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prolonger les jours du roi qu'il nous donne, et de raffermir la couronne de France sur sa tête, par des victoires, s'il le faut, et plus encore, s'il est possible, par le repentir de ses sujets, et par l'heureux accord de sa clémence et de sa justice.

<< Messieurs, le roi Louis XVII est mort, vive le roi Louis XVIII! »

Louis XVIII adressa de son côté à ses sujets una proclamation, dont nous allons citer quelques passages...

« Les impénétrables décrets de la Providence, en nous appelant au trône, ont établi une conformité frappante entre les commencements de notre régne et ceux de Henri IV, comme s'ils eussent voulu nous avertir de prendre ce grand roi pour modéle. Nous imiterons donc sa noble franchise, et nous commencerons par vous ouvrir notre cœur. Nous avons trop long-temps déploré les fatales circonstances qui nous imposoient un pénible silence; mais aujourd'hui qu'il nous est permis d'élever la voix, écoutez-nous.

« Notre amour pour vous est l'unique sentiment dont nous sovons animés: notre cœur obéit avec délices aux conseils de la clémence : et puisqu'il a plu au ciel de nous réserver, comme Louis-le-Grand, pour rétablir dans notre royaume le rëgne de l'ordre et des lois; comme lui, nous voulons, à l'aide de nos fidéles su

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Échange

de

Madame

jets, remplir cette tâche sacrée, en unissant la justice à la bonté...

« Les triomphes de l'armée prouvent que jamais le courage ne s'éteindra dans le cœur des François, mais cette armée ne sauroit rester plus long-temps l'ennemie de son roi. Elle a conservé son antique bravoure; elle reprendra sa première vertu; elle entendra la voix de l'honneur et du devoir, et suivra leurs conseils. Non, nous ne saurions en douter, le cri de vive le roi! succédera à des clameurs séditieuses, et nos fidéles sujets viendront autour du trône combattre encore pour sa défense, et lire dans nos regards l'oubli du passé.

La tour du Temple renfermoit encore une illustre prisonnière, Marie-Thérèse Royale. de France, fille aînée de Louis XVI et sœur du jeune infortuné qui venoit d'y mourir si misérablement. Echappée comme par miracle à l'échafaud, renfermée, depuis près de trois ans, dans une chambre obscure, privée de tout ce qui pouvoit lui faire chérir la vie, elle avoit conservé son noble caractère, et senti redoubler son courage,

La convention se ressouvint que cette princesse existoit, et que, ne pouvant par l'effet de la loi salique succéder au trône de son père, sa liberté ne devoit causer aucun ombrage aux meurtriers de ses parents.

Depuis les journées de prairial, les jacobins avoient perdu leur audaçe, et la France jouissoit de la liberté que le 9 thermidor lui avoit fait entrevoir. Une députation de la ville d'Orléans vint à la barre de la convention, demander que « « l'orpheline du Temple ne restât pas plus longtemps condamnée à vivre dans les lieux fumants encore du sang de sa famille. »

Cette pétition fut très bien accueillie de l'assemblée, et applaudie de toute la ville. On proposa à l'Autriche un traité d'échange, qui fut accepté; et bientôt après Treilhard annonça qu'aussitôt que les cinq représentants du peuple, livrés avec le général Beurnonville aux troupes impériales, par le général Dumouriez, seroient rentrés en France, on remettroit la fille de Louis XVI à l'envoyé de l'Autriche, Ce traité fut exécuté fidélement de part et d'autre; les cinq députés et le général Beurnonville furent rendus aux François; et le 19 décembre 1795, jour anniversaire de sa naissance, la princesse sortit de la tour du Temple.

La marquise de Soucy, sous-gouvernante des enfants de France, fut chargée de l'accompagner. Pour éviter l'éclat, elle voyagea sous le nom de Sophie; mais elle fut bientôt reconnue; et depuis Paris jusqu'à Huningue, elle reçut par-tout les hommages dus à sa haute naissance et à

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Constitu

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des malheurs inouïs. Par-tout l'esprit public s'amélioroit, et par une réaction salutaire, la convention rentroit insensiblement dans les voies de la justice,et vouloit mettre un terme à la révolution.

L'oubli avoit dévoré, en moins de trois ans, deux constitutions confiées à la loyauté et au patriotisme du peuple françois. Pour donner de la stabilité au nouveau gouvernement, il en falloit une troisième, car on pensoit généralement qu'une nation ne pouvoit plus être ni libre, ni heureuse, sans une charte constitutionnelle. C'étoit un démenti formel donné à l'histoire de tous les âges, mais c'étoit l'évangile du jour.

Le 18 avril 1795, M. Cambacérès fit un rapport sur les lois organiques de la nouvelle constitution. La convention nomma pour examiner cet objet important une commission de onze membres, savoir MM. Cambacérès, Syeyes, Merlin de Douay, Reveillère - Lépeaux, Daunou, Creuzé-Latouche, Louvet, Lesage d'Eureet-Loir, Thibeaudeau, Boissy-d'Anglas et Berlier, tous hommes instruits, et dont la conduite politique garantissoit la sagesse des opinions.

Le 23 juin, Boissy-d'Anglas, au nom de ses collègues lut, dans un discours préliminaire les principes qui avoient dirigé leur travail. Ce discours, dont la lecture

dura trois heures, fut écouté avec un grand intérêt, et reçut des applaudissements, auxquels l'esprit de parti fut toutà-fait étranger.

La constitution, dont il fit ensuite lec ture, parut à tous les hommes sages de l'assemblée, non, ce qu'on pouvoit faire de mieux, mais ce qui étoit le plus convenable dans les circonstances où la France se trouvoit.

Hors de l'assemblée, les hommes d'état furent plus sévères; ils pensèrent d'abord que la déclaration des droits qui précédoit la constitution étoit au moins une précaution superflue, si elle n'étoit pas une instruction dangereuse. Quatre années de troubles, d'insurrections et d'anarchie, avoient suffisamment prouvé le danger de toujours proclamer les droits du peu ple, sans jamais lui parler de ses devoirs.

Depuis vingt-cinq ans, le faux principe d'égalité naturelle,et le système erroné des droits du peuple étoient consacrés dans les conversations de café, dans les jeux du théâtre, dans les édits des magistrats et jusque dans les délibérations des gouvernants. Ce levier étoit nécessaire pour soulever le poids d'une ancienne monarchie; mais il écrasa toujours les mains qui osèrent s'en servir.

L'assemblée constituante commit une faute irréparable par sa fameuse déclara

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