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1793.

Arresta

qui
devoient sonner le tocsin d'une nou-
velle Saint-Barthélemy, et faire main-
basse sur tous les députés qui n'avoient
pas voté la mort du roi, etc....

Après la lecture de ces pièces, plusieurs orateurs s'élancèrent vivement à la tribune pour exprimer l'horreur qu'ils en ressentoient. Plusieurs autres demandérent que les auteurs fussent poursuivis suivant toute la rigueur des lois. Barrère lui-même se rangea du côté des girondins, et fit décréter la formation d'un comité de douze membres avec le pouvoir de lancer des mandats d'arrêt contre les factieux et les conspirateurs.

Ce comité, formé d'hommes connus par leur attachement au parti de la Gironde, débuta par un acte de vigueur, en faisant arrêter Hébert, substitut du procureur de la commune, au milieu même de ses collègues. C'étoit le 24 mai, jour où l'on avoit distribué deux mille poignards à autant de scélérats qui devoient aller assassiner les députés proscrits dans le sein de la convention; tandis qu'une légion, dite de Rosental, en dépôt à Saint Denis, étoit mandée pour venir protéger cette boucherie.

Hébert n'étoit qu'un agent subalterne tion d'Hé de Robespierre et de Danton. Tout étoit fini, et les girondins étoient sauvés, si, au lieu d'Hébert, le comité eût fait arrê

bert.

ter ces deux grands coupables; mais il 1793. n'osa pas s'élever jusqu'à ce coup d'autorité; et cette foiblesse les perdit.

Cependant l'arrestation d'Hébert déconcerta pour un moment le plan des factieux, et causa un bouleversement général dans la ville. Une sorte de fièvre s'empara de toutes les têtes. Les sections se divisèrent; on se battit dans quelques unes; on sonna le tocsin à l'hôtel-de-ville; des femmes, qui depuis long-temps ne sor+ toient des maisons de débauche que pour aller au meurtre, parcouroient les rues, tambour battant, et sous les drapeaux de l'insurrection; une ville prise d'assaut n'offre pas l'image d'un plus grand désordre. Le même désordre régnoit dans le sein de l'assemblée; on s'y disoit les injures les plus grossières; on s'y faisoit les menaces les plus terribles; on fut plusieurs fois sur le point d'en venir aux mains.

Pendant deux jours, des pétitionnaires ivres de sang et de vin, ne cessèrent de venir réclamer la liberté d'Hébert avec des voix sinistres et des gestes menaçants. Isnard, président de l'assemblée pendant cette crise, trop foible pour en maîtriser la violence, eut cependant la force de prononcer les paroles suivantes :

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Écoutez

ce que je vais vous dire : si le fer étoit porté au sein de la représentation nationale, je vous le déclare au nom

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de la France entière, Paris seroit anéanti. Qui la France entière tireroit vengeance de cet attentat, et l'on chercheroit bientôt sur les rives de la Seine le lieu où Paris exista. »

Isnard s'abusoit. Au lieu d'effrayer ses ennemis, ses menaces impuissantes ne firent que les irriter. Ils s'avancèrent pour le précipiter du fauteuil; ses amis accoururent pour le défendre. Au milieu de ce tumulte, Danton, s'adressant aux girondins, s'écria d'une voix retentissante : C'en est trop, vous périrez !

Le combat étoit trop inégal; les pétitionnaires confondus avec les députés, votoient, disputoient, menaçoient comme eux. Hérault de Séchelles, qui venoit de remplacer Isnard au fauteuil, mit aux voix et prononça la mise en liberté d'Hébert, et la suppression de la commission des douze.

Le lendemain 30 mai, les girondins protestèrent contre un décret qui avoit été enlevé par la violence, et vinrent à bout de le faire rapporter. Ce triomphe fut de courte durée.

Le redoutable Danton parut à la tribune, et dit avec son audace ordinaire : « Cessez une résistance inutile, ou vous verrez bientôt que nous savons vous surpasser en énergie révolutionnaire. »

Collot - d'Herbois ajouta: Vous avez

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violé les droits de l'homme, nous allons les violer à notre tour!.... Alors les girondins furent abandonnés, et l'assemblée décréta pour la seconde fois la mise en liberté d'Hébert. Hébert n'étoit qu'un nom qui servoit à couvrir l'insurrection générale que les jacobins proposoient depuis longtemps et qui devoit éclater le lendemain.

Lanjuinais la dénonça dans la soirée du 30 mai, et dit « que depuis quelques jours il se tramoit un complot contre la majorité de la convention; que la bombe devoit éclater le lendemain si on ne prenoit les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour en arrêter l'explosion.... » L'assemblée passa à l'ordre du jour et leva la séance à minuit,

Pendant ce temps-là, les soixante-douze factieux qui s'étoient constitués en comité central, étoient assemblés à l'hôtel-deville; ils se déclarèrent en insurrection; se munirent de pouvoirs illimités; cassèrent et recréèrent le conseil général de la commune, et nommèrent chef de la force. armée Henriot, un des assassins du 2 septembre (1).

Le 31 mai à cinq heures du matin, le

(1) Ge misérable, échappé à la corde, qu'il avoit méritée avant la révolution, fut un des agents les, plus zélés de Robespierre, qui le fit nommer com, mandant de la garde nationale de Paris, et s'en servit très utilement dans les journées des 31 mai et 2. juin,

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canon d'alarme est tiré; le tocsin sonne; les barrières sont fermées; on bat la générale dans toutes les rues; tout le monde prend les armes. Contre qui alloit-on se battre? Excepté les sept à huit cents bandits qui étoient dans le secret des factieux, personne n'en savoit rien. A midi, ce grand secret fut révélé; et l'on apprit que tout ce bruit et ce mouvement avoient pour objet de demander l'acte d'accusation de vingt-deux députés chefs du parti de la Gironde.

.. Tandis que les sections du centre restoient armées sur leur terrain, les sections des faubourgs Saint-Antoine et SaintMarceau marchèrent sur les Tuileries, et devoient, chemin faisant, piller le PalaisRoyal; c'étoit le prix convenu de leur expédition. Il y avoit heureusement à la tête de la section du Palais-Royal un homme brave et intelligent nommé Raffet. Il ordonna des dispositions de résistance si bien combinées, que les insurgés n'osèrent pas l'attaquer. Ils passèrent outre, et allèrent assiéger la convention dans son palais. Les membres de la commune, suivis d'une troupe d'assassins, pénétrèrent dans l'assemblée et commencèrent à lui dicter des lois insolentes, lorsque Vergniaud, Pontécoulant et sur-tout Lanjuinais, saisis d'indignation, prirent la réso-, lution de périr plutôt que de s'y soumettre.

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