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l'incertitude du signe monétaire, avoit répandu parmi les ouvriers une aisance momentanée qui tourna au préjudice de leurs mœurs, et leur permit de satisfaire leurs penchants pour les débauches grossières, en même temps que leur curiosité pour des plaisirs qui n'étoient jadis réservés qu'aux premières classes de la société. Le moyen de remédier à tous ces désordres! il n'y avoit plus ni lois, ni religion. Les lois nouvelles étoient contestées, ou méconnues. Les temples catholiques restoient fermés, et l'on continuoit de persécuter les prétres, en les signalant sans distinction comme des ennemis du nouvel ordre de choses, comme des fanatiques ou des contre-révolutionnaires.

1795.

tions.

M. Merlin, ministre de la justice, répé- Nouvelles toit contre eux, dans des instructions persécuadressées aux maires et aux agents nationaux, toutes les calomnies qu'Hébert et Chaumette avoient répandues avant lui.

« Les prêtres, disoit-il, accoutumés à publier effrontément ce qu'ils ne pensent, pas, vivent de mensonges, d'intrigues et de conspirations. Ils sont, suivant l'occasión, souples, fiers, insinuants, audacieux, toujours calmes, toujours maîtres de leur physionomie et de leurs mouvements.

« Les prêtres sont les ennemis les plus dangereux de la révolution. Méprisés par

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les hommes forts, ils s'en vengent sur les foibles, qu'ils dominent. Ils les conduisent, entre le ciel et l'enfer, au but qu'ils se sont proposé, et vers lequel ils se portent avec cette constance opiniâtre que nourrit la vengeance ou le fanatisme. Que vos regards n'abandonnent pas un seul instant ces instruments de meurtres, de royalisme et d'anarchie, et que la loi qui comprime, qui frappe et qui déporte tous les réfractaires, reçoive une prompte et entière exécution. »

Désolez leur patience, disoit-il encore; expression atroce et qui peint tout à-lafois l'homme qui s'en est servi, et le temps où un magistrat osa s'en servir; elle lui fut vivement reprochée par ceux des patriotes qui conservoient encore quelque respect pour eux-mêmes. L'un de ceux-ci écrivoit:

« J'abhorre le fanatisme, et je crois que celui de l'irréligion mis à la mode par les Marat et le père Duchesne est le plus funeste de tous. Je pense qu'il ne faut pas tuer les hommes pour les forcer de croire, et qu'il ne faut pas les tuer pour les empêcher de croire: je pense que chacun de nous, en politique comme en religion, doit compatir aux foiblesses des autres, puisque chacun de nous a les siennes. Je pense enfin qu'il faut laisser les préjugés

s'user par le temps, quand on ne peut pas les guérir par la raison (1). »

Les émigrés n'étoient pas plus épar gnés que les prêtres dans les instructions de M. Merlin, et dans celles du directoire.

« Ils ont armé l'univers contre leur patrie, disoit le directoire; ils ont fait la Vendée et les massacres du midi. Ils ont trempé leurs mains parricides dans le sang de leurs frères. Ce sang ne s'effacera plus. Marqués au front comme le premier parricide, ils sont, comme lui, condamnés à errer sans cesse : maudits, comme lui, dans le monde entier, vagabonds comme lui, ils ne reposeront que dans le tombeau. La malédiction qui pèse sur leurs têtes souille et flétrit les lieux qu'ils habitent. En quelque lieu qu'un de ces parricides s'arrête, il s'y commet un crime.

"

Déployez contre ces assassins la toute-puissance nationale; qu'ils oient forcés de ployer sous la loi ou de sortir du territoire françois. Et s'ils ont l'audace d'y rester malgré vous, il faut que la terre les dévore. »

De pareilles instructions, données par les chefs du nouveau gouvernement, n'annonçoient nullement des intentions pacifiques, et démentoient cruellement les espérances que la nation, toujours prompte et légère, avoit conçues d'après leurs (1) Mémoires de L. N. M. Carnot.

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premières proclamations. Cependant les jacobins, dont elles révéloient les vœux secrets, n'étoient pas aussi redoutables qu'ils le disoient. Ils n'avoient plus pour eux ni l'égide de l'opinion dominante, ni le talisman de la terreur: mais ils avoient à défendre leurs têtes menacées par d'innombrables ennemis. Ils craignoient une réaction terrible, dont ils voyoient tous les éléments se réunir et prêts à les accabler; ils durent rassembler toutes leurs forces pour s'en garantir.

Déja la vengeance avoit organisé, dans Compa- le midi de la France, des sociétés secrétes, gnies de dans lesquelles on trouvoit à-la-fois des accusateurs, des juges et des bourreaux.

Jésus.

Les compagnies de Jésus et du Soleil, qui nous ont paru, dans le temps, des fables atroces, et qui ne sont que trop prouvées aujourd'hui, ont pris leur origine dans les massacres que l'on commit, dans les prisons de Lyon et de Marseille, sur des hommes accusés d'avoir eu part aux longues cruautés qui ensanglantèrent et dépeuplèrent ces deux villes.

Dans les départements du Var, de Vaucluse, du Rhône, des Bouches-du-Rhône, etc., il se forma des associations telles qu'il en exista en Allemagne, dans le quatorzième siècle, sous le nom de Tribunal de Dieu, et en Italie dans le temps des Guelphes et des Gibelins: l'objet de celles

dont nous parlons étoit d'exterminer les jacobins. Ce fut un art nouveau en France que celui d'assassiner. On apprit à poignarder dans les ténèbres et à lancer le stilet avec adresse. Les ruines de Toulon, de Lyon, et de Bedoin devinrent le tombeau de ceux qui les avoient entassées et le prétexte d'une foule de vengeances particulières. Il y eut des suspects de terrorisme, comme il y en avoit eu de royalisme. Un homme étoit frappé d'un coup mortel, dans son lit, dans la rue, en plein théâtre; pour empêcher toute espèce de poursuite contre l'assassin, il suffisoit de dire de sa victime: C'est un jacobin; c'est

un terroriste. Les victimes étoient traînées dans le Rhône, et il n'en étoit plus question. Ce fut sous l'invocation sacrilege de compagnie de Jésus que se forma cette société d'assassins qui avoit sa caisse, ses chefs, sa discipline et ses registres !

Le directoire, qui n'eut jamais la force de la réprimer, eut la lâcheté de rejeter ses crimes sur des prêtres isolés, sur des femmes d'émigrés, et sur quelques malheureux nobles qui n'avoient d'autres torts que de déplorer la perte de leurs priviléges et de leurs biens.

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veau tierg

Les propriétaires si cruellement traités Le nou par les jacobins, et pendant long-temps privés de la parole, l'avoient recouvrée ce à padepuis la mort de Robespierre, et s'en roître.

commen

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