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1796.

Bataille

roissoit décisive, puisqu'il coupoit la ligne françoise; Buonaparte, secondé par les généraux La Harpe et Masséna, se portoit sur le flanc et derrière l'ennemi et attaqua les deux côtés avec une égale impétuosité, contre laquelle les Impériaux ne purent tenir. Ils se retirèrent; et, par leur retraite, ils laissèrent les François maîtres des hauteurs qui commandoient la plaine, et des débouchés par lesquels on y descendoit.

Les Autrichiens se retirèrent en bon

de la ordre. Les François les poursuivoient de Bormida. poste en poste. Le 25 à la pointe du jour, les deux armées se retrouvèrent en présence, la rivière de Bormida les séparoit. Dans cette nouvelle position, Augereau à la gauche, cernoit le château de Cosseria; Masséna à la droite, tenoit les hauteurs de Dégo; et La Harpe, au centre, occupoit les environs de Cairo. Le général Beaulieu attaqua vivement le centre et fut repoussé : immédiatement après ce succès, une partie des troupes françoises se porta rapidement vers la droite, où devoient se frapper les coups décisifs. La division de La Harpe forma trois colonnes serrées, qui passèrent la Bormida, sous le feu de l'ennemi, et l'attaquèrent de front et sur les flancs. La déroute fut prompte et entière. Beaulieu, pressé de tous. côtés, se retira sur Acqui, en abandonnant ses équipages et son artillerie

D'un autre côté les divisions de la gau-1796. che, conduites par Serrurier, après avoir forcé les gorges de Millesimo, s'avançoient contre le général Colli, qui commandoit la partie de l'armée austro-sarde destinée à couvrir Turin; le plan de Buonaparte étoit de se porter sur Mondovi et de se placer entre cette armée et la capitale du Piémont, qu'elle devoit protéger. Ce plan hardi et même téméraire lui réussit. La cour de Turin, effrayée à l'approche de l'armée républicaine, n'attendit plus son salut que des négociations.

Au génie de la guerre, le jeune général françois joignoit déja la connoissance des hommes et celle des affaires. Il négocia en vainqueur habile qui sait profiter de ses avantages, et en politique adroit, qui sait ménager l'amour-propre des vaincus.

A cette époque commence la longue série d'imprudences et d'erreurs que commirent successivement toutes les cours de l'Europe, aveuglées qu'elles étoient tourà-tour par une extrême présomption et par un extrême découragement. L'armée piémontoise n'étoit encore ni défaite, ni découragée; l'armée autrichienne étoit en position à Acqui, et attendoit de nombreux renforts du Tyrol et de la Lombardie tous les états d'Italie étoient debout. Un mouvement de deux marches pouvoit rétablir les communications entre les ar

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Soumis

mées alliées. Turin, ville fortifiée, pouvoit recevoir en garnison toute l'armée sarde. sion du Un siège, nécessairement long, lui assuPiémont. roit, dans le temps, un puissant allié; mais

les successeurs d'Amédée se reposoient, depuis un demi-siècle, dans l'oubli des fatigues de la guerre, et les peuples, heureux par leurs soins, mais énervés par une longue paix, en desiroient la continuation, et s'inquiétoient peu du prix qu'elle devoit coûter. Une levée en masse, copiée timidement sur celles qui s'opéroient en France, produisit beaucoup de désertions, et très peu de bataillons: la peur gagna tous les esprits on espéra sauver la cour, en sacrifiant l'état.

Les dispositions pacifiques que le vainqueur avoit habilement laissé entrevoir furent saisies avec empressement dans un conseil disposé à la complaisance par intérêt, par goût, par crainte et sur-tout par l'espoir du repas..

heu

Aux premières conditions qui lui furent offertes avec timidité, Buonaparte ajouta les siennes, qui, sans être trop humiliantes en apparence, n'en étoient pas moins dures en effet. Et la cour se crut trop reuse de s'y soumettre, sans se déplacer. Toutes les villes de sûreté du Piémont, Coni, Exiles, Suse, Château-Dauphin, Tortone, Alexandrie, furent le gage de l'armistice, et livrées au vainqueur. A ce

prix, le roi eut la permission de rester dans sa capitale et d'y faire aux généraux françois les honneurs de sa cour.

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Le pouvoir du directoire se borna à signer ce traité, qui fut l'ouvrage du pouvoir militaire, et qui peut être regardé comme son premier acte d'indépendance. De ce jour aussi, l'opinion publique s'accoutuma à l'idée de l'autorité militaire. L'éclat éblouissant de la gloire, le style hardi des rapports officiels, le prestige de l'âge du général, les avantages réels de succès, qui passoient toutes les espérances, tout concourut à détourner les regards des intérêts civils et de la chose publique, pour les fixer sur les champs de bataille et sur un seul homme. La balance des destinées, après une oscillation violente, parut s'arrêter un moment, perdit insensiblement l'équilibre, et pencha bientôt, sans contre-poids, vers un nouvel or dre de choses.

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Buona

parte.

On ne peut guères douter que Buona- Projets de parte n'eût dès lors mûri de vastes projets sur l'Italie, quand on lit avec quelque attention la proclamation qu'il adressa à ses soldats, peu de jours après la bataille de Mondovi, et avant celle de Lodi. On y retrouve et les premières pages de son histoire, et les principaux traits de son carac, tère. Nous en avons conservé le texte, parceque cet homme extraordinaire veut être

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connu par ce qu'il a dit, autant que par ce qu'il a fait.

« Soldats, vous avez en quinze jours remporté six victoires, pris vingt-un drapeaux, cinquante-cinq piéces de canon, plusieurs places fortes, conquis la plus riche partie du Piémont. Vous avez fait quinze cents prisonniers, tué ou blessé plus de dix mille hommes. Vous vous êtes jusqu'ici battus pour des rochers stériles. Illustrés par votre courage, mais inutiles à la patrie, vous égalez aujourd'hui, par vos services, l'armée conquérante de Hollande et du Rhin. Dénués de tout, vous avez suppléé à tout. Vous avez gagné des batailles sans canons, passé des rivières sans pont, fait des marches forcées sans souliers, bivouaqué sans eau-de-vie et souvent sans pain. Les phalanges de la liberté étoient seules capables de souffrir ce que vous avez souffert. Graces vous en soient rendues, soldats! la patrie reconnoissante vous devra sa prospérité. Et si, vainqueurs de Toulon, vous présageâtes l'immortelle campagne de 1793, vos victoires actuelles en présagent une plus belle encore.

Les deux armées qui naguère vous attaquèrent avec audace fuient épouvantées devant vous; les hommes pervers qui rioient de votre misère et se rejouissoient dans leurs pensées des triomphes de vos

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