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DE FRANCE

DEPUIS LA MORT DE LOUIS XVI

JUSQU'AU TRAITÉ DU 20 NOVEMBRE 1815.

PREMIÈRE ÉPOQUE.

RÉGIME DE LA TERREUR: DEPUIS LA MORT DE LOUIS XVI
JUSQU'A LA CHUTE DE ROBESPIERRE,

LES mêmes causes qui ébranlent les empires jusque dans leurs fondements, jettent les meilleurs esprits dans un désordre qui va souvent jusqu'à leur ôter l'usage de la raison. Lorsque tout change à-la-fois de place, de forme et de couleur, lorsqu'il faut oublier ce qu'on sait, mépriser ce qu'on étoit accoutumé à respecter, apprendre des choses inouïes et se soumettre à des autorités inconnues; le jugement s'égare aisément, les idées s'obscurcissent; il n'y a plus ni règle, ni boussole. Malheur aux contemporains des grandes révolutions! une terrible expérience se fait à leurs dépens. Aucun d'eux n'en recueil

1793.

1793.

Louis

XVI.

lera le fruit; tous auront contribué, les
uns par
leur action, les autres par leur
résistance, à se précipiter dans l'abyme;
et la postérité, qui les jugera, accusera
les fautes de tous, sans distinction de par-
ti, sans égard ni aux vainqueurs, ni aux
vaincus.

Si l'on ne doit juger les actions des hommes que sur l'intention, si les magistrats qui tiennent en main la balance de la justice distinguent scrupuleusement les délits échappés au premier mouvement de la colère, des crimes commis avec préméditation, à plus forte raison, l'historien doit-il se garder de confondre avec les scélérats qui ont profondément médité les crimes du 14 juillet, du 10 août, du 2 septembre, du 21 janvier, cette foule de misérables qu'ils enrôlèrent sous leurs drapeaux, et qu'ils entraînèrent à leur suite.

Certes, l'assassinat judiciaire de Louis XVI fut un grand crime, et un crime d'autant plus grand que sa punition inévitable devoit retomber sur la nation tout entière. Mais il ne faut pas croire que tous ceux qui condamnèrent cet infortuné monarque, fussent également coupables. Il y avoit parmi eux de grands scélérats, mais il y avoit encore plus d'hommes égarés par ce délire dont j'ai parlé plus haut ; d'hommes abusés par la peur, et d'imbécilles qui ne savoient ce qu'ils faisoient,

Les trois cent quatre-vingt-sept membres de la convention qui votèrent la mort du roi (1) n'étoient eux-mêmes que les exécuteurs de l'arrêt fatal qui avoit été porté contre ce malheureux prince, plusieurs années auparavant. Il est temps de dire que la catastrophe du 21 janvier 1793 ne fut que le dernier acte d'une tragédie, dont le 14 juillet 1789 doit être regardé comme le premier.

Le 14 juillet lui-même étoit préparé de longue main par une suite d'opérations antimonarchiques, dont les véritables auteurs restent encore aujourd'hui cachés derrière la toile. Mais enfin la révolte éclata ce jour-là; ce jour-là les liens de l'obéissance furent rompus, l'armée fut débauchée, la noblesse émigra, le trône perdit tous ses appuis.

Depuis ce moment, le roi resta dans son palais, seul, sans courtisans et sans gardes, exposé aux calomnies des plus infames écrivains, aux outrages de la plus vile populace, aux assauts d'une assemblée séditieuse. Cependant telle étoit la majesté du trône, que les plus audacieux n'osoient encore l'attaquer que de loin. Il y avoit dans les habitudes de la nation un tel esprit d'obéissance, et dans tous les cœurs un

(1) Nombre des votants, 721; pour la mort, 387; pour la mort avec sursis, 46; pour la détention, 286; pour les fers, 2.

1793.

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sentiment de respect si profond pour le monarque, que pour affoiblir l'un et l'autre, il fallut répéter pendant quatre ans les mêmes assauts, les mêmes outrages et les mêmes calomnies. Si, dans le funeste concours de circonstances qui favorisa le succès de ce complot, quelque chose a droit de nous étonner aujourd'hui, c'est la facilité avec laquelle la nation consentit à en être la victime, après avoir refusé pendant si long-temps d'en être la dupe.

Personne ne croit aujourd'hui que Louis XVI ait été ni un tyran, ni un despote, ni un roi sanguinaire, comme on se complaisoit à le dire alors; on ne prend plus la peine de réfuter de pareilles absurdités. Mais on a cru long-temps, et bien des gens croient encore que ce prince avoit un esprit borné, un caractère foible, des intentions équivoques; bien des gens croient encore qu'il ne convoqua les étatsgénéraux que pour se débarrasser des parlements, de la noblesse et du clergé.

A ceux qui conservent encore de telles préventions, nous répondrons par un court résumé des principaux actes de son rėgne.

En montant sur le trône, il avoit trouvé les trésors de l'état épuisés, les dettes accumulées, les anciens services oubliés, les tribunaux renversés, les lois muettes,

la nation humiliée, et tous les courages abattus.

Le premier acte de sa puissance fut la ratification des engagements de ses prédécesseurs, et la garantie de la dette publique. Il rétablit les parlements, que la nation redemandoit à grands cris. Il protégea les travaux de l'agriculture; il encouragea les sciences et les arts; il traça lui-même d'une main savante la carte qui devoit diriger M. de La Peyrouse dans sa navigation: il supprima la corvée et la question préparatoire, il abolit la servitude dans ses domaines, et la peine de mort contre les déserteurs. Il assura la liberté des mers et celle de l'Amérique par le triomphe de ses armes. On n'a point oublié qu'il a créé le port de Cherbourg, rétabli celui de Dunkerque, et délivré la France de la dépendance humiliante où des guerres malheureuses l'avoient réduite.

Aucun de ces faits n'est ignoré des François qui ont reçu quelque éducation; et tous les hommes honnêtes et désintéressés doivent les avouer aujourd'hui avec reconnoissance.

Mais, à l'époque où des sujets rebelles osèrent porter une main parricide sur sa tête auguste, les hommes honnêtes avoient disparu, un délire furieux s'étoit emparé de la plupart de ceux qui composoient

1793.

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