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l'homme par excellence. Il étoit plus qu'un roi ; il fut même question d'en faire un dieu. Le jour de sa chute il parut le dernier des misérables; il n'y a pas une injure qu'on ne lui ait dite, pas un crime qu'on ne lui ait reproché ; il étoit le bouc émissaire de la révolution.

Tels sont les hommes que nous allons voir aux prises, et qui vont se livrer des combats à mort dans l'arène sanglante de la convention. Tous les pouvoirs étoient tombés dans leurs mains. Ils en avoient commencé l'exercice par un forfait inouï, qui appeloit sur eux la haine de la nation, et la vengeance des peuples étrangers.

Ils pensèrent qu'ils pourroient détourner les dangers qui les menaçoient, en déclarant la guerre à tous les rois, et en répandant la terreur en France. Ils répandirent la terreur en France par l'invention des conspirations, par les délations, par la famine, par les visites domiciliaires, par les tribunaux révolutionnaires, par la loi des suspects, par des massacres juridiques et renouvelés tous les jours.

La guerre n'avoit pas discontinué avec la Prusse ni avec l'Autriche; ils la déclarèrent à l'Angleterre, à la Hollande et à l'Espagne. Ils décrétèrent à cet effet une levée de trois cent mille hommes, et une émission de huit cent millions d'assignats.

1793.

1793.

Commen

dée.

L'émission se fit sans difficulté; il n'en fut
pas
de même du recrutement : il excita des
troubles à Orléans, à Autun, à Bordeaux,
à Angoulême..... On auroit pu croire que
ces insurrections partielles alloient deve-
nir autant de noyaux de résistance, et le
principe d'une insurrection générale con-
tre une assemblée qui inspiroit une hor-
reur universelle : il n'en fut rien.

Cette assemblée si odieuse employa si judicieusement et si à propos les forces et les moyens dont elle disposoit, elle trouva si bien le secret de diviser et d'effrayer ses nombreux ennemis, que contre toute vraisemblance, elle vint à bout de les abattre et de les mettre à ses pieds.

La Vendée seule montra de la persévérance; ce grand épisode de la révolution nous occupera souvent dans ces mémoires; il mérite que nous en recherchions la cause, et que nous en suivions les progrès.

Le mouvement d'insurrection commencement de ça sur deux points fort éloignés l'un de la Ven- l'autre à Challans, dans le bas Poitou, et à Saint-Florent-le-Vieux, en Anjou. Il n'y eut aucun concert entre ces deux révoltes: on fut même très long-temps sans savoir dans un de ces cantons ce qui se passoit dans l'autre.

A Saint-Florent, le tirage militaire avoit été indiqué pour le 10 mars 1793; les jeu

nes gens s'y rendirent dans le dessein presque arrêté de ne point obéir. Quand on les vit si mal disposés, on voulut les haranguer leur résistance augmentant toujours, on en vint aux menaces; enfin, la mutinerie se déclarant de plus en plus, le commandant de la gendarmerie fit braquer une pièce de canon sur les mutins, qui n'en parurent nullement effrayés. Elle fut tirée; personne ne fut tué : les jeunes gens s'élancèrent sur la pièce, s'en emparèrent, tombèrent sur les gendarmes, qui prirent la fuite avec les administrateurs les mêmes jeunes gens brulèrent tous les papiers du district, pillèrent la caisse, passèrent le reste du jour en réjouissance, et s'en retournèrent chez eux, le soir, sans penser à ce qu'ils deviendroient le lendemain, sans s'inquiéter comment ils échapperoient aux vengeances inévitables de la convention. Nous dirons par la suite ce qui en arriva.

La convention venoit de remettre tous les pouvoirs du gouvernement dans les mains d'une commission prise dans son sein, et qu'on nomma comité de salut public. Pour en connoître l'esprit, il suffira d'en nommer les membres : c'étoient les citoyens Robespierre, Danton, Collotd'Herbois, Saint-Just, Billaud-Varennes, etc.

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Soyons peuple! s'écrioit Danton : la

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1793.

1793.

Comité de

révolution a commencé par le peuple; elle ne sera consommée que par le peuple.... La salut montagné de la liberté roulera sur les royablic listes les rochers de l'indépendance des peu

pu

ples. » Après avoir exalté la tête de ses collégues par cette étrange éloquence, il fit décréter l'établissement d'un tribunal révolutionnaire, la mise hors la loi de tout citoyen qui n'obéiroit pas aux décrets de la convention; et une fabrication de piques, pour armer tous les citoyens qui n'avoient pas de fusil...

Tribunal Le tribunal révolutionnaire fut établi révolu- pour juger, sans appel, ni recours en cassationnaire. tion, les conspirateurs et les contre-révolu

tionnaires; mots vagues et terribles, qui laissoient aux tyrans le droit et la faculté de marquer du signe de mort tous ceux qui leur déplaisoient. Le même tribunal devoit connoître de toute entreprise, de tout attentat contre la souveraineté du peuple, contre l'unité et l'indivisibilité de la république; enfin, de tout complot tendant au rétablissement de la royauté.

Cette monstrueuse création n'étoit qu'une répétition de celle de Tibère; avec cette différence, toutefois, que la crainte d'offenser un prince a des bornes, et que celle d'offenser une assemblée n'en a pas. Comment se défendre en effet d'un ennemi présent par-tout, et par-tout invisible, qui a un million de bouches pour accuser,

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et des millions de bras pour frapper? Aussi, dans le nombre prodigieux d'innocents qui furent condamnés par ce tribunal, il n'en est aucun qui n'ait paru coupable de quelques uns des crimes que nous avons énoncés plus haut.

1793.

Cependant l'esprit révolutionnaire ga- La propagnoit insensiblement tous les pays voisins gande, de la France. Les Pays-Bas, la Suisse, Genéve, l'évêché de Liège, le comté de Nice, la principauté de Monaco, étoient dans une agitation extraordinaire, causée par la nôtre, et par les prédications des forcenés qu'on appela depuis propagandistes ; ces états demandèrent leur réunion à la république françoise.

A cette demande, Danton répondit ; « C'est au bord du Rhin, c'est au pied des Alpes, que doit finir notre république. Le grand art des rois est de faire croire que vous êtes en horreur à tous les peuples; proclamez la réunion des peuples qui vous la demandent, et vous recevrez de toutes parts de semblables pétitions....

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Ce discours fut suivi d'un décret qui ordonnoit d'accueillir tous les peuples qui voudroient secouer le joug de l'esclavage, et fraterniser avec la république françoise, La convention venoit d'apprendre avec Assassiindignation un événement qui s'étoit passé à Rome le 13 janvier précédent. Le consul françois qui résidoit dans cette capitale du

nat de Basse

ville,

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