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venus à ses yeux des traîtres et des ennemis de la patrie.

1793.

Tandis qu'à Paris on faisoit à ceux-ci un crime de leur aristocratie, à Lyon, à Bordeaux, à Nantes et à Rouen on leur en faisoit un du négotiantisme, mot nouveau et inventé par Robespierre qui inventoit tous les jours de nouveaux moyens de destruction, et qui ne pouvoit régner que sur des ruines et sur des sans-culottes. Ce fut d'après ces dispositions qu'il fit Constitu rédiger par le comité de salut public et proclamer par Hérault de Séchelles, cette fameuse charte connue sous le nom de constitution de 1793, laquelle fut, comme celle de 1791, précédée d'une déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En voici les articles principaux :

« Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi. La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent. La loi ne reconnoît point de domesticité; il ne peut y avoir qu'un engagement de soins et de reconnoissance entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie. La résistance à l'oppression est la conséquence des autres droits de l'homme. Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des

tion de

1793.

1793.

devoirs.... Tous les François sont soldats. La force générale de la république se compose du peuple entier, etc. »

Les tribunes applaudirent vivement à chacune des maximes de ce nouveau code politique; et les hommes de la montagne (1) se levèrent tous à-la-fois et demandèrent à grands cris qu'on mît aux voix sur-le-champ et sans discussion, une constitution qui assuroit au peuple françois un bonheur éternel et les plus hautes destinées.

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Gohier, ministre de la justice, déclara sur son honneur, qu'au moment où le peuple françois avoit voté cette constitution sublime, il lui avoit semblé voir les sceptres et les trônes rouler à ses pieds, se réduire en poudre, et sur ces débrist s'élever l'édifice majestueux de la république françoise. »

Il semble qu'un gouvernement fondé sur un tel délire n'auroit pas dû voir la fin de l'année. On en juge autrement quand on réfléchit qu'élevé par les plus fougueuses passions, et défendu par les bras robustes de la multitude, il devoit durer tant qu'il y auroit des passions pour l'entretenir et des bras pour le défendre.

Les membres de la commune et ceux

(1) C'est ainsi qu'on appeloit les députés, partisans zélés de Robespierre, qui siégeoient sur les hauts bancs de l'assemblée.

de la société des jacobins vinrent apporter à la convention le vote des quarantehuit sections qui avoient accepté la constitution nouvelle à l'unanimité; ils étoient accompagnés de quarante-huit tambours qui rendoient cette cérémonie aussi bruyante que ridicule. L'orateur félicita l'assemblée de son courage et de ses travaux; et en retour de ses compliments le président lui dit que les sections de Paris n'avoient pas cessé de bien mériter de la patrie.

Sous le joug de ses nouveaux maîtres, Paris imitoit parfaitement les hommages serviles que, dans le temps de sa dégradation, Rome prodiguoit aux plus odieux tyrans. Tandis que les vandales de l'assemblée décrétoient la suppression et l'anéantissement de tous les monuments des arts qui rappeloient aux peuples la magnificence des rois et la gloire de la nation, de grossiers monuments, que la sottise et la barbarie élevoient à la hâte, représentoient par-tout le triomphe de la montagne.

.1793.

Marat.

Un événement inattendu interrompit Mort de un moment le cours de ces adulations et de ce vandalisme. Le 14 juillet on apprit dans Paris que Marat venoit d'être assassiné. Cet homme, malgré sa férocité, n'étoit assurément pas le personnage le plus dangereux de l'assemblée; mais c'étoit

1793.

Charlotte

celui qui par son audace, ses discours, son journal, faisoit le plus de bruit dans les départements, et passoit pour le chef des scélérats qui gouvernoient la France.

Une jeune et belle fille, nommée CharCorday. lotte Corday (1), demeurant à Caen, se persuada qu'en purgeant la terre de ce monstre, elle affranchiroit son pays du joug de la tyrannie.

Elle arrive à Paris, se présente chez Marat; on lui refuse la porte; elle ne se décourage pas, et croyant pouvoir user d'artifice avec un monstre, elle lui écrit la lettre suivante :

«Citoyen, j'arrive de Caen. Votre amour pour la patrie me fait présumer que vous connoîtrez avec plaisir les malheureux événements de cette partie de la république. Je me présenterai demain chez vous; ayez la bonté de me recevoir et de m'accorder un momennt d'entretien vous mettrai à même de rendre un grand service à la France.

CHARLOTTE CORDAY. »

je

Elle revint le lendemain et fut admise. Marat étoit dans le bain. Elle s'approche de lui avec timidité, tenant un papier à la

(1) Agée de vingt-cinq ans. On a dit dans le temps qu'elle avoit voulu venger la mort d'un amant : c'est une calomnie. Elle ne songea qu'à immoler un grand scélérat.

main. Marat lui fait différentes questions, et entre autres celle-ci : Quels sont les fédéralistes qui sont réfugiés à Caen? Elle les nomme. - Ils subiront bientôt le sort que méritent des traîtres, dit le monstre avec un rire féroce. - En attendant, voici le tien, répond la courageuse fille, en lui plongeant d'une main ferme un poignard dans le cœur. Le monstre expire, et la jeune fille se laisse arrêter sans résistance (1).

Interrogée sur son action et sur ses motifs, elle convint de tout, et dit que le seul desir de délivrer la France de la bête féroce qui la désoloit, avoit armé son bras, et qu'elle mourroit sans regret puisqu'elle avoit atteint son but. Elle fut condamnée à mort. Avant sa condamnation elle écrivit à son père la lettre suivante :

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Pardonnez-moi, mon cher papa, d'avoir disposé de mon existence sans votre permission. J'ai vengé bien d'innocentes victimes; j'ai prévenu beaucoup de désastres. Le peuple, un jour désabusé, se réjouira d'être délivré d'un tyran. Si j'ai cherché à vous persuader que je passois en Angleterre, c'est que j'espérois garder l'incognito. Mais la chose a été impossible. J'espère qu'on vous laissera tranquille.

(1) En blàmant l'action de cette jeune fanatique, on ne peut s'empêcher d'admirer son courage.

1793.

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