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plier sur l'Alsace, venoit d'être appelé au commandement de l'armée du nord, qui étoit alors dans le plus grand désordre, et dans la plus dangereuse des positions. Du côté des Pyrénées, les Espagnols avoient pénétré sur notre territoire, après s'être emparés de l'importante forteresse de Bellegarde et du port de Collioure.

Du côté des Alpes, les Piémontais étoient rentrés en Savoie, et nous poursuivoient de poste en poste.

Dans l'intérieur les mêmes dangers les mêmes disgraces attendoient et menaçoient la convention. Les départements de l'ouest ne reconnoissoient plus son autorité; les départements méridionaux s'armoient contre elle. Lyon, Bordeaux, Marseille et Toulon, les principales cités du royaume, étoient animées du même esprit, et avoient résolu de secouer le joug de la plus honteuse des tyrannies. Qui n'auroit cru la convention perdue

en la

voyant entourée de tant et de si formidables ennemis? Une contre-révolution paroissoit inévitable; les plus coupables des factieux la croyoient tellement assurée, qu'ils songèrent à se garantir de ses effets, en destinant une partie des richesses de la couronne, qu'ils avoient dérobées, à l'acquisition de la plus grande île de l'Archipel (1), où ils devoient se re(1) Candie, autrefois l'île de Crète.

tirer et vivre sous la protection du grandseigneur. La négociation manqua, non par leur faute, mais parceque celui qui en étoit chargé fut arrêté en chemin avec ses papiers et ses trésors.

Il est juste de dire que les chefs de la convention, loin de partager ces craintes, ne songèrent qu'à se défendre, et prirent à cet effet les mesures les plus promptes et les plus efficaces. Ces hommes qui nous avoient paru si méprisables dans leurs dangers personnels, déployèrent dans les dangers publics une hauteur de caractère, une vigueur et un courage qui les placeront peut-être à côté des héros des anciennes républiques, quand le temps aura dissipé les préventions qu'ont inspirées contre eux les longues calamités que nous avons souffertes par eux, ou à cause d'eux.

Nous avons dit que l'assemblée avoit confié tous ses pouvoirs à un comité de salut public, composé de ceux de ses membres les plus renommés par leur patriotisme. Ils ne trompèrent pas son attente, et leurs moyens d'action répondirent à l'intention de leurs commettants et à la férocité de leur caractère (1).

Ils s'attachèrent les brigands par l'im

(1) N'oublions pas que c'étoit Robespierre, Collot d'Herbois, Billaud-Varennes, Couthon, Saint-Just, 1 Barrère, etc.....

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Puissance

punité, les patriotes par les places, les armées par la licence et des largesses. Ils du comité semèrent la division parmi les mécontents, de salut l'inquiétude parmi les fonctionnaires pupublic. blics, la haine et la terreur par-tout; dis

posant des presses, des finances et de la force publique, agissant au nom de la nation, parlant au nom de la loi, menaçant toujours de la mort; comment n'auroientils pas pris momentanément sur tous les esprits l'empire que donne toujours une force irrésistible?

Bientôt on ne sentit plus que l'action de deux grands ressorts, la volonté du comité de salut public, et les bras du peuple.

Ce peuple, c'est-à-dire la populace, qui composoit à elle seule les assemblées de section, les comités révolutionnaires, l'état-major des armées, donna l'essor à toutes ses passions, qui long-temps comprimées par la religion ou par les lois, se détendirent alors avec une violence qui déplaça tout, et détruisit tout.

L'homme sans propriété, l'artisan sans lumières, le prêtre sans religion, les femmes sans pudeur, devinrent autant d'instruments du comité de salut public. La modération devint un crime, le savoir devint un crime, l'éducation devint un crime, tout devint crime, hors le crime luimême. La grossièreté dans les propos, la brusquerie dans les manières, la malpro

y

preté dans les vêtements étoient des vertus républicaines, et ces vertus brilloient éminemment dans les comités révolutionnaires, sorte d'agences subalternes, et dépendances immédiates du comité de salut public, duquel elles avoient reçu le pouvoir de faire incarcérer les citoyens, et de séquestrer leurs biens, sans être obligés d'en rendre compte à qui que ce fût. Il avoit des comités révolutionnaires dans tous les districts, et dans tous les villages. On n'y appeloit à ces fonctions que des hommes connus par leur dureté, leur immoralité, leur férocité. Pour s'y maintenir, il falloit dénoncer, incarcérer, boire et jurer toute la journée : il falloit établir la république sur les ruines de toutes les anciennes institutions: il falloit la cimenter avec le sang des royalistes, des aristocrates et des modérés.

Dans cet ordre de choses, les grandes propriétés, la naissance, la vertu, la piété, la modération, étoient autant d'obstacles au niveau qu'on vouloit établir, autant d'écueils qui génoient la marche du char révolutionnaire.

On s'est fait mal-à-propos une haute idée du génie et des conceptions de ce gouvernement: rien n'étoit moins compliqué que sa machine, rien n'étoit plus facile que sa marche, dès que fut admise l'hypothèse de la souveraineté du peuple. Les

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tyrans populaires ne peuvent employer que les bras du peuple pour l'égarer, le corrompre et l'asservir. L'intérêt du peuple étoit le prétexte de toutes leurs opérations, et la mort le seul ressort qu'ils employoient pour les accélérer.

Tout député, tout général, tout ministre, tout individu convaincu de résistance aux ordres du comité de salut public étoit puni de mort.

«Le but de son institution, disoit le rapporteur, est de détruire les frottements et les retards, d'investir ses agents des moyens les plus efficaces, de les seconder, et de donner à la révolution la plus grande activité possible.

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C'étoit pour atteindre ce but que Barrère, l'orateur bannal du comité, accusoit les prêtres, les nobles, les banquiers, les marchands et les propriétaires, de faire hausser le prix des marchandises et des denrées, d'être la cause de nos défaites et de la rareté du numéraire. Le peuple, à qui on redisoit tous les jours ces mêmes sottises, finit par y croire, desira la mort. de ceux qu'on lui désignoit comme ses ennemis, approuva les exécutions, trouva qu'il n'y en avoit jamais assez; et dans les départements comme à Paris, pressa les ventes, les saisies, les incarcérations, les exécutions, tout ce qui pouvoit faire passer dans ses mains le bien des riches de

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