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1795.

Guerre

un seul chef, qui avoit reçu du comité de salut public l'ordre de se tenir sur la défensive.

L'armée ennemie, forte de cent cind'Italie. quante-cinq mille hommes, se composoit de quarante-cinq mille Autrichiens, dix mille Napolitains, cent mille Piémontois, y compris les milices et les Barbets.

On appelle ainsi les habitants sauvages des Alpes, connus dans toutes les guerres d'Italie, et renommés par leur adresse et leur légèreté dans la guerre des montagnes.

Le général Kellermann commandoit l'armée françoise, ayant sous ses ordres Masséna, qui appuyoit sa droite au poste de Vado; et Moulins, qui tenoit à sa gauche les passages du Mont-Cénis et du Mont-Saint-Bernard.

Il entroit dans le plan offensif de l'ennemi de couper la ligne des François, en séparant l'aile droite du centre, et par cette opération d'intercepter leurs communications avec Gênes, et d'en ouvrir une, pour son compte, avec la flotte angloise qui croisoit dans ces parages.

A cet effet, les Autrichiens portèrent de grandes forces sur le poste de Vado, que défendoit Masséna. Ils furent repoussés deux fois; leur troisième attaque fut plus heureuse. Après un combat de huit heures, Masséna fut contraint de céder,

et de se replier sur Final. Cette retraite dérangea le plan de Kellermann, qui, avant de songer à reprendre le terrain perdu, résolut d'attendre les renforts que Schérer lui amenoit de l'armée des Pyrénées.

Pendant deux mois les opérations de la campagne ne furent de part et d'autre que des escarmouches et des surprises avec des succès variés. Mais le général françois atteignit une partie de son but en couvrant le comté de Nice, et en conservant les passages dont il avoit besoin pour reprendre l'offensive.

Cette guerre de poste, si difficile et si nécessaire dans les montagnes; cette tactique de marches, de positions et de reconnoissances, où la tête agit plus que les bras, où la pensée dirige toujours l'action et décide le succès, où le succès n'est pas marqué par des affaires d'éclat que la renommée publie; cette tactique, disonsnous, avoit été singulièrement perfectionnée par les généraux Bourcet, Berthier et Andréossi, qui servirent tous les trois dans l'armée d'Italie.

Le 4 vendémiaire, le général Schérer arriva à l'armée d'Italie, dont il prit le commandement. La campagne se prolongea pendant l'hiver, et fut liée par des événements de peu d'importance aux grands succès qui ouvrirent la campagne

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suivante, sous le commandement de BuoGuerre naparte.

sur le

Rhin.

Avant de nous en occuper, nous devons porter nos regards sur le Rhin, où deux cent mille hommes sur chaque rive passèrent trois mois à manœuvrer, à s'observer, à déployer tout ce que l'art de la guerre a de ressources et de stratagèmes. Le temps n'étoit pas encore venu, mais il n'étoit pas éloigné, où un général habile autant qu'audacieux alloit trouver le secret de terminer les plus importantes guerres en trois mois, de gagner des batailles en coupant les armées de son ennemi, et de rendre vaines, par son activité, les savantes manœuvres étudiées à l'école des Turenne et des Montécuculli.

Pichegru commandoit en personne l'armée du haut Rhin et dirigeoit en même temps tous les mouvements de l'armée de Sambre-et-Meuse et de celle du Nord, que commandoit le général Jourdan.

Il avoit en tête deux des plus habiles généraux autrichiens, le général Wurmser, dont l'armée occupoit la rive opposée à celle qu'occupoit la sienne; et le général Clairfait, dont l'armée s'étendoit depuis Manheim jusqu'à Dusseldorff.

Quoique tous les princes de l'empire parussent engagés dans cette guerre, l'Autriche seule y mettoit du zéle, du courage et de la bonne foi; elle seule en supportoit le poids.

Les états prussiens en Westphalie formèrent un cordon de neutralité que leur armée gardoit, en couvrant la droite des armées de l'empire.

Plusieurs princes, entre autres l'électeur palatin, négocioient déja leur paix particulière avec le comité de salut public. On négocioit avec activité au milieu des plus redoutables préparatifs de la guerre.

La diete de Ratisbonne avoit accepté la médiation du roi de Prusse, et demandoit le statu quo, c'est-à-dire que toutes choses fussent remises au même état qu'avant la guerre. Le comité de salut public exigeoit, pour première condition du traité,

que

le Rhin servit de limites aux deux empires. Cette condition fut refusée, et les armées françoises reçurent l'ordre de passer le Rhin. Le fructidor, à trois heures du matin, le général Jourdan passa le fleuve sur trois points, à Neuwied, à Bonn et à Dusseldorff, tandis que Pichegru le passoit à Manheim.

Cette opération fut si habilement combinée, qu'elle n'éprouva aucun obstacle, qu'elle ne coûta pas un homme. Elle étoit le résultat des plans de Carnot et des manœuvres de Pichegru. Il régnoit alors entre le comité de salut public et les généraux un accord si parfait et une telle harmonie, que, sur un développement de

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1795. plus de cent cinquante lieues, nos armées ne paroissoient former qu'un seul corps, animé, conduit et dirigé par le même esprit et par une seule volonté.

Après avoir chassé les troupes peu nombreuses qui étoient devant lui, Jourdan s'avança rapidement et prit position sur le Mein. Il comptoit sur la ligne de neutralité de la Prusse. Mais les Autrichiens ne se firent aucun scrupule de la violer; ils tournèrent l'armée de Jourdan, à qui cette manœuvre fit perdre la tête et les avantages de sa position. Après de légers combats il se retira précipitamment sur Cologne, et cette retraite se fit dans le plus grand désordre. La perte en hommes fut peu considérable, mais les suites en furent désastreuses.

M. de Clairfait, qui, dans cette campagne, déploya de grands talents, voyant les François en pleine déroute, abandonna leur poursuite, laissa un corps peu nombreux devant Dusseldorff, se porta à marches forcées sur Mayence, entra le soir dans cette ville à la tête d'un corps d'élite, en sortit le lendemain à la pointe du jour, et attaqua vivement la ligne de circonvallation. Les François, qui n'apprirent son arrivée qu'en voyant son armée se déployer entre eux et une ville qu'ils assiégeoient depuis deux mois, furent obligés d'abandonner à la hâțe leurs

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