il faut répéter quelquefois, pour expliquer l'énigme et dissiper la vapeur de quelques réputations de nos jours.

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décimer en la divisant, et qui avoient formé le projet de la perdre par elle

même.

Ce n'étoit pas la première fois qu'on lui avoit tendu ce piége: elle l'évita cette. fois-ci, et se contenta de prendre les précautions nécessaires à la sûreté publique, comme à la sienne.

Elle établit un camp d'abord dans le jardin même des Tuileries, puis dans la plaine des Sablons, dans le lieu même où, campèrent, un an auparavant, les jeunes satellites de Robespierre, connus sous le nom d'élèves de la patrie. Elle fit désarmer les faubourgs, et fermer les clubs, foyers continuels de murmure et de révolte. Elle décréta que les femmes seroient désormais exclues des tribunes de l'assemblée, et que les hommes n'y seroient admis qu'avec des cartes personnelles, et délivrées par ses comités....

Lorsque cette longue et menaçante crise fut apaisée, les comités de gouvernement proposèrent, et la convention adopta le projet d'une pompe funebre en l'honneur du député Féraud, assassiné par les rebel-, les. Mirabeau, Félix Lepelletier, et Marat avoient obtenu les mêmes honneurs sans gagner plus d'estime dans l'opinion publique. Les hommes sages de la convention ne l'ignoroient pas; mais ils crurent devoir cet hommage moins à la mé

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