Page images
PDF
EPUB

bleus qu'ils attaquent avec furie, et dont ils désarment les premiers rangs.

Pendant ce temps-là, M. de La RocheJaquelein, à la tête de la cavalerie vendéenne, chargeoit avec succès celle des républicains, et, au lieu de la poursuivre dans sa déroute, il tomba sur le flanc gauche de l'infanterie et l'enfonça. Ce fut là ce qui décida de l'affaire. Les républicains avoient tenu une heure et demie. Un bataillon de la Gironde fit seul une belle résistance; le reste s'enfuit en désordre vers la ville.

M. de Lescure, qui les poursuivoit vivement, y arriva aussitôt qu'eux; ses paysans n'osoient pas le suivre. M. de Bon-. champ et Forêt arrivèrent et s'élancèrent à ses côtés. Tous les trois osèrent s'aventurer dans les rues de Fontenay, remplies de fuyards qui jetoient bas leurs armes en criant: Grace, grace! Trois hommes en effrayoient six mille! M. de Bonchamp seul fut blessé.

Cette affaire, une des plus brillantes de la guerre, donna à l'insurrection une consistance qu'elle n'avoit pas eue jusqu'alors, et rendit l'armée maîtresse de quarante : piéces de canon, de dix mille fusils, d'une grande quantité de munitions de guerre, et de la caisse militaire qui renfermoit plusieurs millions en assignats et 900,000 fr, en numéraire,

1793.

1793.

Alors les chefs essayèrent de donner plus de régularité à leurs opérations en créant un conseil supérieur d'administration dont le siége fut fixé à Châtillon.

Un abbé Guyot de Folleville, qui se faisoit appeler l'évêque d'Agra, et qui, sous ce faux nom, trompa toute l'armée vendéenne sans qu'on sache quels étoient son but et ses projets, fut nommé président du conseil.

Un autre abbé nommé Bernier, ancien curé d'Angers, en fit partie et y obtint bientôt la plus grande influence. C'étoit un homme d'esprit, qui écrivoit et parloit avec une égale facilité, dont le ton étoit doux et les manières insinuantes; mais d'une hypocrisie profonde, d'une ambition démesurée, semant adroitement les défiances et la discorde, et gouvernant les esprits par l'imposture et la calomnie (1).

La convention, qui jusqu'alors avoit traité fort légèrement l'insurrection de la Vendée, commença à la voir sous son véritable aspect; sentit jusqu'où elle pouvoit aller, et résolut de l'écraser tout d'un coup en déployant contre elle des forces redoutables. Elle destina à cet effet une armée de quarante mille hommes, composée en grande partie de bataillons tirés de l'armée du nord, de vieux soldats exercés aux fa

(1) Mémoires de madame de La Roche-Jaquelein.

tigues de la guerre, d'escadrons choisis, et d'une nombreuse artillerie. Les troupes et les canons voyagèrent en poste, et airivèrent en cinq jours de Paris à Saumur (1).

Cette armée, commandée par des hommes dont les noms sont aujourd'hui couverts d'un ridicule ineffaçable, mais dont la présence étoit alors signalée par la terreur et la cruauté, s'étendoit depuis Saumur jusqu'à Vihiers, dans un espace de neuf à dix lieues.

Tandis que celle des Vendéens se formoit à Châtillon sous les ordres de M. de Lescure, l'intrépide Stofflet partit de Chollet avec soixante-dix cavaliers, et vint attaquer la petite ville de Vihiers, défendue par quinze cents républicains. Ceux-ci se replièrent et revinrent le lendemain avec deux mille hommes de plus. Stofflet se replia à son tour sans avoir eu le temps de faire avertir M. de Lescure de sa retraite.

Les républicains, ayant appris qu'une colonne vendéenne s'avançoit contre eux, recommandèrent aux habitants, qui étoient presque tous dans leurs intérêts, de ne point paroître, et de laisser croire rebelles que la ville étoit encore occupée par Stofffet (2); puis ils allèrent s'embusquer sur une hauteur voisine.

aux

83

Trente-huit postes.

Mémoires de madame la marquise de La RocheJaquelein.

1793.

1793.

MM. de Lescure et de La Roche-Jaquelein arrivent avec quatre mille hommes pleins de sécurité comme eux, et s'engagent dans la ville sans se douter de rien; ils la traversent sans rencontrer ni amis ni ennemis; ils aperçoivent quelques hommes sur le hauteurs, et croyant que c'étoit la troupe de Stofflet, ils s'avancent négligemment pour la rejoindre. Tout-à-coup une batterie masquée fit sur eux un feu de mitraille. Le cheval de M. de Lescure fut blessé. Ses paysans ne furent point intimidés; ils s'élancent avec leur impétuosité ordinaire sur les bleus, qui, ne s'attendant nullement à cette attaque, jettent leurs armes, abandonnent leurs canons et s'enfuient à toutes jambes sur la route

de Doué.

L'armée vendéenne étoit formée. Elle

marche rapidement sur Doué, l'emporte, et poursuit les républicains sur le chemin de Saumur, où elle seroit arrivée avec eux, si elle n'eût été arrêtée par le feu de deux batteries redoutables, placées sur les hauteurs de Bournan.

L'attaque de Saumur fut résolue. C'étoit une ville considérable, et un poste très important sur la Loire, défendu par un camp de vingt mille hommes, et par un château fortifié. Le château, le camp, la ville, tout fut emporté, tout céda à la valeur des royalistes. Les républicains

s'enfuirent lâchement sur la routé de Tours, en laissant derrière eux quatrevingts pièces de canon, vingt mille fusils, et onze mille prisonniers; la perte des Vendéens, dans cette affaire, fut de soixante hommes tués, et quatre cents blessés: M. de Lescure étoit du nombre de ces derniers.

Ce fut là l'époque brillante de leur gloire; et en même temps le terme de leurs succès. Nous les verrons encore se battre avec la même valeur, montrer le même dévouement, remporter quelques avantages, mais nous ne verrons plus de concert dans leurs efforts, plus d'unité dans leurs moyens, plus d'événements décisifs en leur faveur. La convention prit dès-lors sur eux la même supériorité qu'elle prenoit sur tous ses ennemis.

1793.

Avant ce moment, tout sembloit conspirer contre elle: au-dehors les Autrichiens maîtres de Valenciennes et de Condé, poussèrent leurs avant-postes jusqu'à Vervins et Saint-Amand, à quarante lieues de Paris. La prise de Valenciennes avoit été précédée de celle du camp de Famars, où les François perdirent armes et bagages, et essuyèrent la plus humiliante défaite de toute la guerre. Nous avions perdu toutes nos conquê- Guerre tes sur le Rhin, Francfort et Mayence étranétoient évacués. Custines, forcé de se re

gère.

« PreviousContinue »